Parle à toute la communauté d’Israël et dis-leur : Soyez saints, car je suis saint, moi Hachem votre Dieu
Vaykra 19, 2
Devant toute l’assemblée
Cette Paracha a été particulièrement prononcée devant toute l’assemblée d’Israël, comme le souligne le verset « À toute la communauté d’Israël ». Et il semble que l’accent soit mis ici sur la « transition » d’une sainteté exigée des prêtres seulement, à la sainteté d’Israël dans son ensemble. Chaque personne d’Israël est appelée à la Kédoucha, et doit sanctifier ses actions.
De nombreuses religions et peuples ont affirmé que le caractère sacré appartient à une élite particulière, aux arcs et aux prêtres etc, alors que le peuple n’a pas d’exigences particulières. Les philosophes grecs accordaient également une importance et une préférence aux élites intellectuelles et aux penseurs, par opposition à l’homme ordinaire. Le commandement de la sainteté dans le peuple d’Israël n’appartient pas seulement au “gens spéciaux” parmi le peuple comme il existe des commandements spécifiques aux prêtres, mais c’est un commandement qui appartient à tout le peuple, comme le présente le verset:
« vous serez pour moi une dynastie de prêtre et une nation sainte, Voilà les paroles que tu diras aux enfants d’Israël »
Chemot 19, 6
Sur le caractère particulier de cette parasha, dite devant toute l’assemblée, nos Sages donnent une interprétation intéressante. Ils expliquent qu’il s’agit ici d’une injonction fondamentale, puisque « la plupart des corps de la Torah en dépendent » (Rachi). Cette phrase ne semble pas se référer uniquement au premier commandement: « Soyez saints », mais à tous les Mitsvot répertoriés dans notre Paracha, qui s’apparentent à priori comme l’expression de cette sainteté. Si c’est le cas, une idée extraordinaire apparaît ici.
Sanctifier la vie sociale
De manière générale, lorsque l’on parle de sainteté, on fait allusion aux deux sujets que Maïmonide a inclus dans son livre Kédoucha (sainteté) : aliments interdits et mauvaises mœurs ou incestes. Cependant, en contemplant notre Paracha, on s’apercevra que la sainteté comprend également les lois sociales. En juxtaposition des questions que nous avons l’habitude d’appeler sainteté : incestes et aliments interdits, est citée une série de commandements rattachés aux questions sociales, tels que « Tu ne haïras point ton frère dans ton coeur » ou « Tu ne te vengeras point, et tu ne garderas point de rancune contre les enfants de ton peuple », et le point d’orque est le fameux commandement « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » sur lequel Rabbi Akiva déclarera « C’est une grande règle dans la Torah ». La vie sociale est une autre forme de sainteté, et à première vue, cela est difficile à comprendre, en quoi ces impératifs sont questions de sainteté.
Retrait du monde ou maîtrise de soi
Le concept de « kédoucha » se traduit par séparation et retrait, non pas comme un isolement ou un éloignement, mais plutôt comme la tempérance et la retenue de soi. Être saint signifie avoir l’aptitude à contrôler ses impulsions immédiates. Ce qui distingue le peuple d’Israël des autres peuples, c’est l’exigence de maîtrise de soi, dans nos actions, nos paroles et même dans nos pensées.
Dans le passé, l’idolâtrie impliquait l’agitation dans l’alimentation et la féminité. Chaque rituel était accompagné d’une sorte de fête sauvage qui incluait l’ivresse, la nourriture et des actes indignes en public. Le service de D.ieu, requiert la retenue et la régulation des libidos et des désirs corporels, afin de les transcender vers une vie spirituelle.
