Parachat Tazria Metsora – Entre la pureté et la sainteté

Parachat Tazria Metsora – Entre la pureté et la sainteté

Toutes les impuretés ont comme origine l’impureté due à la mort

Ces parachiot de Tazria Metsora traitent des différentes impuretés de l’Homme. La parachat Tazria débute par l’impureté de la nouvelle accouchée puis s’allonge davantage sur l’impureté due à la tsaraat – lèpre biblique. Pour finir, la parachat Metsora revient sur l’impureté du sang et de la semence. A cette occasion, sont recensées toutes les catégories d’impuretés de l’Homme.

Seule l’impureté du mort n’est pas évoquée dans ces sections de la Thora. On les trouvera dans le Livre de Bamidbar.

Cependant, selon rabbi Yéhouda Halévi (Kouzari 2 ;60) cette impureté due à la mort est la source des impuretés de tsaraat et des écoulements, car le mort est la plus grande perte et la dégradation la plus totale. En effet, ainsi est considéré le membre lépreux comme mort ou dénaturé, et la semence perdue de même, car étant destinée à donner vie et produire un être humain.

Pour appfondir ses propos on peut expliquer que le sens même de l’impureté du mort est liée au fait qu’au moment où son enveloppe corporelle n’est plus au service de la vie, elle représente alors l’opposé de son objectif qui est de se purifier avec sa néchama. De même la semence, ou le sang, émis à l’extérieur et qui n’ont donc pas atteint leur objectif de vie, génèrent une impureté pour avoir manqué à leur vocation première.

Le même principe couvre le cas de la nouvelle accouchée dont la fonction de la matrice est de donner naissance et qui, à l’accouchement, en ponctuant sa fonction, génère une mort. Ajoutons à cela, qu’après la naissance, le processus de l’accouchement conduit à la perte de la vie qu’elle détient en elle. Paradoxalement, cet accouchement d’où émane la vie, entraine cette rupture avec la vie que la femme portait en elle.

De même, pour ce qu’écrit le Kouzari, sur le fait que le lépreux est considéré comme une chair morte. Il explicite ce que Aharon a dit à Moché à propos de Myriam qui contracta la lèpre « qu’elle ne soit donc pas comme un mort qui, à sa sortie de la matrice de sa mère, il a été consumé la moitié de sa chair ! » – Rachi précise en l’occurrence « car le lépreux est considéré comme un mort » (Nédarim 64).

Ces deux parachiot traitent donc de la mort, au cœur de nos vies. Il est fort possible que ce soit là, la raison pour laquelle l’impureté due à la mort n’est pas évoquée. En réalité, le propos n’est pas ici, de débattre de la fin de la vie mais plutôt de réfléchir à cette négation au cœur de la vie, au point d’avoir comme conséquence l’impureté du mort, recensée comme étant la plus sévère. En effet, elle est formulée comme étant « אבי אבות הטומאה – la base et le fondement même de l’impureté » selon le langage de nos Sages. 

Cette approche de l’auteur du Kouzari, qui veut que toutes ces impuretés dépendent de celle du mort trouvent leur justification à la lumière de ces parachiot très précisément après la mort des fils de Aharon et juste avant que Hachem ne s’adresse à Moché pour lui dire de ne pas s’approcher à tout moment du Sanctuaire de crainte de mourir.

Il y a quand même lieu de s’étonner quand d’une part, l’impureté du mort est considérée comme le fondement et la base de toute impureté alors que du point de vue des lois concernant l’éloignement des camps, la « peine » est plus légère. Non pas comme le lépreux qui est rejeté de tous les camps, ni même comme celui atteint d’un écoulement, qui est renvoyé du camp de la Che’hina et de celui des Léviim, celui rendu impur par contact avec un mort n’est renvoyé que du camp de la Che’hina. Comment comprendre ?

Trois niveaux d’impureté chez l’Homme en contre partie des trois aspects dans la faute de Adam et Hava

Selon les propos des Richonim (Rabénou Behayé, Baal Hatourim Bamidbar 5 ;6), toutes ces impuretés ont pour origine Adam Harichon. Essayons d’approfondir.

La faute de ce dernier met en scène trois acteurs : 1) le serpent qui incita Hava. 2) Hava qui influença son mari, Adam. 3) Adam lui-même qui consomma le fruit interdit.

