La semaine passée, j’ai perdu quelqu’un de très cher. Mon Grand-Père, Rabbi David Bouskila Zatsal, nous a quittés.
Je n’ai pas l’intention ni la prétention d’écrire un Hesped sur un homme de cette envergure, mais seulement de partager un peu de l’image du Papi que j’ai eu le mérite d’avoir et à côté duquel j’ai grandi dès mon plus jeune âge.
Tout petit déjà, je m’attachais à sa tendresse. Sa caresse sur mon front, accompagnée d’une Brakha que je ne comprenais pas alors, ou encore de la manière avec laquelle il nous accueillait, nous ses petits-enfants, sous son Talit lors de la Birkat Cohanim.
A l’âge où je savais déjà lire, il me faisait tenir sur un tabouret pour que je suive, à l’aide du ‘Yad’, sa lecture de la Torah, le Chabbat.
Un jour, il me montrait qu’il possédait des jouets sur une étagère dans son bureau qu’il allait offrir aux élèves ou aux enfants de la communauté qui le mériteraient.
Il insistait énormément sur la participation active des enfants aux Tefilot. Je me souviens d’un vendredi soir où certaines personnes de la communauté m’ont demandé d’intervenir auprès de mon grand-père. Ils étaient un peu lassés de l’air du ‘Lekha Dodi’ qui se répétait toutes les semaines à l’identique. A ma demande de changer de mélodie, il me répondit, avec la plus grande simplicité du monde :
« Cet air-là, les enfants le connaissent, et je veux qu’ils participent. Par contre, si on change d’air, ils ne chanteront plus avec nous… »
En grandissant, j’étais impressionné par sa Hatmada (assiduité). Quand je rentrais chez mes grands-parents le soir en rentrant de l’école ou même le vendredi après-midi en arrivant pour Chabbat, c’était tout le temps pareil. Rabbi David, assis à sa place, était en train d’étudier, en faisant entendre à ses oreilles les mots qu’il lisait…
Sa régularité et son Seder étaient exemplaires. Même quand il y avait une ‘ambiance’ à la maison, l’heure du coucher restait inchangée. Pour lui, il y avait à faire le lendemain…
Dans n’importe quel sujet où je me trouvais, à l’école ou à la Yéchiva, je pouvais toujours faire mes révisions avec Papi, prêt à donner de son temps. Je lisais dans la Guemara et lui terminait les phrases de mémoire.
Aucune question en Halakha ou encore sur la Paracha ne restait sans réponse de sa part.
Son silence était fascinant. Sur le chemin de la synagogue vers la maison, je savais que pour discuter avec lui, il fallait engager une discussion de Torah. Sinon, « le silence est d’or » …
Il m’arrivait souvent de dîner seul avec mes grands-parents. Au moment où je m’apprêtais à commencer une Berakha, les yeux de Papi s’éclairaient, en attente du Baroukh Hou OuBaroukh Chemo et du Amen qu’il allait répondre.
Il n’avait pas besoin de me dire de réciter mes Berakhot avec ferveur, je n’avais d’autre choix…
Un Chabbat, une querelle avait malheureusement pris place entre deux fidèles de la communauté. A la suite de cela, dans son discours de Se’ouda Chelichit, Rabbi David insista longuement sur le fait que nous, les Benei Israel, sommes tous frères, attachés l’un à l’autre tels les membres d’un seul corps. Par conséquent, aucune éventualité de mal ne pouvait exister entre nous. Ce message, irradiant d’un cœur si sincère, avait transformé la colère en honte sur les visages.
Je me rappelle également ces vendredi soir, où des jeunes de la communauté venaient prier affublés d’une tenue incompatible au Chabbat à ses yeux. Au moment ou ils passaient lui dire « Chabbat Chalom » il leur répondait « Chabbat Chalom », et , avec un sourire et tellement de douceur, il insistait sur le fait que le Chabbat se devait d’être honoré à l’aide d’un costume .
Cette phrase, formulée avec tant de douceur, pénétrait leur conscience.
Il n’est donc pas surprenant, venant d’une personne entière et dévouée aux autres, que tous ceux l’ayant côtoyé se liaient fortement à sa personnalité. En témoigne ce poème si émouvant, accroché sur un mur de sa demeure, composé par les élèves de l’école ‘Ozar Hatorah’ lors de son départ vers Erets Israël.
Aujourd’hui, étant moi-même père de deux enfants, quand j’entends le témoignage de ma mère, sa fille, qui affirme qu’elle ne se souvient jamais avoir entendu son père élever la voix de colère, je réalise ses vertus extraordinaires.
Dans une génération où arriver à la Tefila dans son premier quart d’heure s’appelle encore « arriver à l’heure », pour Papi, il fallait s’y rendre une demi-heure avant. Ainsi, la répétition de la ‘Amida devait se faire dans le Siddour, en suivant mot-à-mot.
A l’ère des smartphones et des réseaux sociaux, où la popularité se trouve au sommet des objectifs posés par l’humanité, il nous incombe de prendre exemple de cet homme qui en a fait tant, et en a dit si peu.
Quand le seul jour dédié aux lamentations sur la perte de notre Temple, on ne sait quoi ressentir, pour lui, c’était toutes les nuits, avant l’aube, qu’il pleurait à même le sol la perte du Beit HaMikdach. (Lors d’une visite chez nous, à Armentières, il avait même demandé à ma mère ‘un tapis ou même une serviette’ pour le Tikoun ‘Hatsot…)
Aujourd’hui je sais qu’avec tout ce que je l’ai côtoyé, ce n’est qu’une infime partie de sa personne immense que j’ai découvert. Cette partie me servant de source d’inspiration permanente.
Rabbi David nous a quitté à la clôture du Sefer Béréchit, qui comme le nomme le Ramban (dans son introduction au Livre de l’Exode) “Le Livre des Pères”. Il nous enseigne que le rôle du Sefer Béréchit est de nous tracer l’histoire des Pères comme un sentier que leurs descendants suivront, car ‘Ma’assé Avot – Siman LaBanim‘.
Je pense que l’histoire des Pères ne vient pas seulement nous prédire l’histoire des Fils, si ce n’est de leur donner les instructions afin qu’ils sachent traverser leurs épreuves à l’instar de leurs pères.
Papi nous a quitté et le vide qu’il laisse est immense. Puisse Hachem nous aider, à nous sa descendance et à ses milliers d’élèves, à suivre ses pas, dans le Service de notre Créateur.