Question
Gabriel a acheté un appartement il y a deux ans dans le cadre d’un projet immobilier, par l’intermédiaire d’un agent immobilier qui a accomplit son travail fidèlement. Immédiatement après la signature du contrat, Gabriel a transféré les paiements à l’entrepreneur selon les modalités de paiement inscrites dans le contrat.
Mais finalement, comme il était en retard dans certains des paiements, les pénalités de retard et les indemnités se sont accumulés à un montant très élevé, de sorte qu’il ne voulait plus terminer la transaction. L’entrepreneur, pour sa part, a accepté d’annuler la transaction et de restituer l’argent qu’il avait déposé sur le compte bancaire de l’entreprise.
La question est de savoir si Gabriel peut demander à l’agent de lui rembourser les frais d’agence (ou au moins une partie), après l’annulation de la transaction ?
Réponse
Dans le livre Sha’ar Éphraim (hochen michpat §150), le rav Ephraïm Hacohen de Vilna (17e siècle) traite de la question qui lui a été posé concernant un agent de marchandises qui a conclu un marché entre deux personnes, et quelques jours plus tard, les deux parties ont décidé d’annuler le marché, par consentement mutuel. L’agent par-contre réclame ses honoraires d’agence en prétendant que les acquéreurs sont déjà engagés envers lui, et que l’arrangement qu’ils ont convenu entre aux ne le concerne pas. Quelle est la loi?
Et le Sha’ar Éphraim donne raison à l’agent, car étant donné qu’il a déjà accompli son devoir en tant qu’agent et qu’il a finalisé la vente, alors même si les deux parties se sont entendu pour résilier cet acte, cela ne les dispense pas de payer l’agent en question. Le Maté Chimon (rav Mordechaï Ben Chlomo, §185) écrit que des paroles du Rif dans ses responsas (§76) il ressort comme l’affirmation du Sha’ar Éphraim.
Le Sha’ar Éphraim ajoute que cela n’est pas similaire à la loi concernant la Shad’hanout – courtage matrimonial, sur laquelle a écrit le Teroumat Hadechen (cité dans le Rama §185; 10) qu’en cas d’annulation du mariage, le courtier ne devrait pas recevoir son salaire. Et il justifie cela en expliquant qu’il y a une différence fondamentale entre la question d’un agent de biens et un agent matrimonial. Car même lorsqu’un couple décide et s’engage à se marier, cela ne signifie pas qu’une forme d’acquisition a eu lieu. Les deux conjoints ont simplement commis un acte de fiançailles sans qu’il n’y ait aucun transfert de propriété. Ce qui n’est pas le cas concernant les marchandises, où le marché s’est conclu par un mode d’acquisition, et que donc les biens sont transférés en la possession de l’acquéreur. Dans ce cas, l’arrangement qui existe entre eux pour annuler la vente n’a aucune implication sur les frais d’agence.
Il prouve cela à partie des paroles du Ir Chouchan (cité dans le S’ma §185; 26) qui s’est interrogé sur ce qu’écrit le Baal Hamapa que lorsqu’il existe une coutume de ne pas payer avant le mariage, l’agent perdra son salaire en cas d’annulation. Et le Ir Chouchan s’étonne pourquoi il perdrait tout son salaire, pourtant après-tout, l’entremetteur a accompli quelque chose dans le fait que l’annuleur est condamné à une amende en cas d’annulation. Et il ajoute à cela qu’il n’est possible de répondre en disant qu’il s’agit d’une situation où ils se seraient arrangés entre eux, car cela ne peut pas annuler leur dette envers l’entremetteur.
Il ressort donc clairement que le si l’agent, pour sa part, a terminé son travail, et que les parties sont arrivées à conclure leur négociation, elles se sont aussitôt engagées à payer à l’agent ses honoraires, et peu importe si elles ont plus tard convenu entre elles d’annuler la transaction.
Cependant, il semble simple évident que ce din du Sha’ar Éphraim comme quoi nous pouvons facturer les honoraires du courtier dans un cas d’annulation, n’est applicable uniquement lorsque l’achat a été finalisé et validé par un mode d’acquisition, comme dans le cas de sa responsa où la vente a été réalisé par un Kinyan Situmta. Mais dans un cas où la transaction n’a pas été achevée, on ne considèrera pas les parties comme étant déjà engagés à payer les frais de courtage. Ainsi l’a tranché le Maharcham dans Michpat Chalom (185; 10).
Conclusion
Un agent immobilier ou agent de marchandises qui a amené les parties à un accord contraignant (contrat de vente ou protocole d’entente) puis la transaction a été annulée avec le consentement des parties et non en raison d’un problème découvert dans la négociation, le client devra payer la totalité des frais d’agence.
Par contre si le contrat a été annulé en raison d’une erreur ou d’une tromperie, l’agent devra rembourser les honoraires qu’il a reçus.
Il en est de même concernant un Shad’han (coursier matrimonial) qui a reçu des honoraires de matchmaking et que finalement le mariage été annulé. Selon notre coutume qui est de payer le Shad’han au moment de l’engagement et des fiançailles, celui-ci n’aura pas à rembourser les honoraires qu’il a reçus. Et même s’il n’a pas encore été payé, les parties devront lui payer l’intégralité de son salaire, car étant donné qu’il a accompli son travail fidèlement, il mérite son salaire (voir Taz 185; 10 et Bet-Chmouel even haézer 50; 23). Et seulement là où la coutume est de ne payer qu’au moment du mariage, alors on considérera que l’opération de l’agent n’a pris fin qu’à ce moment là, et dans un cas d’annulation avant le mariage, on pourra récupérer les frais de courtage (voir Hali’chot Israel §8).
Cependant, si le mariage a été annulé en raison d’un accord erroné, et qu’il s’est avéré par exemple que l’un des conjoints était physiquement ou mentalement malade, ou tout autre cas similaire où la coutume est d’annuler l’engagement, les frais de courtage devront être remboursés.