En observant les évènements plus minutieusement, il y a lieu de différencier la faute du serpent de celle de Hava. Le serpent a séduit Hava selon une démarche intellectuelle. Il lui a dit ; « vous serez comme Dieu » (Béréchit 3 ;5). Cela n’a rien à voir avec la tentation qu’elle a présentée à Adam alors qu’elle s’appuie sur un sentiment comme l’explique le Sforno. Hava a séduit le cœur de Adam par ses paroles et par son désir de s’unir à elle car elle est une femme.

Ainsi le fondement de la faute de Adam et Hava repose sur trois aspects : 1) intellectuel, sous influence du serpent – 2) sentimental, selon l’approche de Hava – 3) Corporel par la consommation du fruit.

Cela revient à dire que l’homme est amené à fauter en vertu de trois données : son être profond symbolisé par le cœur – son néfech, son esprit logé dans son cerveau, son corps, représenté principalement par l’organe du foie.

Nous trouvons là, l’origine des trois types d’impuretés. Le serpent a affaibli l’esprit et le cerveau de l’homme au moyen de sa mauvaise langue, de son lachon hara ainsi que l’exprime Rachi : « il a dit qu’Il (Hachem) a mangé de cet arbre et a créé le monde – c’est pour cette raison que le serpent fut frappé par la lèpre (Béréchit Raba 20 ;4). Hava méprisa l’objectif du néfech et du cœur, c’est pourquoi elle mérita d’être punie par un écoulement (Erouvin 100), car le sang correspond au néféch, à l’être profond. Les écoulements proviennent également des convoitises du cœur. Quant à Adam qui abima son corps, il mérita la mort qui est la désagrégation du corps.

C’est ce qui explique que le lépreux soit renvoyé de tous les camps à l’image du serpent qui symbolise en tous points le mal en ayant engendré la faute selon un raisonnement de l’esprit. Le Maharal (Netivoth Olam, Netiv Hatechouva) insiste sur la gravité des fautes issues d’une logique intellectuelle. Dans ce cas, le principe de la téchouva n’est d’aucun secours pour la personne. C’est ce qui est écrit à propos de l’idolâtrie et l’hérésie, crimes pour lesquels le fauteur ne peut se repentir. Le Maharal écrit ailleurs que si l’homme était vraiment doté d’un esprit clairvoyant et que malgré cela il ne s’empêchait de fauter, il n’aurait pas mérité d’être repenti, car la téchouva n’est réservée qu’aux actes dont l’origine ne dépend pas d’un raisonnement ou d’une logique.

Quant à celui qui présente un écoulement, le zav, il est renvoyé du camp des Léviim alors que le camp d’Israel lui est permis, car la faute de Hava est moins grave du fait que son origine soit le cœur et non l’esprit. Elle est néanmoins plus importante que celle de Adam car elle a exercé son influence sur lui, c’est pourquoi ce dernier n’est pas rejeté du camp des Léviim.

Par le fait que l’Homme purifie son esprit logé dans son Moa’h, son nefech tapi au niveau du Lev – cœur, et son corps représenté essentiellement par le Kaved – foie , il meritera du statut de MeLeKh – roi (mot composé de leurs initiales) de même qu’était considéré comme un roi sur cette terre, le premier homme, Adam Harichon.

Les trois plus graves fautes assimilées à l’impureté

Tout cela vient confirmer que les trois fautes capitales que sont, l’idolâtrie, la débauche, et le meurtre aient pour consonance « impureté » dans la Thora.

L’idolâtrie est en rapport avec la faute du serpent, cette confusion fait intervenir l’esprit. Rappelons que le serpent utilisa comme argument celui de la Divinité, en disant que Hachem avait créé le monde en mangeant du fruit en question. L’idolâtrie et l’hérésie sont des crimes qui mettent pleinement en cause l’esprit.

Le meurtre vient en résonnance de la faute de Hava, ainsi que nous  trouvons dans le Midrach Tanhouma (fin de parachat Metsora) que pour avoir versé le sang de Adam, fut infligé à Hava que son propre sang s’écoule. Cette faute est liée au néfech, comme il est dit ‘נפש תחת נפש – une âme en échange d’une âme » (Chémot 21 ;23).

