Pourquoi le chapitre concernant les mauvaises mœurs a été scindé en deux parties
Dès le premier coup d’œil jeté sur les deux parachiot de cette semaine, il est difficile de ne pas être interpellé par la répétition détaillée du même sujet, celui des mauvaises mœurs. Nous trouvons son évocation une première fois dans le chapitre 18 de la parachat Aharei-Mot, et une seconde au chapitre 20 de la parachat Kédochim ! De surcroît, il n’est pas question d’un ou deux versets isolés, mais de plus d’une dizaine parfaitement structurés.
La question s’impose d’elle-même, à savoir pourquoi la Thora revient sur le même sujet à une telle proximité ?!
Il est néanmoins possible de remarquer une légère différence de contenu entre ces deux parachiot. Dans la première, la Thora énonce les interdits par eux-mêmes, tandis que dans la seconde, elle détaille les sanctions envers celui qui viendrait à les transgresser. Quoi qu’il en soit, cela ne résout pas complètement notre perplexité, car il y a encore lieu de se demander pourquoi la Thora a choisi de scinder ces deux parachiot dont le contenu est finalement très similaire. Pour quelle raison la Thora n’a-t-elle pas réuni ce sujet en un seul et même endroit ?
L’idée de sainteté appartient à tous les domaines de la vie
Il est fort possible que la clé du problème se situe au niveau de l’extrait qui justement sépare ces deux parachiot et qui consiste en l’injonction : « kédochim tihyou – soyez saints ». Il s’agit d’un commandement d’ordre général à l’intention de toute l’Assemblée d’Israel, qui se décline à travers de nombreuses mitsvot destinées à chaque membre du klal Israel, hommes comme femmes.
Les caractéristiques de ce qui définit la kédoucha, ou confère à la personne le statut de sainteté, n’est pas vraiment clair. La Paracha ne nous fournit pas de réponse directe à cette question. Par contre, c’est à cet endroit précis qu’elle détaille une longue liste de lois et de mitsvot dont une partie est liée à des sujets d’ordre social, et l’autre partie concerne le rapport de l’homme avec D-ieu. Cette injonction d’être saints: « kédochim tihyou », encadre et embrasse tous les sujets de la vie quotidienne du peuple juif : les ordonnances, les commandements, les lois, qu’ils soient en rapport avec Hachem ou vis-à-vis du prochain.
Le rapport enfant-parent comme ouverture à une vie sacrée
A cet égard, il est intéressant de relever que la Thora a fait le choix d’introduire ce thème général de « kédochim tihyou » par le commandement de craindre sa mère et son père: « ich imo véaviv tiraou ». Quelle en est la raison ? Et quel est donc le lien entre la crainte de la mère et du père et la kédoucha ?
Il semble que la Thora vienne ici nous apprendre que dans la vie du juif, le premier stade de l’apparition de la kédoucha réside dans la qualité de sa relation avec ses parents. Dans cette même veine, le Or Hahaim Hakadoch rapporte les paroles de la guémara (Sota 36) qui dit que lorsque la femme de Potifar tenta de séduire Yossef en Egypte et qu’il fut contraint de lutter avec son yetser, l’image de son père lui apparut qui lui permit de résister à cette difficile tentation. Yossef Hatsadik se sauva de de l’abomination du pays d’Egypte grâce à la crainte qu’il avait de son père. Son engagement envers les mitsvot qu’il tirait de son éducation en matière de pudeur et de fidélité vis-à-vis de ses parents, fut ce qui l’aida à surmonter son penchant et à échapper aux griffes de la femme de Potifar.
La crainte du père et de la mère, tout comme leur respect, se dresse face au penchant tendant vers la débauche et face à la destruction du cadre familial qui pose les bases et assure la perpétuation de la sainte lignée de notre peuple.
A ce sujet nous pouvons ajouter que ce n’est pas un hasard si la mitsva d’honorer son père et sa mère a été écrite dans le cadre des dix commandements, et se positionne en tant que dernier commandement du panneau de droite, face au dernier commandement de ne pas convoiter la femme de son voisin.
Une vie familiale impure met en péril un avenir moral
A l’appui de cela, il est permis d’affirmer qu’une vie familiale appropriée qui s’exprime à travers une relation adéquate des enfants à leurs parents, constitue la base d’une vie sociale saine.
L’explication de la séparation du sujet entre les deux parachiot est désormais plus abordable, d’après ce qu’explique Rav Ch. R. Hirch: avant que la Thora ne présente les très graves sanctions (de mort ou de retranchement) concernant ces interdits d’immoralité, et avant que ne soit imposé au peuple et au tribunal d’appliquer la peine de mort, il fallait que la Thora insiste au préalable sur l’importance de ces lois, que ce soit au niveau de l’individu ou de la nation.
Dans ce but, la Thora a introduit ce commandement particulier de « Kédochim tihyou » d’ordre général, qui consiste à poser un niveau spirituel dans une réalité matérielle. Cela n’a rien à voir avec la notion d’abstinence, ou d’une prise de distance avec toute matérialité, au contraire, c’est une mise à profit de la matérialité mais réfléchie et mesurée, et non pas instinctive et débridée.
Cette injonction vient en fait révéler le besoin et la nécessité des interdits d’inceste et de débauche, et nous apprendre que seulement pour un peuple où les filles et les garçons sont issus d’une vie familiale pure, il sera possible de dire « Kédochim tihyou ». Car de ce peuple seul, il y a lieu d’espérer accomplir cette exigence avec toutes ses conséquences, celles de vivre une existence kédocha dans toutes les dimensions de la vie. Tout celui qui transgresse l’une de ces lois met en péril son avenir moral, que ce soit à titre individuel ou collectif.
La famille, pilier du développement individuel et social
Le véritable bonheur de l’homme dépend de l’humeur qui règne au sein de son cadre familial plus que dans tout autre domaine. Un homme se sent heureux et serein lorsque dans sa maison et sa famille règnent harmonie et tranquillité, et cela même si à l’extérieur existent des conditions de nature à troubler son bonheur. Et de même à l’inverse, lorsque sa vie de famille n’est pas au beau fixe, son bonheur est également trouble à l’extérieur.
La famille est la centrale qui, à partir de son noyau nucléaire, influence le développement de chaque individu en exerçant son rôle régulateur et tampon face aux discordances de la société.
Ainsi représente-t-elle un cadre régulateur serein qui s’inscrit dans un rôle de pétrin dont la finalité est de façonner et imprègner la personnalité de l’individu en vertu de principes éducatifs conformes à la transmission de notre Thora Hakédocha .
Force est de constater qu’au cours de ces dernières années nous assistons à de profonds et audacieux bouleversements au niveau de la cellule familiale. Des vents étrangers soufflent avec force sur le monde ravageant et même décimant les plus solides structures de cette cellule fondamentale.
La Torah relève et nous enseigne qu’un cadre familial sain, sous-tendu par la stricte observance des lois liées à la kédoucha et la pureté familiale, elle-même basée sur le respect des parents, sont les fondements du judaïsme, sur lequel repose le caractère sacré du peuple d’Israël pour toutes ses générations. Ces lois forment également le support de toute société, sans lesquelles règnent chaos et immoralité dans le monde.
Puissions-nous être préservés de ces “cataclysmes” en nous accrochant fidèlement aux principes protecteurs de notre Thora Hakédocha.