Parachat Terouma – Au cœur du Tabernacle

Parachat Terouma – Au cœur du Tabernacle

Nous entamons cette semaine une série de Parachiot traitant de l’injonction, des instructions, et de l’élaboration du Michkan, ou Tabernacle. Tout ceci sera précédé par l’ordre de prélever une Terouma, une offrande ‘De tout Homme que son cœur motivera’. Les quantités requises sont optionnelles, elles seront exclusivement le produit de la générosité du cœur de chaque individu.

Pour l’élaboration de ce Sanctuaire, trois offrandes sont mentionnées dans le Texte :

–          Une pour la confection des socles, ou Adanim.

–          Une pour l’achat des sacrifices communautaires.

–          Une, celle évoquée dans notre Paracha, qui servira à la confection des multiples ustensiles du Tabernacle, ainsi qu’à celle des habits sacerdotaux.

Plusieurs différences existent entre les deux premières offrandes et la dernière ; si les premières virent leurs quantités fixées à un demi chekel d’argent et furent obligatoire, la dernière fut facultative et se délimita uniquement par la bonté du Peuple. Ainsi, treize matériaux furent l’objet de ce prélèvement, ils sont cités au début de notre Paracha.

Il y a lieu de méditer sur la nécessité de laisser cette offrande au bon vouloir des Hébreux. Pourquoi ne pas avoir fixer une mesure obligatoire de chaque matériau, afin que chacun puisse apporter la même quantité, et ainsi éviter certains malentendus et autres possibles vexations ?

Pourquoi compliquer la mission déjà ardue de la construction du Michkan ?

La phrase introductive de l’ordre divin pour la réalisation de ce Temple n’est plus à présenter :

‘Ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderais en eux’.

L’anomalie apparente dans le Texte, reprise et commentée par le Saint Alchi’h, est aussi connue : ‘Il n’est pas énoncé En lui (le Tabernacle) mais En eux : En chaque membre du peuple d’Israël’. On l’aura compris, la confection de ce lieu saint n’a pour but que de permettre à D.ieu de pouvoir résider en chacun d’entre nous.

Une plus mûre réflexion sur cette donnée acquise depuis des années entraîne une incompréhension légitime : Pour quelle raison avons-nous besoin de nous atteler à une tâche aussi complexe que difficile, surtout pour nos ancêtres qui ne connurent que des travaux grossiers de construction ? Pourquoi passer par une bâtisse matérielle pour permettre à la Présence Divine de résider dans un homme ?

Un éclairage du Gaon de Vilna nous aidera à comprendre la raison profonde de ce besoin apparemment fortuit. Il écrit dans son commentaire sur le Cantique des Cantiques (fin du chap. 1) :

« […] Comme il est dit ‘Ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderais eneux’. Explication : Parmi Israël. (…)

Car la résidence de la divine présence se trouvait au sein des cœurs d’Israël, il fallait seulement un endroit particulier pour pouvoir les y rassembler. C’est pour cela qu’Il a choisi un lieu distingué, la terre d’Israël, qui se prête à faire demeurer la présence divine.

Mais comment tous les cœurs de tout Israël pouvaient-ils s’unir ensemble ? Le Saint-béni-soit-il ordonna donc ‘Ils prendront pour Moi un prélèvement etc. que son cœur motivera’. Tout un chacun a offert selon la générosité de son cœur pour le Tabernacle et ainsi, les cœurs se sont retrouvés liés là-bas.

L’amour de D.ieu se doit de recouvrir trois axes : ‘De tout ton cœur, de tout ton âme, et par tous tes moyens’.

Deux d’entre eux furent accomplis par l’Assemblée d’Israël qui donnèrent l’offrande chacun selon sa bonté de cœur, nous retrouvons le Cœur et les Moyens. Le troisième, impliquant le Corps même, se trouvait chez les Sages de Cœur, artisans du travail, tels que Betsalel et Aholiav (…) Ils se trouvaient à un niveau plus parfait que le reste du peuple. » 

Des paroles du Gaon de Vilna nous constatons l’importance primordiale que possède le Tabernacle dans le processus de faire descendre la Che’hina. Le siège véritable de cette présence divine est le Cœur de l’Homme. C’est le seul endroit où ce règne prend tout son sens. Une condition est cependant requise : c’est la réunion de tous les cœurs d’Israël. D.ieu peut régner uniquement sur l’intégralité du Peuple. Le moyen de les rattacher fut le projet du Tabernacle. Associer le cœur de tout un chacun, grâce à une contribution personnelle, permit le rassemblement des cœurs et la possibilité d’une demeure divine, alimentée par tous ces cœurs qui ont apporté chacun sa pierre à l’édifice.  

