Yom Kippour – Accordez à votre âme l’attention qu’elle mérite

Yom Kippour – Accordez à votre âme l’attention qu’elle mérite

Un océan de miséricorde

Si lors de Rosh Hachana nous nous tenons face à un « jour de jugement », Yom Kippour nous offre l’opportunité de nous immerger dans un « océan de miséricorde », comme l’ont souligné nos sages. En ce jour singulier se révèle la puissance du pardon et de l’expiation divine, à l’image de ce qui advint après la faute du veau d’or. Il n’est point de manifestation d’amour plus grande que celle d’une mère nettoyant la souillure de son enfant.

À l’approche de ce jour, nous sommes invités non seulement à méditer sur le sens de la miséricorde, mais aussi à comprendre comment nous pouvons mériter cette grâce merveilleuse.

Quand Moché chercha à comprendre la conduite divine

Après la faute du veau d’or, l’Éternel annonça à Moché qu’Il ne pourrait plus demeurer parmi Israël, mais qu’Il enverrait un ange pour les guider. À l’écoute de cette funeste nouvelle, le peuple fut profondément affligé. Cependant, D-ieu dit à Moché que cela était pour leur bien, car ils étaient un peuple à la nuque raide, susceptible d’être frappé par la justice divine. Malgré cela, Moché implora l’Éternel de marcher parmi eux et de ne pas se contenter d’un ange. D-ieu accéda à sa requête en disant : « Je ferai aussi ce que tu Me demandes, car tu as trouvé grâce à Mes yeux ».

Moché, percevant que c’était un moment propice, formula une demande exceptionnelle : connaître les voies de la conduite divine. Il dit : « Fais-moi voir Ta gloire ». Il semble que Moché désirait comprendre la profondeur du pardon accordé et la manière dont D-ieu guiderait désormais le peuple. Puisque D-ieu lui avait dit que c’était pour leur bien qu’Il ne soit pas parmi eux, la question se posait : qu’est-ce qui avait changé désormais ? Comment se fait-il que D-ieu accepte de marcher avec eux sans qu’ils ne soient atteints ?

D-ieu répondit à Moché qu’auparavant, il n’était pas possible de demeurer parmi eux, car après le veau d’or, la conduite divine s’exerçait selon l’attribut de justice. Mais à présent, l’attribut de miséricorde allait entrer en vigueur, lui permettant d’accompagner Son peuple avec amour et grâce.

Dévoilement du secret de l’intériorité divine

La révélation de la miséricorde divine fut sans précédent, plus puissante encore que celle qui eut lieu au Sinaï lors du don des premières Tables. La Torah décrit cette révélation comme « des merveilles qui n’ont jamais été créées sur toute la terre ni chez aucun peuple », et comme « l’œuvre de l’Éternel, car elle est redoutable ». Certes, cette révélation ne fut pas accompagnée de tonnerres et d’éclairs comme ce fut le cas au Sinaï, ni entourée d’une mise en scène impressionnante ; mais sa puissance était plus profonde, plus intérieure.

Nos sages décrivent la révélation des treize attributs de miséricorde à travers une image saisissante, où D-ieu s’enveloppe tel un officiant et montre à Moché l’ordre de la prière. Cette image nous renseigne sur la nature secrète et cachée de ce dévoilement, mettant en lumière que la miséricorde n’est pas une manifestation extérieure, car elle est en réalité la révélation de l’intériorité de Divine.

Lorsque D-ieu révèle à Moché les treize attributs, Il lui dit : « Tu ne pourras pas voir Ma face… tu Me verras par derrière, mais Ma face ne sera pas vue ». Cela contraste avec la révélation qui eut lieu lors du don des premières Tables, où la prophétie de Moché était « face à face ». Nos sages soulignent encore davantage la puissance de cette révélation en disant (Meguila 19) : « Si dans la grotte où se tenaient Moché et Élie, il était resté ouvert un espace aussi petit que le chas d’une aiguille, ils n’auraient pu supporter la lumière ».

Ce secret des treize attributs fut une révélation si immense que même les prophètes peinèrent à l’accepter, témoignant ainsi de la subtilité de cette révélation. Prenons l’exemple du prophète Élie : lorsque D-ieu lui demanda « Que fais-tu ici, Élie ? », il répondit : « J’ai été animé d’un grand zèle pour l’Éternel, D-ieu des armées, car les enfants d’Israël ont abandonné Ton alliance, renversé Tes autels et tué Tes prophètes par l’épée » (Melakhim I 19:10). Cependant, il mérita alors la révélation des treize attributs de miséricorde, décrite dans les versets suivants : « Et voici, l’Éternel passa, et un vent fort et violent déchirait les montagnes et brisait les rochers devant l’Éternel : l’Éternel n’était pas dans le vent. Et après le vent, un tremblement de terre : l’Éternel n’était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, un feu : l’Éternel n’était pas dans le feu ». Ces versets illustrent la nature de la révélation de la miséricorde, qui diffère de celle de l’attribut de justice, manifestée lors du don de la Torah au Sinaï dans un grand fracas, et qui se révèle plutôt comme celle des secondes Tables, « dans un murmure doux et léger ». Mais finalement, contrairement à Moché, qui saisit et accepta l’attribut de miséricorde, Élie qui ne réussit pas à l’accepter se vit ordonner d’oindre Élicha comme prophète à sa place.

