Chémini Atséret – L’arrêt du Huitième jour ou La fiancée du Chabat

Chémini Atséret – L’arrêt du Huitième jour ou La fiancée du Chabat

Cette année, la fête de Chemini Atséret coïncide avec Chabat. Cette circonstance particulière contient une force bien spécifique, comme notre propos va nous le révéler.

Le Chabat est personnifié et dénommé « kala – fiancée », comme rapporte le midrach (Béréchit raba 11) que lors de la Création, le jour du Chabbat vint se plaindre à Hakadoch Baroukh Hou en demandant pourquoi chaque jour de la semaine avait sa paire alors qu’il était seul ! Hakadoch Baroukh lui promit que l’Assemblée d’Israel serait son conjoint. Dans la Parachat Emor (23; 36), le Ramban précise que le partenaire du septième jour n’est autre que « Chemini Atséret », dont la signification est « atsira – arrêt ». Il semble donc qu’il existe un lien profond entre Chemini Atséret et le peuple d’Israel, et que ces derniers soient associés au Chabat ! Un tel propos mérite éclaircissement.

Aucun étranger ne peut partager notre joie

Nous savons tous que le Chabbat est la spécificité et l’exclusivité d’Israel. Les non-juifs n’y ont aucune part, ainsi que nous l’exprimons dans la téfila ‘במנוחתו לא ישכנו ערלים – en Ton repos, ne résideront pas les incirconcis’ ! Et cela, à tel point qu’il est dit dans la guémara qu’un non-juif qui observe le jour du Chabbat est passible de mort (Sanhédrin 58).

La raison d’une telle restriction tient dans le fait que Chabbat est appelé מעין עולם הבא –un avant-goût du monde futur, alors que les nations du monde n’ont de rapport qu’avec ce monde-ci.

C’est là le fond de la relation existant entre Israel et le Chabbat, comme l’explique le Maharal (Tiféret Israel §40) : de même que le jour du Chabbat se différencie des autres jours de la semaine, jours profanes, ainsi Israel se distingue des autres nations, elles-mêmes laïques !

La fête de Chemini Atséret fait suite aux sept jours de festivités de Souccot ! Selon le Sfat Emeth, la dimension de ce jour est au-delà du monde d’ici-bas, et davantage en rapport avec le monde futur. Le Gaon de Vilna écrit d’ailleurs que ce jour est « une miniature de la simha de notre monde futur prochain, à laquelle pas un seul étranger n’aura accès ».

Voici donc ce qui réunit le jour de Chemini Atséret et le Chabbat, qui lui aussi est « מעין עולם הבא – un avant-goût du monde futur ». C’est ce qui justifie que ces deux jours ne concernent que le Peuple Juif. Toutefois, il nous reste désormais à comprendre la dualité de ces deux jours qui comme on l’a vu forment un couple, autrement dit qu’est-ce qui les différencie ?!

La huitième note ou Quand les deux mondes fusionnent

Le Gaon de Vilna (Adereth Eliahou Devarim) écrit que la fête de Chemini Atséret est en corrélation avec les temps messianiques. Il se fonde pour cela sur les paroles du talmud (Arakhin 13b) : la harpe utilisée dans le Temple était un instrument à sept cordes, tandis que la harpe qui sera jouée à la période messianique aura huit cordes, comme il est dit dans le Téhilim (12; 1) « למנצח על השמינית – Au chef des chantres, à l’octave, Psaume de David ». Or ce mizmor est le chant que les Léviim récitaient au Beith Hamikdach le jour de Chemini Atséret (Sofrim 18).

Cependant, les paroles du Gaon se contredisent quelque peu ; la période messianique se différencie en effet du monde futur. Et nous savons d’ailleurs que la harpe du monde futur se distingue de celle des temps messianiques, comme rapporté dans cette même guémara : la harpe du monde futur est faite de dix cordes, ainsi qu’il est dit (Téhilim 33) « Rendez grâce à l’Eternel avec la harpe, Célébrez-Le avec le luth à dix cordes, chantez pour Lui un chant nouveau. »

Pour répondre à cette difficulté, Rav Ayzik ‘Haver écrit que la harpe à huit cordes correspond à la fin de la période messianique, prélude au monde futur. Par opposition au Chabbat, qui est un jour totalement spirituel, échantillon du monde futur ; Chemini Atséret, à l’instar de tous les jours de yom-tov, est un jour qui met en jeu la matérialité et tient compte des besoins physiques, il se réfère à ce monde-ci ! En revanche, même s’il intéresse bel et bien le corporel, ce jour est celui qui se rapproche le plus de l’aspect spirituel du monde futur. C’est par cela que ce jour est le complément du Chabat, et que comme lui, il n’est destiné qu’à Israel.

Se réjouir dans le Jour ou Etablir une connexion continue

En ce jour de Chemini Atseret, Hakadoch Baroukh Hou dit à Israel « Moi et vous, nous nous réjouirons ensemble ». Il est dit dans le Midrach (Psikta de Rav Kahana 28) que Israel a répliqué au Maître du monde : « Nous ne savons pas en quoi nous réjouir, si c’est par le jour ou si c’est par Hakadoch Baroukh Hou ». Et le roi Chlomo de préciser (Chir Hachirim 1; 4) « נגילה ונשמחה בך – Nous nous délecterons et nous réjouirons par Toi ». Qui est ce « toi » ? – Ta Thora. Le mot « בך – par toi » a pour valeur numérique 22, qui correspond aux vingt-deux lettres avec lesquels tu as écrit pour nous Ta Thora !

