Quand le passeur d’enveloppe y passe…

Quand le passeur d’enveloppe y passe…

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Question 1: Responsabilité du dépositaire en cas de vol

Rafael (de Paris, France) a pris l’habitude de transmettre de temps à autres une somme d’argent à son ami Israël afin de la transférer à son fils David, séjournant à Jérusalem, moyennant un pourcentage de ladite somme. Il la lui transmet parfois par virement bancaire, parfois en espèces (dans une enveloppe).

En arrivant à destination, Israel prend généralement le soin de déposer l’argent à sa banque, pour deux raisons : d’abord pour éviter de les perdre avant de les donner à David, et également pour permettre à son compte en banque de se remplir, accédant ainsi à une autorisation pour un prêt hypothécaire.

Un jour où Israel s’apprêtait à déposer une enveloppe contenant 3500 euros à sa banque, il se fit détrousser par un individu armé à l’entrée de celle-ci.

Leur cas parvint au Tribunal, entraînant le problème suivant : Israel est-il coupable de débourser cette somme à Rafael ?

Question 2: Matanot Laevyonim avec de l’argent déposé

Une autre question se posa :

Quand arriva la fête de Pourim, Rafael demanda à Israel de prélever 1000 euros de l’argent qu’il envoyait à son fils en but de les offrir à des personnes nécessiteuses, lui permettant ainsi d’accomplir la Mitsva de Matanot LaEvyonim (ou ”Dons aux pauvres”, relative à cette fête).

De cette manière, Rafael sera-t-il acquitté de son obligation ?

Réponse

Position du dépositaire (Mafkid) dans une garde d’argent

Il y a lieu tout d’abord de définir le statut de la somme d’argent se trouvant chez Israel.

Le Choul’han ‘Arou’h(‘Hochen Michpat §292) stipule que de nos jours, toute personne ayant reçu en dépôt d’argent aura droit d’utilisation sur ce dernier. Cette autorisation sera donc jugée comme une rémunération, du fait de la possibilité d’acquérir une marchandise avec cette somme.

Ce dépositaire est donc considéré comme un gardien rémunéré (Chomer sakhar)[i], avec la prise de responsabilité relative à celui-ci. Sa culpabilité est reconnue dans les cas de perte ou de vol, par contre, il sera exempt de remboursement dans les cas de force majeure.

Droit aux pourcentages – Conséquence

Toutefois, dans notre cas, Israel sera considéré comme un gardien rémunéré (Chomer sakhar) même sans la raison précédemment donnée[ii]. En effet, il perçoit pour chaque transaction des pourcentages de celle-ci.

Un raisonnement rapporté au nom de Rabeinou Efraim, obligerait une réforme du statut de notre dépositaire, augmentant sa responsabilité. Son droit à l’utilisation ferait ainsi évoluer son statut, passant du simple gardien rémunéré, son statut initial, au stade de l’emprunteur (Choel).

Sa responsabilité serait donc maximale, obligeant le remboursement même dans les cas de force majeure.

Émissaire et dépositaire – Similitudes[iii]

Les décisionnaires divergent dans l’aptitude à considérer un émissaire (Chalia’h) comme ayant les devoirs juridiques d’un dépositaire.

Pour le Beit Yossef et le Netivot HaMichpat, leur nature étant différente, il ne pourra pas prétendre au droit à l’utilisation de l’argent, vu que cet argent lui aura été confié pour être transmis et non pour qu’il reste chez lui.

Par contre, selon le Cha’h, l’émissaire pourra utiliser cet argent, son statut étant identique à celui du dépositaire (Mafkid).

Il semblerait donc que pour une partie de nos décisionnaires, un émissaire sera disculpé de remboursement dans un cas de force majeure, vu qu’il ne possède aucun droit à l’utilisation.

Droit à l’utilisation – Conséquence

Cependant, en apportant un raisonnement du Cha’h, nous pouvons stipuler que tout émissaire comptant restituer une autre somme d’argent que celle qui lui fut confié, même de montant identique, se verra devenir un emprunteur (Lové) [iv].

Ainsi, vu que dans notre cas Israel comptait déposer cet argent à la banque et donc obligatoirement rendre d’autres espèces, il sera considéré comme un emprunteur, entraînant à l’unanimité une responsabilité dans tous les cas, comme tout débiteur[v].

Possibilité d’aide à une hypothèque – Conséquence    

Une autre raison vient s’ajouter aux précédentes pour culpabiliser Israel. En effet, le fait de pouvoir accéder à un prêt hypothécaire grâce à cet argent, même sans l’avoir déposé à la banque de façon effective, le fait même de pouvoir l’utiliser en ce sens le transforme en emprunteur.

Même si cette utilisation reste fictive, l’argent ne va aucunement être déboursé, seule sa présence apporte un profit, la loi estime cette utilisation suffisante pour le considérer ainsi. (Voir Choul’han ‘Arou’h ibid §72) [vi]

Conclusion

Suite aux nombreuses raisons précitées, nous pouvons affirmer que le statut de Israel est bien celui d’un emprunteur (Lové), il y a donc lieu de le juger tenu de restituer la somme intégrale, d’un montant de 3500 euros, à Rafael; et ce même s’il fut victime d’un cas de force majeure.

Matanot LaEvyonim

Par rapport à l’accomplissement des Dons aux pauvres, il semblerait que si nous considèrerions cet argent comme de l’argent transmis en dépôt (Hafkada), il aurait été évident de l’acquitter de son obligation.

Cependant, ainsi qu’il fut mentionné, de nombreuses raisons verrait Israel avec un statut d’emprunteur (Lové). En particulier dans notre cas, où, contrairement au cas précédent, l’argent fut déjà déposé à la banque, ainsi, il est évident qu’il devint dès lors un débiteur, la banque utilisant généralement tout argent déposé.

