Bo – Les Tefilines: symboles de notre délivrance – Partie 1

Bo – Les Tefilines: symboles de notre délivrance – Partie 1

Les Tefilines et la Délivrance

Notre Paracha nous amène à la conclusion de la Sortie d’Egypte. Elle se termine avec le commandement de la mise des Tefilines (Chemot 13,16) « Il sera écrit comme symbole sur ton bras et comme fronteau entre tes yeux ».

Il y a lieu de méditer sur la relation existante entre cette Mitsvah et notre délivrance. Elle semble être assez forte pour permettre une digression dans le récit même de la Sortie, au même titre que l’ordre de consommer de la matsa et de conter le récit de notre liberté.

La nature est ronde, l’action humaine carrée

En analysant la Création, nous pouvons voir que la forme carrée n’existe pas à l’état brut. Touts les créatures ainsi que l’Univers en général sont façonnés avec la forme ronde. (Comme les planètes, les fruits et légumes, les animaux et la Nature…)

Cette déclaration fut celle de Rabban Chim’on Ben Gamliel : « Nul angle droit n’existe depuis les Six jours de la Création… » (Talmud de Jérusalem, Ma’asserot 5,3)

En revanche, la plupart des ustensiles du Michkan (puis plus tard du Beit Hamikdach) sont formés à base d’angles. Le Texte exigera même de l’autel qu’il soit façonné de cette manière. « Le Mizbea’h sera carré » (Chemot 27,1). C’est même une condition sine qua non à son élaboration.

Le Rav Chimchon Refael Hirch (ibid. 8) propose un sens profond à cela, que toute chose créé par les forces de la nature sans que cette activité soit régie par une quelconque intelligence, est façonné en cercle. Seules les œuvres de l’Homme, qui est doté de libre-arbitre et de réflexion, et ses constructions suivent le standard des lignes et des angles. Pour cette raison, le Mizbe’ah qui est par excellence l’ustensile consacré à la construction de l’homme dans sa liberté, devait obligatoirement être carré.

Le Cercle appartient au Monde. Car la caractéristique principale du cercle est qu’il n’y a ni début ni fin, tout tourne dans un cycle perpétuel, d’une manière circulaire. Il n’y a aucun changement, quel qu’il soit. Ce qui est, sera. En outre, les points d’une circonférence de cercle sont tous équidistants du centre, exemple même d’une perfection divine. Telle est la Nature créée par D.ieu. Dans sa création, « il n’y a rien de nouveau sous le soleil ».

A contrario, le Carré symbolise l’acte de l’homme, son pouvoir d’innover et de concevoir le changement. Il peut former des coins, rompant ainsi avec les règles de la nature. Dans les mots du Rav S.R. Hirsch : « le Carré est la marque de la liberté humaine dans ce monde matériel ». La nouveauté de l’homme brise la réalité, possède un début et n’est pas limitée, ne revient pas sur elle-même et reste propre à la vision subjective de son auteur.

Paro comparé au serpent cambré, appartient au monde Circulaire

L’Égypte exprime la règle de la nature et de la matière, qui, par essence, ne reconnaît pas la place et la liberté de l’homme. Le Nil qui arrosait l’Égypte absoudrait ses adorateurs du besoin de prière, à l’inverse de la Terre d’Israël qui est entièrement dépendante des eaux célestes, nécessitant l’intervention de ses habitants dans leurs prières.

La personne qui représente cette indépendance est Parô, semblable à un serpent. En effet, le serpent est cambré, sans droiture. [Voir Yechaya 27,1 : « Serpent aux replis tortueux », et l’interprétation du Malbim qui justifie ce surnom du Léviathan car il s’enroule autour du Monde]. L’image du serpent qui se mord la queue évoque ce cycle de la Nature. Dans la Haftara de cette semaine, l’Égypte est également comparée au serpent dans les mots du prophète (Jérémie 46, 22) « Son cri sera strident comme [le sifflement] du serpent ».

Ainsi, le serpent ne reconnaît que le monde naturel, d’où sa promesse « Vous serez comme des dieux ». Pour lui, nul commencement ni fin, tout est relié à la Nature. L’Homme lui-même fait juste partie intégrante de ce système, d’où son appartenance à cette divinité qui n’en n’est pas une. De son côté, Parô affirmera : « Le fleuve est à moi et c’est moi qui l’ai fait ». Il renie la notion même du Créateur, selon lui aucune force ne peut surpasser ni contrôler la Nature. Dans le même ordre d’idée, il nie en le libre-arbitre de l’Homme et de son « Image Divine » (Tselem Elokim). Pour lui, l’Homme est essentiellement le fruit de la nature et l’esclave de la matière.

[Nous pouvons certainement ajouter que le fait que D.ieu ait retiré la liberté de choisir et de décider à Parô durant les Plaies, exprime, mesure pour mesure, ses convictions païennes. Il ne pouvait donc pas faire la distinction entre le bien et le mal].

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Un Pharaon qui porte l’uræus

Lors du signe du bâton, quand il fut jeté au sol il devint un serpent, et quand sa queue était attrapée il redevenait bâton. Ainsi, Moché Rabbénou proclama la personnalité d’Israël en la confrontant à celle de l’Égypte. Quand le bâton ne se trouve plus dans les mains de l’Homme mais est jeté au sol, il devient courbé comme un serpent, c’est-à-dire qu’il appartient au Cercle et au Monde de la Nature, symbolisé par ce reptile. Mais quand il est dans la main de l’Homme, c’est-à-dire que l’Homme interfère avec la nature par son choix, il devient droit et découle du monde du Carré, typiquement humain, et à la liberté de la personne.

Il est intéressant de constater que les anciens Pharaons avaient comme usage de porter l’uræus, insigne pharaonique portée sur leur front, là où nous posons les Téfilines. Elle représentait un cobra dressé…

Les angles des Tefilines nous rappellent la créativité de l’homme

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En dehors des ustensiles du Tabernacle, nous trouvons une autre Mitsvah pour qui le Carré est intrinsèque à son accomplissement : les Tefilines. En effet, les Tefilines de la tête et de la main doivent être carrées.

Nous pouvons dire que l’Homme, à travers ces boîtiers, doit se rappeler à la fois en pensée et en acte de quitter le Monde circulaire et cyclique et de se connecter à Son Image.

Le sens de cette Image est la Liberté du choix, c’est en ce sens que nous ressemblons à D.ieu. Plus précisément, c’est le pouvoir du renouvellement qui nous relie à Lui. Comme D.ieu qui renouvelle le monde à chaque instant, nous devons tous être libres et innover à tout moment. Nous ne devons pas vivre une vie cyclique, faite d’accomplissements rituels et routiniers, enfermé dans le matériel, mais au contraire, chaque jour se doit d’être un nouveau jour, chaque prière différente de la précédente, chaque étude sa nouveauté.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.