Le Sanctuaire n’est que la convergence des Cœurs de notre Nation. Ainsi s’explique le devoir de tout un chacun de ‘diriger son cœur’ lors de sa prière en direction du Saint des Saints, comme le souligne le Talmud (Bera’hot 30a) ‘Tout Israël se retrouve diriger son cœur vers un lieu unique’, fusionnant leurs cœurs pour créer un réceptacle au dévoilement divin.

Le Temple n’est que le résultat du travail combiné de tout un chacun. Il est une erreur de croire que la cause de la présence divine soit le Tabernacle, et le fait que D.ieu réside en nous ne soit qu’une conséquence. C’est l’inverse. Nous sommes la cause, le Temple en est la conséquence.

Il nous reste à savoir la raison de ce rassemblement ; pourquoi avoir besoin de réunir tous les cœurs dans un seul lieu ? Pourquoi faire dépendre l’individu d’une communauté ?

Afin d’apporter un élément de réponse, l’introduction du Ramban à notre Paracha est essentielle. Il résume son approche en une phrase :

« Le secret du Tabernacle : Permettre à la Gloire Divine résidant sur le Mont Sinaï (lors du Don de la Torah) d’y résider de façon voilée. […] Afin que demeure dans le Tabernacle, avec Israël, la Gloire qui leur apparut au Mont Sinaï, de manière perpétuelle. »

Reproduire le dévoilement divin du Don de la Torah et le perpétuer, tel fut la raison profonde du Tabernacle, et du Temple après lui. (Enormément de parallèles peuvent être ainsi établis entre cet évènement historique et le Sanctuaire.)

Or, l’une des conditions permettant au Don de la Torah d’avoir lieu fut l’Unité du peuple –‘Comme un seul Homme, avec un seul Cœur’ !  La mention du cœur fait de nouveau sa (ré)apparition… Pour continuer le dévoilement au Sinaï, il fallait reconstituer le décor que fut l’Unité des cœurs. Elle fut symbolisée par l’offrande des treize matériaux, où seul le cœur est pris en compte. (13 étant la valeur numérique de E’had, nous retrouvons cette Unité dans la participation des cœurs…)

Une différence est pourtant visible ; au Mont Sinaï, il est question d’un seul cœur. Le peuple a fait preuve d’unicité parfaite, il fut tel un Homme, entier et unique.

Lors de la construction du Tabernacle, même s’il y a un rattachement des cœurs, il n’est nulle question de les fusionner au point de n’en faire plus qu’un.

Pour recevoir la Torah, il a fallu n’être plus qu’Un, pour ainsi recevoir Une Loi du D.ieu Unique. La Volonté Divine exige une unicité absolue de la part de Son peuple. En revanche, le Tabernacle représente le Service Divin. La pratique ne peut exiger une implication équivalente à tous les membres de la communauté.

Chacun avec sa propre sensibilité, sa propre vitalité, peut arriver à accomplir la Volonté Divine. Certes, il n’existe qu’une seule Volonté Divine, mais avec plusieurs façons de l’accomplir.

La combinaison de tous les cœurs de notre peuple symbolise toutes ces facettes qui permettent des Services différents à une Volonté unique. ‘Le Miséricordieux est à la recherche du Cœur’, de la façon personnelle d’écouter une Parole universelle.

Le Tabernacle se trouvait au cœur du campement des Enfants d’Israël. Chaque tribu, avec sa particularité, pouvait avoir accès au Service divin, tant que la vitalité, symbolisée par le cœur, y était.

La Che’hina ne peut descendre et résider parmi nous et en nous, que si nous réussissons à combiner toutes nos particularités, nos spécificités, notre identité et ainsi créer un lieu où l’expression de tout un chacun est possible.

Savoir donner son cœur, et le diriger vers un lieu unique où se trouvent tous les cœurs de notre peuple, tel est la condition pour permettre à D.ieu de résider parmi nous.

Etre au Service de Sa Volonté, sans exiger une quelconque unicité ou uniformité, seule importe l’Unité.

About The Author

Ancien élève de Gateshead et de la Yéchivat 'Hevron, il est l'auteur entres autres d'un essai sur l'adolescence à travers le prisme de la Torah. Etudiant à plein temps du Kollel, il se spécialise dans 'Hochen Michpat.