La sainteté : un modèle de vie distingué
Dans notre Paracha, nous découvrons que cette sainteté s’introduit également dans la vie sociale, et le sens révolutionnaire de cela doit être bien compris. Dans la plupart des pays civilisés, les idéaux ne font pas partie de la loi. La loi n’exige pas d’adhérer à un idéal particulier, mais oblige au maximum à ne pas nuire à autrui. Pour cette raison, le droit des sociétés ne découle pas de la « sainteté » mais de la paix et de l’ordre politique, économique ou social. Dans la loi de la Torah, l’inceste ne découle pas de la peur de blesser l’autre seulement. La considération principale de ceci consiste en une invitation à une vie de pudeur et modestie, une vie de continence et de retenue – La sainteté. Il en va de même pour les ordonnances relatives aux relations entre l’homme et son ami. Aucune loi au monde n’exigerait qu’une personne aime son prochain. La communauté du peuple d’Israël est non seulement bâtie sur une vie sociale honnête et civilisée, mais se hisse à un niveau supérieur d’excellence. Cette société contient dans son essence un concept de sainteté, dépendant d’idéaux de perfections et pas seulement de lois.
Pour illustrer cela nous pouvons prendre comme exemple l’interdiction de : « tu ne maudiras point un sourd » énoncé dans notre Paracha (19, 14). Maïmonide (Livre de Mitzvot interdis n°317) s’interroge sur cette proscription : Etant donné que les sourds n’entendent pas et ne peuvent donc pas être blessés, pourquoi alors considérer cela comme un péché. Et il explique qu’en fait la Torah ne se soucie pas ici seulement du sourd qui va être maudis, mais surtout de l’homme qui le blâme, afin qu’il ne s’acclimate pas à la vengeance et la colère. La malédiction elle-même est la chose obscène, avant même et indépendamment le fait de blesser l’autre.
La place du corps
Au cœur du Livre de Vaykra, qui traite entièrement des questions de sainteté et de sacré, les commandements sociaux apparaissent comme faisant partis intégrantes de celles-ci, au centre même de la Paracha nommé « Kédochim ». Toutes les autres religions ont débattu de la place à donner au corps. Il y avait des religions qui allaient à l’extrême dans les deux sens. La Torah nous a appris comment atteindre la bonne relation entre l’esprit et le corps – une utilisation contrôlée des pouvoirs du corps. Cette sainteté rayonne et resplendis vers l’extérieur, sur notre vie de société, lui générant un niveau plus élevé et plus propre.
On pourrait comparer cela à une personne qui monte un âne. Qui dirige qui? Cela dépend d’une seul question: Qui détient les rênes. Si c’est la personne qui « tiens les rênes », elle pourra par cela garder le contrôle de son âne. Mais si la personne « lâche les rênes » et ne les conserve pas, elle perdra complètement le contrôle, se laissant guidée par les envies folles de l’âne de s’échapper dans les montagnes et les ravins, pour finalement se laisser dégringoler dans l’abîme. Les affaires du corps sont tout aussi graves, la question est de savoir qui a les commandes. Si la personne prend le contrôle, et quand elle le souhaite elle arrive à restreindre ses désirs matériels – c’est elle le véritable maître et dirigeant. Mais une personne qui n’a aucune retenue et que ses forces matérielles la conduisent là où elles le veulent, c’est qu’elle a lâcher prise, se laissant conduire de façon hasardeuse vers les gouffres et les fossés les plus profonds.
Etre saint : rester connecté à son environnement, tout en gardant son esprit
Nous terminerons avec les paroles merveilleuses du ‘Hatam Sofer, qui a commenté le sens de la présence particulière de toute l’assemblée d’Israël pour écouter cette Paracha. Il se sert des paroles du ‘Hovot Halevavot (Chaar Prichouth §3) qui enseigne que pour être un « saint » qui signifie retiré et distingué, nous n’avons pas à nous retirer du public et à nous tenir seul dans les forêts et les déserts. Au contraire, il incombe à tout membre d’israël d’étudier et d’enseigner aux autres les enseignements et les commandements de Dieu. Et le ‘Hatam sofer ajoute, que l’intention ici est que même lorsqu’une personne se trouve « dans la foule » au sein de nombreuses personnes, elle peut s’incliner dans son esprit entre lui et son créateur pour s’y accrocher avec une grande adhérence.
Profitons de cette nouvelle situation qui s’est imposée à nous depuis un moment, d’isolement et de confinement, pour parfaire notre individualité, renforcer notre maîtrise de soi, afin de la réintégrer sainement au sein de notre société très prochainement אי”ה.