Lorsque le gardien a oublié de vendre le ‘Hamets qui lui a été déposé

Lorsque le gardien a oublié de vendre le ‘Hamets qui lui a été déposé

Question

Yaakov, qui était de passage en Israël l’hiver 2020, profita de cette occasion pour déposer chez  son gendre Yossef quatre bouteilles de Whisky provenant du Duty Free. Yossef les rangea soigneusement dans son entrepôt, pour pouvoir les ressortir quelques mois plus tard, à l’occasion du mariage de sa belle sœur qui devait avoir lieu à l’approche de Pessa’h à Jérusalem.

L’heure du mariage arriva mais il n’a pu être célébré, car Yaakov et sa famille ne sont pas parvenus à voyager de France, en raison de l’épidémie du coronavirus qui s’est abattue sur le monde.  Et suite à cela, Yossef a totalement oublié la présence du Whisky dans son entrepôt.

Le premier moment où il s’est souvenu de l’existence des bouteilles est ni plus ni moins qu’au milieu de ‘Hol Hamoed Pessa’h. Le Whisky étant considéré comme ‘Hamets, a dû être éliminé immédiatement. Yossef  ne pouvait même pas compter sur la “vente du ‘Hamets” qu’il n’avait pas prit soin d’accomplir au préalable.

La question qui a été soulevée naturellement, est de savoir si Yossef a le devoir de restituer la somme de ces bouteilles à son beau père ? Avait t-il le devoir de vendre le ‘Hamets qui lui a été déposé afin qu’il reste permis à la consommation à l’issue de Pessa’h ?

Réponse

Discussion entre les décisionnaires sur le niveau de la responsabilité d’un gardien non rénuméré

Il est écrit dans le Choul’han Arou’h (ora’h ‘haim 443) que toute personne qui garde le ‘Hamets d’autrui, à le devoir de le vendre à un non-juif dans le cas où le déposant n’est pas venu le récupérer jusqu’à la cinquième heure avant Pessa’h.

Le Magen Avraham ajoute que dans le cas où le dépositaire n’a pas accompli la vente de ce ‘Hamets, bien que dans le cas ou le ‘Hamets est toujours existant, il pourra se dédouaner en le restituant à son propriétaire bien qu’il soit interdit à la consommation (comme tout ‘Hamets ayant passé la fête sans être vendu à un non-juif), par le principe de “Harei Chel’ha Lefane’ha” (voici ce qui est à toi devant toi), toutefois s’il l’a brulé afin de ne pas transgresser l’interdit de posséder du ‘Hamets, il devra rembourser sa valeur au propriétaire. Le Magen Avraham s’appuie principalement sur la règle cité dans le Chouk’han Arou’h (‘Hochen Michpat 303) à savoir qu’il incombe à tout gardien même non-rémunéré, de sauver son troupeau menacé par un prédateur, à l’aide de bâtons et en faisant appel aux autres bergers. On verrait clairement dans cette enseignement que le gardien doit faire tout son possible pour conserver l’objet qui lui a été confié.

Cet avis n’est pas admis par une grande partie des décisionnaires, comme le Arou’h Achoul’han, le ‘Hok Yaakov et autres, qui dispensent le gardien dans ce cas de figure. Ainsi tranche le Michna Beroura, et cite toute une liste de décisionnaires qui vont dans ce sens.

Ils estiment que la gardien a le devoir de protéger l’objet uniquement, mais pas d’être totalement responsable au point de devoir anticiper toutes sortes de dégâts potentiels.  

Et même si le dépositaire a l’obligation de vendre le ‘Hamets, cela provient de la Mitsva de Hachavat Aveda (réstituer un objet perdu) uniquement, mais ce devoir n’est pas inclut dans la responsabilité du gardien envers l’objet. Cette conception est explicite dans une Michna (Baba Metsia 38a) au sujet d’un dépôt de fruits, dans la mesure où les fruits risquent de se gâter, le gardien a l’obligation de les vendre devant un Beit Din, afin d’accomplir la Mitsva de Hachavat Aveda. Or nous savons qu’une personne qui n’accomplie pas cette Mitsva n’a aucun devoir de dédommagement. Ainsi pour celui qui a omit de vendre un ‘Hamets déposé, il a certes manqué l’accomplissement de Hachavat Aveda, mais n’a aucun devoir de remboursement.  

Selon certains avis bien qu’il s’agisse de Hachavat Aveda cela s’inclut dans la responsabilité du gardien

Le ‘Hatam Sofer (Ora’h ‘Haim 105) réfute cet argument, car bien qu’en général nous ne pouvons sanctionner une personne qui n’a pas accomplie la Mitsva de Hachavat Aveda, toutefois dans notre cas où il s’agit d’un gardien, cette obligation s’inscrit dans sa responsabilité établie lors du dépôt.  En d’autres termes, même s’il s’agit d’une Mitsva de Hachavat Aveda, lorsque l’objet en question se trouve dans le domaine du gardien, cette Mitsva se transforme en responsabilité le sanctionnant dans le cas d’une négligence entrainant une perte.

Nous trouvons un raisonnement semblable dans le Toumim (72, 43) au sujet d’un gage qui baissa de valeur à cause d’une négligence de son gardien, et la Hala’ha l’oblige à dédommager son propriétaire.  Et le Toumim d’expliquer que bien qu’il s’agisse de la Mistva de Hachavat Aveda, étant donné qu’il s’agit d’une obligation Hala’hique, le gardien a forcément prit en compte ce devoir lors de l’acceptation de la garde, et il est donc inclut dans sa responsabilité.

Il ressort que bien que le Michna Beroura cite une série d’avis dédouanant le dépositaire de devoir dédommager le propriétaire du ‘Hamets, non comme l’avis du Magen Avraham. Cependant nous trouvons d’autres décisionnaires qui s’opposent à cela, comme le ‘Hatam sofer et le Toumim (voir aussi le Ma’hane Efraim Chomrim 35). selon leur opinion il devra rembourser la valeur du ‘Hamets au propriétaire.

La Halakha dans notre cas

En ce qui concerne la Hala’ha dans notre cas, Yossef pourra dire “Kim Li” (je tiens) comme le Michna Beroura, et on ne pourra pas l’obliger de rembourser la valeur des bouteilles.

Il faut ajouter que dans le cas de Yossef, lors de l’acceptation de la garde, elle ne concernait pas encore la fête de Pessa’h, étant donné qu’il devait rendre les bouteilles pour l’occasion du mariage juste avant Pessa’h. Et même s’il l’accepta une fois le mariage annulée, c’était par manque de choix. On peut donc envisager que dans ce cas, même pour le Magen Avraham il sera dispensé, car il n’a pas réelement prit la responsabilité à ce point.

Il faut également ajouter qu’il s’agit ici d’un oubli, et le Michna Beroura rapporte au nom du Naar Chalom que cela est considéré comme un Oness (cas de force majeure), et selon tous les avis il sera dispensé.

Conclusion

Yossef sera dispensé de rendre la valeur des bouteilles de Whisky à son beau père Yaakov.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.

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