Le roi Talmaï, qui était érudit dans tous les domaines, avait la passion de collectionner les livres. Il dépensa une fortune pour ce passe-temps, recueillit des dizaines de milliers de manuscrits de partout dans le monde, dans toutes les langues et sur tous les sujets. Entre autres, il avait ajouté aux livres de sa bibliothèque des livres de toutes les nations du monde et de toutes les religions.
Ses Sages et ses ministres lui dirent : « Tous ces livres que tu as accumulés jusqu’à aujourd’hui sont vains et porteurs d’un mauvais esprit, si ce n’est le livre des Juifs, la Torah. Cette Torah n’a été traduite en aucune langue, elle n’est retranscrite que dans sa langue d’origine. Certains ont essayé de la traduire en grec, mais ils ont été frappés immédiatement. »
Talmaï ne s’est pas découragé. Il a décidé de traduire la Torah en grec afin de l’ajouter aux livres emmagasinés dans son palais.
L’un de ses ministres, Aristos, lui demanda : « Votre père, Talmaï I, a ramené de nombreux Juifs de Judée et de Jérusalem. Certains ont rejoint ses armées et la plupart d’entre eux ont été vendus en esclavage. Serait-il juste de copier leur Torah et de profiter de sa traduction, tandis que ta royauté asservit leur peuple ? »
Talmaï acquiesça à la justesse de ces propos. Il ordonna immédiatement à tous ses sujets : « Toute personne qui détient un esclave ou une servante juive est sommée de les libérer sur le champ. Tout maitre d’un esclave juif sera indemnisé. Quiconque désobéira aux ordres du Roi se verra confisqué tous ses biens au profit du trésor royal. » Plus de 120 000 Juifs ont ainsi été libérés et autorisés à rentrer chez eux.
Dans un deuxième temps, Talmaï envoya une très généreuse contribution au Temple de Jérusalem.
Talmaï invita en son palais des orfèvres. Sur sa demande, ils lui créèrent une table en or massif d’une seule pièce, ainsi que deux brocs en or, deux brocs en argent et deux coupes en or. Il fit sertir ses ustensiles de près de 5000 pierres précieuses, qui leur donnèrent un éclat extraordinaire, et y fit graver de superbes motifs. En plus de ces objets, le roi envoya des présents au Grand-Prêtre Elazar et pour les Zékénim qui siégeaient à Jérusalem, ainsi qu’une lettre manuscrite qui contenait une requête : « Je vous demande de bien vouloir m’envoyer un Séfer Torah ainsi que 72 Anciens parmi les Sages de Jérusalem. ».
Lorsque la délégation juive est arrivée en Egypte avec le Séfer Torah, Talmaï a organisé une cérémonie de bienvenue magnifique, qui dura 12 jours. Il parla avec les délégués de sujets divers et variés et fut impressionné par leur sagesse et leur intelligence.
Après cet accueil, commença l’œuvre de traduction. Talmaï logea ses invités dans 72 maisons situées sur une ile isolée et calme, à environ un mile d’Alexandrie.
Les Anciens ne connaissaient pas le but de leur séjour en arrivant à Alexandrie. Ce n’est qu’après les avoir installés chacun dans leur maison que Talmaï est entré dans chacune d’entre elles, et qu’il a demandé aux Anciens de traduire les 5 livres de la Torah en grec. Les Sages ont alors été contraints, bien malgré eux, de répondre à sa requête.
Talmaï a satisfait tous leurs besoins, et leur a même permis d’étudier la Torah. Comme ils ne connaissaient pas assez finement l’écriture grecque, il a mis à la disposition de chacun d’eux un scribe grec qui devait retranscrire fidèlement leur interprétation de la Torah.
Les Anciens se trouvèrent face à un problème très complexe. Il y a plusieurs versets de la Torah qui peuvent donner lieu à confusion. Il fallait donc modifier un peu la traduction de certains paragraphes, afin que leur signification réelle soit claire et ne laisse pas place à l’erreur ou au doute. Cependant, puisque chacun des 72 Zékenim traduisait la Torah de façon isolée, il y avait un risque que si l’un traduise littéralement et l’autre traduise de façon interprétative, cela pose alors un doute quant à la fiabilité de la traduction.
Or, les Anciens ont dévié de la traduction littérale à 13 endroits dans le texte, et, par la grâce du Ciel, tous ont convergé vers les mêmes changements. La traduction était parfaite de similarité. La traduction a été terminée le 8 du mois de Tévet, 72 jours après son commencement.
A la faveur de la clôture de ce travail, Talmaï a organisé à Alexandrie une fête à laquelle furent conviés tous les Juifs de la ville. Durant ces festivités, le roi fit une comparaison entre les versions afin d’examiner la fiabilité de la traduction et son exactitude. Or les versions étaient identiques en tous points.