Pour de nombreux décisionnaires, l’argent que Israel aura donné aux pauvres ne sera pas considéré comme l’argent appartenant à Rafael, car il le lui aura déjà emprunté à des fins personnelles.

Conclusion

A priori il n’y a pas lieu de compter sur ce don pour se rendre quitte de son obligation. Malgré tout, a posteriori, il en sera acquitté et ne devra pas débourser une autre somme.



[i] בגמ’ ב”מ מג. מבו’ דמפקיד מעות אצל שולחני מותר להשתמש וע”כ הוא כשומר שכר הואיל ומקבל תמורה דבידו להוציאם, אבל אם הפקידם אצל בעה”ב אסור להשתמש ולכן הוא שומר חינם. ואכן נפסק בשו”ע סי’ רצ”ב ע”פ מרדכי דהאידנא גם אצל בעה”ב מותר להשתמש וע”כ הוא שומר שכר. ומיהו לגבי דמי אבידה [שומר אבידה שהמיר חפץ לדמים] קי”ל בשו”ע ס’ רס”ז דהרי הוא כשואל או כלווה, וחייב אפילו באונסין. ובביאור החילוק נאמרו ב’ הסברים בראשונים, א’ שי’ רבינו אפרים דכל שומר אבידה הוא נחשב כבר כשומר שכר ולכן ע”י האפשרות שימוש עולים דרגה אחת, ב’ הראב”ד כתב הטעם דבשומר אבידה אינו חושש להשתמש, משא”כ בשומר פקדון אף שמותר להשתמש מ”מ אינו רוצה להשתמש מפני שחושש מהמפקיד.

[ii] ואין לומר דאינו מקבל תשלום על עצם השמירה כי אם על השליחות, דכן מצינו מפורש ברמ”א ס’ ש”ג דבשולח לחבירו דבר להוליכו למקום אחד ותוך כך שלח לו דורון, הוי שומר שכר (אולם הב”י מפקפק בזה, ויש לפרשו מכמה סיבות). וגם אין לומר דמאחר ואם אינו מקיים את השליחות אינו מקבל אחוזים, א”כ בהכרח שזה לא שכר על השמירה כלל, וגם לא בטוח שיהיה לו שכר שמא לא יקיים את השליחות ולא יקבל אחוזים. כ”ז אינו, דהא מפורש בשו”ע ס’ קפ”ה דכל סרסור (שליח למכור חפץ) שאבד החפץ מידו או נגנב אפילו בשעת הליכה חייב לשלם מפני שהוא נושא שכר, ומבואר בסמ”ע ונתיבות דהיינו אפי’ שלא בטוח שימכרנו ושמא לא יטול שכר.

[iii] הובאו בפת”ש ס’ רצ”ב ס”ז.

[iv] דהנה בש”ך (ס’ רצ”ב ס”ז) כתב לחדש דבמפקיד מעות יכול להחזיר מעות אחרות, ומקורו מדברי תוס’ לגבי דמי אבידה שהוכיח דיכול להחזיר מעות אחרות ואשר ע”כ אינו רק שואל אלא אפילו לווה. והפוסקים תמהו בזה דדברי תוס’ הם בשומר דמי אבידה דוקא ולא בשומר פקדון דקי”ל שהוא שומר שכר. וביאר הנתיבות דסובר הש”ך דאף שהוא שומר שכר, מ”מ אם הוא מחליט להחזיר כסף אחר, באותו רגע הוא נהפך ללווה גם בשומר פקדון. ואין לומר שאינו יכול להחזיר כסף אחר, דהא עובדא היא שמותר להשתמש, וא”כ ברגע שמחליט להחזיר כסף אחר היינו כמו בדעתו להשתמש ונהפך ללווה.

[v] וזה שייך אף בשליחות, ואין סברא לחלק עפ”י הנתיבות דבשליחות אסור להשתמש בכסף, דבאמת היום אין שום ערך לכסף מסויים, וברוב פעמים הוא מחזיר כסף אחר. ונהי דאין בכוונתו בדוקא להשתמש במעות, אבל מדברי תוס’ משמע דסגי במה שכוונתו להחזיר כסף אחר, דממילא חשיב כהולך להשתמש במעות ההפקדה, והרי הוא לווה וחייב באונסים. [ואף להאמרי ברוך והחכ”צ שחולקים על הש”ך וס”ל דאין ברשותו להחזיר מעות אחרות, נראה דבזמננו אין זה שייך ובודאי יודע המפקיד שיחזיר מעות אחרות מאחר והוא מפקידם בבנק]. ויש להוסיף בזה שאף אם הוא עצמו אינו מתכוון להשתמש במעות, אבל הבנק הרי הוא גוף שמשתמש בכסף, ודעת הפוסקים שהבנק נחשב כלווה.

[vi] בעיקרון יש לדון בזה אם האפשרות שימוש בלא הוצאת המעות הופכו לשואל, דהא הוא הגיע בתורת שומר לטובת המפקיד. ובשו”ע ס’ ע”ב כתב בפירוש עפ”י הרשב”א דבאופן כזה הוא כשואל, ואולם הש”ך כתב דאינו אלא כשלא היה תנאי בשעת ההפקדה, דא”כ הרי אותה תמורה מתפרשת כשכר ולא כשאלה, וגם המחנ”א סובר דאינו נעשה שואל. ומ”מ כ”ז בשומר חינם, אבל בנידו”ד שכבר מקבל אחוזים (אף להצד דלא נעשה שומר שכר ממש), א”כ יש לדון הרווח לגבי המשכנתא כשאלה עפ”י סברת רבינו אפרים הנ”ל (וכמו שכותב הרשב”א להדיא).

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.

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