Difficile à comprendre ! Existe-t-il vraiment une joie qui soit associée au jour lui-même mais distincte de celle en Hakadoch Baroukh Hou ?! Ce jour en question est forcément désigné par lui, comme mentionné par nos sages que Hakadoch Baroukh Hou dit : « Mes enfants, tous les jours de la fête de Souccot, nous sommes affairés à nous occuper des invités ; aujourd’hui, Moi et vous, nous allons nous attabler et fêter ensemble ». Dans ce cas, il semble incontestable que nous nous réjouissons avec « l’Organisateur » de ce jour. Ferions-nous un banquet en l’absence de notre hôte ?

En réalité, le Midrach vient ici nous enseigner deux façons différentes de nous réjouir avec Hakadoch Baroukh Hou ce jour-là.

Nous pouvons nous réjouir pour ce jour spécial qu’Il nous a offert, jour au cours duquel Il nous révèle Son Amour tout particulier pour nous. Cette joie s’exprime par la nourriture et la boisson, ainsi que l’offrande d’un korban spécifique, expression du lien profond qui unit Hachem à Son Peuple. C’est là, le sens de l’expression rapportée par le Midrach, ‘אם ביום – est-ce par le jour même de Chemini Atséret’.

Mais il existe néanmoins une autre façon de nous réjouir, représentée par la formule ‘אם בהקב’ה – est-ce par Hakadoch Baroukh Hou ?’ – qui nous invite à voir ce jour, non pas comme un accomplissement en soi, mais comme un moyen par lequel il est possible d’atteindre ce lien privilégié avec le Maître du monde, autant pour ce jour précisément, que pour ceux de toute l’année. Le roi Salomon ôte tout doute à cet égard, en précisant que notre réjouissance se fera par notre Thora Hakédocha !

L’homme qui se contente de se réjouir du jour, enclenche sans aucun doute un processus de haut niveau d’élévation, mais lorsque passe le jour en question, s’estompera son empreinte avec le temps. Par contre, celui dont la sim’ha est par la Thora, aura le privilège de rester en permanence attaché à Hakadoch Baroukh Hou et rien au monde ne viendra défaire ce lien indéfectible. Quel que soit le moment, il restera étroitement lié et uni à Hachem.

« Difficile de me séparer de vous… »

Ce jour ne consiste pas, comme on pourrait le croire, en un moment de séparation après cette période de proximité pendant les fêtes, en vue des longs et obscurs jours d’hiver à venir. Si tel était le cas, cela viendrait justifier la question que nombreux se posent : pour quelle raison ajouter un jour de plus sous le prétexte que la séparation est difficile, comme il est dit « il M’est difficile de Me séparer de vous » ? Cela ne fait que repousser d’un jour le moment de séparation ! Nous comprenons mieux à la lumière de ce qui vient d’être dit, qu’il ne s’agit pas là d’une séparation, bien au contraire ! Il faut plutôt y voir un jour qui affirme notre attachement perpétuel avec le Maître du monde.

Le partenaire de Chabbat

Notre existence en ce monde-ci est celle d’un peuple qui appartient au monde futur. Elle trouve son expression le jour du Chabbat, comme avant-goût de cet au-delà. Jour qui nous a été donné en cadeau, et se trouve au cœur des jours de la semaine, en leur dispensant leur vitalité. Mais le Chabbat a un partenaire, Chemini Atséret. Un jour par an, il est nécessaire d’établir un lien fort et indéfectible avec cette dimension du monde futur. Le roi Salomon nous a révélé que cela n’est possible qu’à travers le lien que nous établissons par la Thora – « Naguila vénismékha bakh ».

C’est précisément la raison pour laquelle tout Israel danse de toutes ses forces en ce jour avec la Thora, révélant ainsi ce lien fort et profond avec Hachem. De cette façon, le Peuple Juif proclame haut et fort que ce monde-ci, avec tout son aspect physique et matériel, n’a de sens que pour y révéler l’Honneur et la Gloire du Maître du monde. En contrepartie, Lui nous fait également savoir en ce jour, Son Amour infini pour nous.

Un seul taureau?!

A l’occasion des « moussafim » de toutes les fêtes, on apportait deux taureaux, représentant les deux facettes de Crainte et d’Amour vis-à-vis de D-ieu. Mais à deux occasions particulières, on n’offrait qu’un seul taureau : 1/ A Roch Hachana et Yom Kippour, car en ces jours, notre principale préoccupation tourne autour de la crainte du ciel, et l’on n’y récite d’ailleurs pas le Hallel. 2/ A Chemini Atséreth, jour où l’on se soucie uniquement de notre amour pour Hachem (Sforno).

C’est pourquoi, en ce jour de Sim’hat Torah, Hakadoch Baroukh Hou pardonne pour toutes nos fautes, comme l’écrit le Arizal : Hachem se sert de notre propre sueur pour effacer nos fautes ! Rabbi Haim Vittal témoigne au sujet de son maître le Ari Hakadoch qu’au moment des ‘hakafot- danses en rondes avec les Sifrei Thora’, il dansait de toutes ses forces.

Demandez tout ce que vous désirez au Roi des Rois

Nous conclurons par ces mots du Zohar (Vaykra 32), qui disent qu’en ce jour, le peuple juif se retrouve en audience privée avec le Roi des rois, et lui est offert la possibilité de demander ce qu’il veut et d’être agréé. Dans une telle perspective, lorsque Israel s’élève au point où toutes des demandes matérielles servent son besoin de proximité avec D-ieu, nul étonnement que ces requêtes soient immédiatement acceptées.

Délectons-nous et réjouissons-nous par notre Thora, car elle est notre force et notre lumière !

About The Author

Ancien élève de la yéchiva de Poniewicz. Auteur de plusieurs brochures, en particulier sur le traité Horayot, l'astronomie et le calendrier juif. Se spécialise sur les sujets de Hochen Michpat. Co-directeur du centre de Dayanout Michné-Tora à Jerusalem.

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