Talmaï a chargé les Anciens de nombreux cadeaux et les renvoya avec beaucoup d’égard sur leur terre. Le Roi honora aussi beaucoup les Sifré Torah traduits et a ordonné de les conserver dans la dignité et la pureté qui leur sied.
Talmaï a exulté de joie : il a ainsi réussi à ajouter la loi juive à sa collection de livres. En revanche, les Juifs se sont attristés et mortifiés en leurs cœurs. La Torah, la Torah de D.ieu qui était la possession exclusive d’Israël, était désormais à la portée de toutes les nations du monde. Les Gentils se sont servis de cette traduction de la Septante pour traduire la Torah dans leur langue. Mais ils l’ont déformée pour réduire la valeur de la doctrine juive aux yeux de leurs peuples. C’est pourquoi, le jour de clôture de la traduction de la Septante est déclaré jour de jeûne.
Le jeûne du 10 Tévet, qui commémore le début du siège de Jérusalem, inclut désormais trois événements sombres qui se sont produits dans ce mois de Tévet. Le 8 Tévet : clôture de la traduction de la Torah, le 9 Tévet : mort d’Ezra Hasofèr (le scribe), et bien sûr le début du siège de Jérusalem le 10 Tévet.
La traduction de la Torah en grec demeure un événement funeste, même si cette traduction ne touche que l’enveloppe extérieure de la Torah. En revanche, la profondeur, les interprétations et les paroles du D.ieu vivant qui y sont contenues n’ont pas pu être transférées par le passage de la langue sainte à une autre.
Comparée à la faute du Veau d’Or
Il est rapporté dans la Massekhet Sofrim (1 ;5) : « l’histoire du roi Talmay qui rassembla 72 Anciens et les installa dans 72 maisons différentes sans leur révéler le but de ce regroupement. Il rendit visite à chacun d’entre eux et lui dit : « Ecris-moi la Thora de Moché votre maître. Hachem fit en sorte d’insuffler dans le cœur de chacun le même esprit et les inspira tous du même souffle. Chacun écrivit de son côté la Thora ».
Une Aide du Ciel inimaginable fut accordée aux Sages qui traduisirent la Thora. Leurs esprits se réunirent en un seul de manière à ce qu’ils parvinrent à produire une seule et même traduction. De cette manière les sages grecs ne purent avoir aucune récrimination à leur encontre. Ils ne purent non plus s’en prendre à eux pour de quelconques divergences puisqu’il n’en existait aucune !!
Les sages traduisirent la Thora en y apportant quelques légères modifications et celles-ci se retrouvèrent min Hachamayim dans les 72 versions différentes. Par exemple : ils écrivirent Elokim bara béréchit au lieu de Béréchit bara Elokim pour que les goyim ne puissent prétendre que Béréchit est le nom de D ieu et que c’est lui qui créa Elokim has véchalom – de même, ils écrivirent ‘E’essei adam bétselem oubidmout’ à la place de ‘Naassei adam’ pour que les goyim ne prétendent pas que Hakadoch Baroukh Hou avait des associés dans la création du monde.
Malgré tout, nos Sages, perçurent un grand malheur dans la traduction de la Thora en grec. Il s’exprimèrent avec force à ce sujet en ces termes : « Ce jour fut aussi dur pour Israel que celui de la confection du veau d’or ». Ce jour du 8 Tevet où s’acheva la traduction, fut fixé comme jour de jeûne comme il est rapporté dans la « Méguilat Taanit ». Dans cette Méguila sont inscrites toutes les dates où Israel bénéficia de miracles, et également tous les malheurs et différentes destructions. Au cours des générations Israel fut affligé de malheurs et souffrit à cause de cette traduction et ses conséquences.
Cette traduction est comparée à la fabrication du veau d’or !! Certes, il est possible de comprendre les désastres qui ont pu émerger de cette traduction déformée, imprécise de notre Thora Hakédocha. Malgré tout, elle se fit sous Inspiration Divine puisque les 72 Zékénim qui la réalisèrent le firent selon un seul et même esprit et cela sans concertation préalable aucune.
Comment comprendre ? Pourquoi considérer cette chose comme un désastre ? On pourrait penser au contraire, qu’il s’agit là, d’un prodigieux Kidouch Hachem ! La parfaite intégrité des esprits des Zékénim qui se rassemblèrent en un seul sans que qu’aucun ne connaisse la traduction de l’autre semble le prouver !!
