Achat de whisky au ‘’Duty Free’’ après Pessa’h

Achat de whisky au ‘’Duty Free’’ après Pessa’h

Il y a lieu de s’interroger sur la possibilité d’acquérir du whisky au Duty Free de l’aéroport Ben Gourion, à Tel-Aviv, après la fête de Pessa’h. En effet, le risque d’être concerné par le cas du ‘’Levain ayant passé Pessa’h’’ est assez élevé, le propriétaire (connu comme étant juif) ayant peut-être omis de vendre son ‘Hamets

De plus, même dans le cas fort probable où la vente eu lieu, ainsi que l’autorité rabbinique en place le certifie, le fait même que les bouteilles de whisky soient mises à la vente durant la fête entraîne une incohérence dans ladite vente. Nous pouvons supposer que cette mise à la vente révèle chez le prétendu vendeur un refus d’accepter cette transaction, entraînant par cela l’annulation du contrat.

Dans les responsa du Rav Moshé Feinstein (Igrot Moshé I, 149) nous trouvons un cas similaire.

Il s’attarde sur le fait de procéder à une vente de ‘Hamets pour des commerces susceptibles de le vendre durant la fête. Il conclut que cette vente reste valide malgré la commercialisation du produit vendu. En effet, le fait de vendre ne remet en aucun cas le contrat en question. Nous pouvons certes parler de vol du Non-juif nouvellement propriétaire du ledit produit, mais pas d’annulation de vente. Les produits restés invendus appartiennent donc encore au Non-juif et ne sont plus la propriété des commerçants juifs.

Cependant, cette question aura été posé explicitement au Rav Wozner, de mémoire bénite, par le rabbin en charge de la compagnie El-Al, Rav Yonathan ‘Hayot (cf. Rats KaTsvi, Pessa’h 13) et il lui aurait personnellement répondu que cette vente était invalide, et que toute nourriture à base de levain se trouvant dans ces magasins était interdite après Pessa’h, il était donc interdit d’en tirer un quelconque profit.

Il justifia son verdict, qui semble contredire celui du Rav Moshé Feinstein précité, en différenciant les contextes respectifs. Dans le cas précédent, la vente en elle-même fut valide, seul le commerçant, séduit par l’appât du gain, viola les clauses de la vente. Tandis que dans notre cas, le Duty Free annonce d’emblée sa volonté de vendre durant la fête, la vente est donc caduque dès le début, car il n’y a aucun désir d’appliquer les règles de la vente. 

Malgré tout, de nombreux décisionnaires seront plus permissibles dans notre cas. Ainsi semble être l’avis de Rav Shlomo Zalman Auyerbach (Hali’hot Shelomo Pessa’h VI, 9) qui écrit qu’il est impossible de révoquer un contrat de vente après avoir apposé sa signature. Même si au fond de lui, le vendeur n’avait aucunement l’intention de vendre, ‘’Les intentions du cœur ne sont pas considérées comme effectives’’.

De plus, nous trouvons chez Rav Shlomo ‘Amar un comportement similaire. En 2017, des magasins du Duty Free refusait de vendre leurs produits ‘Hamets. Le Rav évalua qu’en réalité, ils n’avaient pas de problème à vendre leur ‘Hamets, leur refus venait surtout d’une volonté de tirer profit de leurs commerces durant la fête. Pour éviter aux acheteurs futurs de transgresser l’interdit de tirer profit d’un levain ayant passé Pessa’h, ce dernier associa ces vendeurs récalcitrants à sa vente personnelle du ‘Hamets. (En effet, selon la majorité des décisionnaires, nous pouvons procéder à la vente du ‘Hamets d’autrui même sans son consentement explicite, grâce à la règle de Za’hin, où nous pouvons faire bénéficier autrui sans exiger son accord.) 

Nous pouvons voir une nouveauté dans son verdict ; même sans avoir signé aucun contrat, le propriétaire reste concerné par la vente, et cela même s’il contrevient aux clauses élémentaires du contrat ! 

A part cela, une autre donnée vient entrer en jeu. Au sujet du statut du Whisky, certains avis ne le considèrent même pas comme du ‘Hamets proprement dit. Ce breuvage ne contient pas d’orge, mais c’est de la vapeur d’orge, produite par le procédé de distillation, qui est présente. Le statut hala’hique de cette vapeur une fois condensée se nomme ‘’Ze’a’’, ou littéralement ‘sueur’. Son statut étant incertain selon la Hala’ha, tout statut incertain de ‘Hamets ayant passé Pessa’h est sujet à la divergence d’opinion citée dans le Mishna Beroura (449 §5). Selon certains, il serait permis d’en tirer profit, selon d’autres il serait même permis à la consommation.

En conclusion, en sachant que ces commerçants ont procédé à la vente du ‘Hamets, il y a lieu a posteriori de se montrer indulgent dans le cas où la bouteille de whisky aurait été achetée au préalable. A priori, il faudra attendre le laps de temps nécessaire au renouvellement de la marchandise pour se permettre d’acquérir cet alcool. 

Dans le cas où la vente n’aurait pas eu lieu du tout, il n’y aurait aucune permission de consommer ce whisky, seul le profit pourra être autorisé.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.

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