Pessah – La véritable liberté se trouve dans la Maison

Pessah – La véritable liberté se trouve dans la Maison

La Sortie d’Egypte: au cœur même de l’Egypte

Comme nous le savons, juste avant la Sortie d’Egypte, les Bnei Israël ont dû rester confinés en leurs maisons toute la nuit jusqu’au matin.

Bien qu’au moment même de la Sortie, le Peuple sortit ensemble, de même franchit-il la mer conjointement, et reçut-il également la Thora à l’unisson, « comme un seul homme uni par un seul coeur ». Mais l’instant d’avant, ils étaient tous enfermés en leurs maisons.

Car en réalité, l’essentiel de la Sortie d’Egypte ne consiste pas en un déracinement d’un lieu géographique. L’essence de cette sortie repose sur une extraction intérieure dont le processus intime démarra par l’abattage rituel du Korban Pessah. A noter que les premiers-nés égyptiens périrent précisément lorsque nous étions encore en Egypte, que nous avons égorgé ce Korban Pessah dans le pays même, que nous sommes même restés cloitrés en nos maisons toute la nuit bien que la plaie qui frappa les aînés de famille se termina bien avant, au milieu de la nuit. Tout cela, de manière à intérioriser notre liberté encore bien avant notre départ physique.

C’est pourquoi, il nous est donné de remarquer que ce concept de « maison » revient encore et encore, tout au long des versets évoquant le Korban Pessah, que ce soit au niveau des lois qui le régissent, que de l’interdit de Hamets et de son annulation. Tout cela, car il n’est pas concevable d’imaginer une collectivité sans individus propres, et on ne peut parler d’individu sans maison.

La liberté dans tout ce qu’elle a de plus authentique se trouve chez le particulier. Mais cela n’est envisageable qu’au moyen d’une possibilité de retrait intime en sa maison, lieu qui permet de s’isoler intérieurement, et en l’occurrence, de l’impureté de l’Egypte. C’est uniquement en cet endroit serein, coupé de tout amarre avec le reste du peuple, qu’il est possible de rétablir à nouveau le lien d’attache profond avec Hakadoch Baroukh Hou. Le phénomène du groupe rend impossible cette introspection, cette réflexion, au contraire, il pousse l’individu à ne croire qu’en la force du groupe à un moment où il lui fallait intérioriser cette idée de dépendance complète envers le Maître du monde comme il est exprimé : « אני הוא ולא מלאך – Je suis Celui-là, Moi en Personne et pas même un ange… »

Ce n’est donc pas par hasard si les Bnei Israël badigeonnèrent leurs portes, à l’intérieur et non à l’extérieur (selon un des avis dans la Me’hilta), avec les sangs du Korban Pessah et de la Mila.  Ils implantèrent en eux, l’idée de l’annulation des dieux égyptiens, et développèrent ainsi leur puissante attache à Hachem. C’est avec ce même sang qu’ils étalèrent sur le fronteau et les linteaux de leurs portes, qu’il créèrent un nouveau seuil, celui de la Délivrance. C’est à travers cette nouvelle ouverture chez chaque individu, qu’ils méritèrent ensemble sept jours plus tard, la « Grande Porte » qui marquera l’histoire, celle de la mer des Joncs.

Entre l’union et la solidaritéExtérieur et Intérieur

Et c’est aussi à travers cette individualité qui est née au moment de la dixième plaie, qui mériteront plus tard d’entrer en Terre Sainte. Car l’accès en cette Terre se singularise essentiellement par notre intériorité et notre intégrité. Ce n’est pas par hasard si la notion de Arvout (solidarité) du peuple juif est née au terme de 40 années dans le désert, préalablement à l’entrée des Bnei Israël en Terre d’Israël.

Car bien qu’au moment du Don de la Thora au Sinaï, nous étions déjà tous unis « comme un seul homme », et ainsi durant toute la durée de notre périple dans le désert, nous étions ensemble autour du Michkan. Cependant, notre véritable union trouva lieu lors de notre entrée en Israël, en cet instant où chacun dû intégrer sa maison, en cette occasion où le peuple se subdivisa justement en unités individuelles.