En réalité, il nous est possible de comprendre la faille qui accompagne toute traduction, la plus précise soit-elle. Cette traduction est aussitôt frappée de manque dès lors qu’elle est détachée de sa source d’eau vive qui s’exprime dans la Thora d’Hachem à travers son lachon hakodech et qui nous a été livré au Sinai par le Maître du monde.
Malgré cela, ce n’est pas suffisant comme explication pour nous conduire à comparer cette traduction à la faute du veau d’or. Comment comparer la traduction de la Thora à cet obstacle inattendu qui a désactivé l’élévation extraordinaire d’Israel au moment du maamad Har Sinaï ?
Au moment de Matan Thora, Israel a atteint le niveau prodigieux de Adam avant la faute originelle. En revanche, la faute du veau d’or a ramené le peuple juif à une vie frappée par la mort et les souffrances. Cet échec a effacé d’un revers de main, cette élévation suprême du maamad du don de la Thora.
Pour expliquer, il nous appartient d’apporter un regard plus profond à l’essence de notre Thora Hakédocha
Nos Sages nous enseignent : « si un homme te dit qu’il existe une sagesse chez les goyim, tu peux le croire, s’il te dit qu’il y a une Thora chez les goyim, ne le crois pas » (midrach raba eikha 2,17).
Il existe une différence de nature entre la Thora Hakédocha et la Hokhma. La Thora est incomparable, et cela, pas uniquement par sa profondeur. Sa caractéristique se situe et se cache à un tout autre niveau. La Thora se différencie de toutes les autres sagesses par sa dimension Divine en tant que Torat Hachem ! Il existe des chemins spécifiques pour acquérir la Thora et parmi lesquels : la crainte, la peur, la pureté, l’acceptation des épreuves etc… Ces traits de caractères sont-ils requis pour acquérir les sagesses traditionnelles ??!! NON !!
Notre Créateur nous a donné, à nous Israel, Sa Thora. C’est ce qui justifie que cette Hokhma qui est la Hokhmat Hathora soit exclusive. Celui qui ne fait pas partie de cette alliance ne peut y prétendre. Il ne peut l’atteindre même s’il possède des compétences et des aptitudes exceptionnelles et hors du commun. Ce n’est pas ce qui vient faire la différence. Ce qui la différencie c’est son aspect Divin.
Et non seulement cela, elle n’est pas limitée à des langages eux-mêmes définis par des règles. Elle détient des données qui surpassent le classique langage humain. Elle contient en elle un message au-delà des phrases, au-delà des styles humains. Cette transmission ne peut se plier et se soumettre à une traduction en une quelconque autre forme de langage humain.
En quoi consiste une traduction en réalité ?
Traduire un contenu, c’est vider un sujet précis d’un outil linguistique en faveur de son équivalent. De même, n’est-il pas possible de traduire un dessin sous forme de chiffres. Ou bien une musique en une poésie !! Ce sont des formes d’expression radicalement différentes. A l’identique, la traduction ne peut servir qu’en tant qu’expression linguistique. La Thora n’a été donnée à traduire que sous son approche littérale, cependant, il est impossible d’en retirer l’essence de la Hokhma. Il est bien évident qu’il est impossible de traduire par exemple, les différentes combinaisons des Noms d’Hachem qui y sont dissimulés tout au long !
Il n’est pas seulement difficile de traduire le langage de la Thora et de la Hokhma Divine en une autre langue, c’est la raison même de l’impossibilité de traduire la Thora. En cette Thora, se cachent tellement de paramètres, de liaisons, de signes, de secrets inaccessibles, qu’aucune tentative au monde puisse prétendre parvenir à une traduction de son essence et de ses mystères. Le déplacement d’une seule lettre peut générer une totale confusion. La présence, d’une lettre de caractère plus réduit, d’une autre qui semble manquer, d’une ponctuation spécifique au-dessus d’une lettre font l’objet de commentaires entiers. Comment serait-il possible de les exprimer selon une traduction ??!! C’est ce qui justifie qu’une prétendue traduction vienne faire perdre à celle-ci une immense part de son sens, la dépouillant de ses commentaires et explications, de ses secrets et allusions, qui font tous partie de son lumineux contenu.
Ces simples différentes raisons ne permettent pas que soit traduite la Thora. Cela et plus encore, alors que nous n’avons même pas encore évoqué les « couronnes » et les « taguim » qui surplombent chaque lettre et dont l’objet est là encore, de nous enseigner une collection de halakhot. La Thora Hakédocha nous a été donné de manière Divine et ce n’est que sous cet angle qu’il nous est possible de l’étudier, d’en discuter, se l’approprier. Toute approche de traduction revient à lui ôter sa dimension sainte d’éternité pour la réduire à un langage humain limité.
En cela, ce jour-là fut, l’un de ceux parmi les plus durs pour Israel !