Tel est le secret de Yom Kippour. Un instant de révélation profonde, où se dévoile l’intériorité de D-ieu – une source infinie de miséricorde et d’amour, d’où découle directement le pardon et l’expiation.

La rencontre entre l’âme humaine et la source infinie de l’intériorité divine

À l’instar de ce grand prêtre qui, en ce jour exceptionnel, pénètre dans le Saint des Saints, la chambre la plus intime de la demeure du Créateur. Cette pièce, interdite à toute créature, même aux anges (yerouchalmi yoma), s’ouvre en ce jour pour l’homme d’exception. En ce jour, le grand prêtre, après s’être sanctifié et purifié avec soin, a le privilège de pénétrer dans ce lieu sublime et de « voir » pour ainsi dire le Tout-Puissant dans Sa gloire, assis sur un trône haut et élevé.

En vérité, Rabbi Abahou s’étonne dans le Midrach (Vayikra Rabba 21) de la manière dont le grand prêtre pouvait entrer dans le Saint des Saints, alors que c’était un lieu interdit d’accès, comme il est écrit : « Nul homme ne sera dans la Tente d’Assignation ». Rabbi Abahou explique, comme l’interprète le Pri Tzadik (veille de Yom Kippour, #7), que le grand prêtre, lorsqu’il entrait dans le Saint des Saints, était tellement purifié qu’il était comme une âme sans corps, et de ce fait, il était plus grand qu’un ange, car la racine de l’âme humaine est plus élevée que celle d’un ange. C’est pour cette raison que le grand prêtre est appelé tout au long de l’office « Ichi », qui est une expression signifiant « feu », car à ce moment-là, le grand prêtre était un feu dévorant, une âme sans corps.

Cette rencontre merveilleuse entre l’âme humaine et le point le plus intime de D-ieu crée automatiquement un espace de miséricorde et de pardon. Comme il est raconté (Berakhot 7a) à propos de Rabbi Yishmael le grand prêtre qui, se tenant en cet instant sublime à l’intérieur du Saint des Saints, bénit la conduite miséricordieuse de D-ieu envers Ses enfants.

Et pourtant, la question demeure : Comment l’homme ordinaire, empli de luttes et de défis, peut-il parvenir à cette connexion merveilleuse avec l’intériorité de D-ieu ? Comment peut-il, dans la course de la vie, toucher ce point de rencontre sacré où se révèle une miséricorde infinie et un amour pur ?

Touchez le point d’intériorité en vous et vous serez attiré vers l’intériorité divine

Il semble que pour cela, un petit effort soit requis de l’homme : se connecter au point intérieur en lui-même, et de là se créera le point de rencontre avec l’intériorité de D-ieu.

Dans le traité Soferim sont détaillés les psaumes chantés lors des fêtes du mois de Tishri, et il est important de noter que le psaume 130, « Cantique des degrés. Des profondeurs », est récité le jour de Yom Kippour. En effet, le travail de l’homme en ce jour est de révéler le point le plus intime et le plus précieux en lui. Comme l’a dit Rabbi Abba dans le Zohar (Aharei Mot), la Techouva se situe dans les profondeurs du cœur – dans les profondeurs des profondeurs de l’homme.

À la lumière de cela, le Arizal ajoute qu’il y a dix profondeurs dans le cœur de l’homme, illustrant la puissance de l’âme et la possibilité d’approfondir intérieurement. Il explique ainsi la coutume de nombreuses communautés de réciter ce psaume depuis Rosh Hachana jusqu’à Yom Kippour, reflétant l’aspiration constante à se connecter à cette profondeur intérieure, par laquelle nous pouvons nous relier aux sources de miséricorde et d’amour de D-ieu.

Amour intérieur et amour extérieur

Dans le cours de la vie quotidienne, beaucoup d’entre nous vivent dans les couches extérieures, peinant à se connecter à notre point intérieur. Imaginez deux petites sœurs qui se disputent violemment, et soudain l’une d’elles se casse la jambe. À cet instant, toute rivalité se dissout, et sa sœur, qui ne pouvait la supporter juste avant, trouve soudain en elle de l’amour, de l’empathie et de la compassion. C’est un point de connexion avec le moi le plus intérieur, le moi qui n’est que miséricorde.

