L’interdit de tarder pour payer s’applique t-il pour les loyers ? et quel est le statut du chèque ?

L’interdit de tarder pour payer s’applique t-il pour les loyers ? et quel est le statut du chèque ?

Question

Yohan a l’habitude de déposer chaque année 12 chèques mensuels à son propriétaire, au moment de la signature du contrat de location. C’est officiellement ce qui est convenu.

Mais étant donné que son propriétaire préfère être payer en liquide, Yohan lui accorde cette faveur du fait de son âge avancé. A chaque paiement en espèces, le propriétaire lui rend le chèque du mois en question.

Yohan veut savoir s’il est impératif pour lui de venir payer le 1er du mois afin de ne pas transgresser l’interdit de “bal talin” (ne pas rettarder le paiement)?

Et qu’en est-il de la mitsva de “beyomo titen se’haro” (tu paieras à temps), cela concerne t-il le loyer? et accomplit t-il cette mitsva s’il paie le loyer en espèces seulement quelques jours après le début du mois?

Yohan tient à préciser que le propriétaire ne met aucune pression pour recevoir les espèces le 1er du mois.

Réponse

Tout d’abord il faut savoir qu’il existe une discussion entre les décisionnaires si l’interdit de “bal talin” s’applique sur les biens immobiliers, (voir Choulhan Arou’h 339;1,  Gaon de Vilna et  Pithei Téchouva au nom du Chaar Michpat).

Cependant, le Ktsot estime que cela est dit uniquement pour les terrains qui sont immobiliers par essence, par contre en ce qui concerne les maisons, cela dépend d’une autre discussion de savoir comment considérer les choses qui à leur origine ne sont pas attachés au sol, mais seulement par l’intervention humaine. Etant donné que pour certains, on ne les considère pas comme des éléments attachés, pour cela dans le cas des locations de maisons, le Ktsot fait cas de l’interdit de “bal talin” même selon le Choul’han Arou’h.

Malgré tout, dans notre cas de figure il est évident qu’il n’y a pas d’interdit, et cela pour plusieurs raisons:

1. Comme précisé dans la question, ce qui est convenu avec le propriétaire est le payement par chèque. Le dépôt en espèces de la part du locataire est de l’ordre du zèle uniquement. On ne peut donc parler de “bal talin”, car on se réfère à ce qui est conclut lors du contrat, de la même façon que dans le cas où le propriétaire lui a accordé de pouvoir payer en retard, il n’y aura aucun interdit (Cha’h 33;2).

2. En dehors de ça, il faut savoir que tant que le bénéficiaire ne réclame rien, on ne transgresse pas “bal talin” (Choul’han Arou’h 339;10). Toutefois, il existe dans ce cas un autre interdit de “bal tachhé” (ne pas faire attendre), comme précise le Pithei Téchouva au nom du Chaar Michpat.

3. Nous pouvons ajouter que les chèques suffisent amplement pour éviter de transgresser cet interdit de “bal talin”, même dans le cas où ils sont datés pour plus tard, tant que le propriétaires les acceptent. On peut comparer cela au cas cité dans le Choul’han Arou’h (339;10) où une personne décide de payer le salarié par l’intermédiaire de son épicier.

4. Il faut également noter qu’à priori un chèque daté pour plus tard est tout de même considéré comme “chavé kessef” (ayant une valeure d’argent). Et par ailleurs selon certains avis (Tachbets cité dans le Radbaz 3;458), bien qu’en ce qui concerne l’employé, nous ne pouvons le payer en “chavé kessef”, malgré tout concernant le loyer cela est possible. La raison à cela est que non pas comme pour l’employé qui a besoin de cet argent pour manger, le loyer vient pour une autre cause. (Néanmoins, aujourd’hui nous allons en fonction du minhag, et même pour le loyer il est impossible de payer en “chavé kessef” mais seulement en chèques, espèces ou virements).

Cependant, tout cela est dit pour l’interdit de “bal talin” uniquement, mais il existe aussi une Mitsva de “beyomo titen se’haro” (tu payeras à temps) pour laquelle il y’a lieu de nuancer de la manière suivante:

  • Si la date du chèque correspond à la date d’échéance, et que le bénéficiaire peut retirer  immédiatement des espèces grâce à cela, selon la plupart des avis l’émétteur accomplit ainsi cette Mitsva de “beyomo titen se’haro” même contre la volonté du propriétaire ou du salarié (Pithei Techouva lois des locations 9;36, Techouvot Veanhagot 3;470).
  • Si à ce moment là, il ne peut retirer d’espèces, comme par exemple dans le cas où il doit attendre quelques jours ou que la banque est fermée, les avis sont plus partagés.
  • Mais dans le cas où la date du chèque est repoussée pour plus tard, tout dépend de l’accord du bénéficiaire.

Mais le Rav Elyachiv z”l (cité dans le Péoulat Hassa’hir 3;10) ne faisait pas de distinction, pour lui dans tous les cas cela dépend de l’accord du bénéficiaire.

Conclusion

Non seulement Yohan ne transgresse aucun interdit, mais il accomplie même la mitsva de “beyomo titen se’haro”.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.

Comments (2)

  • Emmanuel

    Le chèque si il est daté pour plus tard, peut il être considéré comme un machkon (gage), et y aurait il une différence de ce fait?

    • Rav A. Melka

      Question intérressante. Mais même si nous considérons ce chèque comme machkon, selon beaucoup d’avis cela n’enlève pas l’interdit de “bal talin”, voir Pit’hei Techouva 339 au nom du Levouch, Arou’h Hachoul’han (339;8), et Chevet Halevy (7;232). Mais même selon l’avis du Graz et du Ktsot (72) qui pensent que le machkon enlève cet interdit, il serait logique de différencier entre un machkon ordinaire et un chèque daté pour plus tard qui ne peut encore être monnayé. En effet l’avis du Ktsot et du Graz est fondée sur la hala’ha au sujet d’un artisan qui a finit son travail, dans ce cas la règle est que tant que l’article se trouve entre les mains de l’artisan, il n’y a pas “bal talin”, selon eux la raison à cela est que l’article en question est comme un machkon (les autre décisionnaires précités pensent que la raison est que l’échéance n’est pas encore arrivée). Cette hala’ha sur laquelle ils s’appuient est dite sur un article qui peut être transformé en argent, sans cela nous n’avons pas de source.

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