C’est en cela que cette notion de Arvout (solidarité) dépasse l’union qui nous déterminait auparavant, car elle est capable d’unir notre peuple même lorsque il se fractionne, même lorsque chaque membre de sa composition rallie sa maison. C’est ce qui constitue la nouveauté de cet engagement particulier contracté dans les Plaines de Moav.

Lorsque la notion d’unité dépend d’un lieu géographique, il ne s’agit là que d’une unité superficielle. Le véritable lien d’union et de fraternité est celui qui perdure au-delà de l’espace et de la dispersion géographique et physique des individus.

L’alliance de l’entrée en Israel: Proscrire les interdits pratiqués en cachette

Car l’intériorité de l’homme réside dans ce qu’il garde secret. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les malédictions qui caractérisent cette même alliance de l’entrée en Israël, traitent des écarts des individus pratiqués en cachette, comme « celui qui frappe son prochain en secret », « celui qui égare l’aveugle en chemin », celui qui ferait une image sculptée…. Et qui l’érigerait en un lieu caché ». Cette approche insistante nous permet de comprendre et réaliser que durant tout leur séjour dans le désert, la notion de secret personnel n’existait pas ! Il n’y avait guère de place pour l’individualisme et les « cachoteries » personnelles. Par contre, après être entré en Erets Israël, où chacun franchit le seuil de sa cour et de sa maison, naquit la notion d’individu au sens propre. C’est ce qui justifia la mise en garde de la Thora sur de tels « écarts de comportement » pratiqués en cachette, car l’observance scrupuleuse de ces mitsvot même en cachette, vient hautement plaider en faveur d’une intégrité de la personne.

Période de confinement – Absence de Minyanim: plus d’intimité

Cette période où chacun de nous est confiné chez lui avec sa famille est une occasion toute particulière de nous retrouver avec nous-mêmes, de vivre cet idéal de vie épargné de toute emprise sociale pour pouvoir accomplir les mitsvot avec davantage de conscience et de ferveur. Nous ne devons pas oublier malgré tout, que le groupe est un moyen et une aide pour l’individu mais que finalement, la relation entre l’homme et son Créateur se trouve intimement en chacun. Notre but est de retrouver l’état de Adam – premier Homme – en ce qu’il détient d’unique au monde.

Il est vrai qu’à notre plus grand regret, et nous en sommes très tristes, nous ne pouvons plus nous rassembler en Minyanim pour les Téfilot et dire le Kaddich, nous ne sortons plus nos si précieux rouleaux de Thora, plus d’étude dans les Yéchivot, les Kollélim… En revanche, nous bénéficions d’un regard nouveau. Il fait penser à notre situation à Chemini Atseret – huitième jour de Souccot — ce jour où nous nous défaisons du Loulav et de la Souccah pour réintégrer nos maisons, sans pression extérieure, mais raffermis par un lien plus fort, plus puissant avec Hakadoch Baroukh Hou.

Ainsi en va-t-il en ces jours où il nous est donné de construire cette relation intime avec HKBH et comme au moment de la Sortie de Mitsraim où nous avions le sang du Korban Pessah pour nous couper de l’impureté de Mitsraim ainsi que le sang de la Brith-Mila, symbole du lien parfait avec HKBH, ainsi en ces jours nous avons ce potentiel pour nous extirper des fautes et de l’impureté pour chacune en son genre par le passé, nous défaire de ces actions dénuées de cœur et accomplies de manière routinière. C’est sans aucun doute pour nous, une opportunité de nous renforcer dans les mitsvot, pour fixer un lieu déterminé et un temps pour nos Téfilot, les pratiquer plus minutieusement et sereinement, pour davantage se concentrer dans la récitation des Brakhot, leur énonciation et application, en posant des moment particuliers et précis pour l’Etude de la Thora, en préservant nos bouches de dire ce qui n’est pas à dire etc…

Puissions-nous mériter très prochainement une « Nouvelle Porte », la Porte de la véritable Liberté, celle de la Géoula très prochaine… Amen.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.