Le jour de Kippour, lorsque l’homme jeûne et prie, il se dépouille des couches corporelles et permet à son âme pure de s’exprimer. C’est un moment spécial où l’homme parvient à se connecter à son essence intérieure, atteignant ainsi un point de rencontre avec l’intériorité de D-ieu, qui n’est que miséricorde et amour.

Pour mieux comprendre cela, imaginons un rav qui a un élève bien-aimé, un élève pour qui il éprouve une affection profonde et avec qui il entretient une relation très proche. Cet élève le respecte, lui est dévoué et écoute attentivement chacune de ses instructions. D’autre part, le rav a un fils qui ne l’écoute pas, le méprise et lui manque même de respect. Si nous considérons la question de savoir lequel des deux ce rav aime le plus, la réponse ne sera pas simple. Cependant, si tous deux sont en danger et que le rav ne pouvait en sauver qu’un seul, il est presque certain qu’il choisirait de sauver son fils

Pour expliquer cela, le Rav Israël Salanter souligne qu’il existe deux types d’amour : l’amour intérieur et l’amour extérieur. L’amour extérieur est souvent influencé par des facteurs sociaux, des attentes et des apparences, tandis que l’amour intérieur est plus profond, authentique et durable. Dans les moments de survie, lorsque les conditions deviennent extrêmes, toutes ces couches extérieures disparaissent et ne comptent plus. Ce sont alors les véritables sentiments qui émergent, révélant la profondeur intérieure de l’homme. C’est dans ces instants critiques que l’on peut constater la force de l’amour véritable, celui qui transcende les difficultés et les différends, et qui se concentre sur ce qui est réellement important.

Ne vous cachez pas derrière les modèles que vous vous êtes créés

Chacun de nous a un désir intérieur profond, codifié dans son âme, qui cherche à jaillir et à se révéler. C’est ce qui fait l’unicité de chaque personne ; il ne peut y avoir deux âmes identiques. Notre travail au cours de la vie est de découvrir ce désir caché, même lorsqu’il est difficile à identifier, et de s’y connecter. Souvent, une personne vit dans une définition erronée d’elle-même, dissimulée derrière les modèles façonnés par ses parents, les attentes imposées par la société, et celles qu’elle a elle-même décidées d’adopter. C’est la raison pour laquelle les gens cherchent souvent le bonheur sans le trouver, car tant qu’ils ne vivent pas en accord avec leur plan spirituel, ils ne pourront pas expérimenter une satisfaction véritable et complète.

Il ne semble pas exagéré d’affirmer que la dégradation d’une personne, lorsqu’elle commence à chuter, provient principalement d’un manque de confiance en elle-même et en ce qu’elle est vraiment. Lorsqu’une personne rencontre des difficultés ou connaît des échecs, la société lui fait souvent ressentir que ces derniers font partie intégrante de son identité, ce qui lui rend difficile de se voir au-delà de ses problèmes.

Ce n’est qu’au moment où la personne commence à chercher sa véritable identité, sans se baser sur les définitions des autres ou sur ses propres penchants, qu’elle peut développer un chemin vers la Techouva. Comme le dit le verset (Chir Hachirim) : « Ne me regardez pas [avec dédain] parce que je suis noirâtre : c’est le soleil qui m’a brûlée ». Lorsqu’elle se connecte aux vérités de son intériorité, elle peut trouver le chemin de retour vers la lumière et la satisfaction.

Notre Nechama ! Nous ne t’avons pas oubliée !

Yom Kippour est appelé ‘Chabbat Chabbaton‘, car en ce jour, au-delà du repos du Chabbat habituel où nous nous abstenons de travail, nous suspendons également les fonctions mêmes du corps : nous ne mangeons pas, ne buvons pas et ne nous lavons pas.

Tout au long de l’année, nous investissons considérablement dans l’entretien du corps, veillant à la nourriture, à l’hydratation, au confort. Mais l’âme, notre force intérieure, reste parfois en retrait, attendant patiemment l’attention qu’elle mérite.

Un jour par an, la routine s’interrompt et nous invite à écouter les voix intérieures. C’est le moment où nous explorons le monde profond de l’âme. Tout comme en été nous accordons des moments au repos du corps, à Yom Kippour nous offrons la liberté à l’âme. En ce jour, nous célébrons la rencontre avec nous-mêmes, implorons le pardon et recherchons le renouveau. C’est un instant de purification, de connexion profonde à nos sources d’énergie, où nous réalisons que l’âme, telle une fleur délicate, nécessite des soins et de l’attention pour s’épanouir pleinement.

About The Author

Ancien élève de la yéchiva de Poniewicz. Auteur de plusieurs brochures, en particulier sur le traité Horayot, l'astronomie et le calendrier juif. Se spécialise sur les sujets de Hochen Michpat. Co-directeur du centre de Dayanout Michné-Tora à Jerusalem.

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