La débauche se rapporte à Adam qui intéresse les appétits physiques et sa pratique est tout l’opposé de sa vocation première, plus encore que la mort n’en est la contradiction. Si la mort constitue un manque, la débauche est une perversion.

Le sujet de l’impureté vient donc justifier ces trois fautes comme symbolisant tout l’opposé de l’objectif de l’Homme tant au niveau de son esprit, de son cœur et de son corps.

La Pureté vis à vis de l’impureté du mort et la Sainteté en regard de l’impureté de la faute

On comprend de tout ce qui précède que le sujet de l’impureté est lié à la faute aussi bien qu’à la mort. Les deux en réalité, n’ont qu’un seul et même objet, celui d’être contraire à la vocation de l’Homme et de son obligation dans son monde. Ainsi stipule le Kouzari qu’il existe deux principes d’impureté : le premier, lié à la faute et le second, en rapport avec la mort.

Cependent, il ressort de son propos que cela parait être deux notions distinctes. L’explication semble être la suivante: alors que la mort représente l’absence de la réalisation du projet humain et prive son destin, la faute, quant à elle, non seulement contrarie, mais s’oppose à cette vocation, elle trahie l’objectif même.

Cela a pour sens que pour annuler l’impureté due au mort nous n’avons d’autre remède que le processus de purification. Quant à ce qui est de l’annulation de la faute elle relève du domaine de la Kédoucha – sainteté.

Cette idée est explicite dans le Raavad (Chaarei Hakédoucha) qui explique qu’il existe une différence entre le fait de se séparer de l’impureté des fautes et des interdits et celui de se séparer des autres impuretés. Celui qui se sépare des contacts et des tentations ou de toute autre impureté similaire est déclaré « pur » comme il est dit : « il se lavera avec de l’eau et sera purifié » (Vaykra 14,8). Mais celui qui se sépare des fautes et des interdits est appelé pur et Kadoch : « pur », ainsi que nous l’avons expliqué et « Kadoch », tel qu’il est écrit dans la paracha concernant les lois relatives à la débauche : « et vous vous sanctifierez et vous serez saints » (Vaykra 20 ;3).

La raison à cela est que la pureté revient à éliminer l’impureté, alors que la kédoucha est son contraire, c’est là le sens du propos « la pureté conduit à la sainteté » (avoda zara 20b).

C’est également de la sorte que nous pouvons expliquer que la pureté se pose au-dessus de l’homme ainsi qu’il est écrit : « et Je verserai sur vous des eaux pures »(Yéhezkel 30 ;6) – alors que la Kédoucha est logée en son intériorité selon les mots du passouk : « ils me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux » (Chémot 25 ;8).

La Pureté réside dans la Thora Ecrite, La Sainteté se trouve dans la Thora Orale

Pour conclure, il semble qu’il en va de même vis-à-vis de la Torah envers laquelle il est question de Sainteté et de Pureté.

Concernant la sainteté, ainsi qu’il est dit dans Avot (12 ;3) – la Che’hina réside chez celui qui étudie la Thora ! Quant à la Pureté, les Téhilim (10 ;2) énoncent à son égard – les Paroles d’Hachem sont Pures ! Nos Sages nous enseignent : de même que l’eau purifie l’homme de son impureté…, ainsi la Torah purifie l’homme impur de son impureté…

Il est permis de penser que la Pureté soit accordée par le biais de la Thora Ecrite représentée par les « Paroles d’Hachem », et que la Kédoucha le soit, par l’intermédiaire de la Thora Orale.

Le Tour (orah ‘haim 139) explique que lorsque nous récitons la Birkat Hathora, nous affirmons : « que Dieu nous a donné une Thora de Vérité et Il a implanté en nous une vie éternelle », la Torah de Vérité représente la Torah Ecrite, et la vie éternelle que Dieu implanta en nous symbolise la Thora Orale. Cela confirme que le sujet de la Kédoucha se trouve à l’intérieur de nous.

Soyons attentifs aux lois des impuretés et imprégnons nous des eaux de puretés, symbolisées par notre Torah, pour ainsi pouvoir accéder à la véritable sainteté provenant de Dieu.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.