La première mitsva abordée dans notre Paracha porte sur le choix du lieu pour le service d’Hachem. C’est la première fois dans la Torah qu’il est mentionné qu’Hachem désignera un lieu fixe, le Temple, pour l’offrande des sacrifices. Pourtant, la Torah a choisi de “dissimuler” l’emplacement exact du Temple, en déclarant : “Mais uniquement à l’endroit que l’Éternel, votre Dieu, aura adopté entre toutes vos tribus pour y attacher son nom” (Deutéronome 12, 5). L’expression “le lieu que D. choisira” apparaît à plusieurs reprises dans notre Paracha et dans l’ensemble du livre de Deutéronome, soulevant ainsi une question importante : Pourquoi D. a-t-il décidé de cacher le lieu du Temple ?
Il est également nécessaire de comprendre si l’emplacement du Temple n’avait pas encore été déterminé ou s’il avait déjà été choisi, mais simplement pas encore découvert. Il est à noter que le site de l’autel du Temple à Jérusalem était considéré comme saint depuis des générations avant que l’autel ne soit construit. À ce sujet, nous pouvons citer les paroles du Rambam :
C’est une tradition acceptée par tous que l’endroit même où David puis Chelomo placèrent l’Autel, la grange de Aravnah, est à l’emplacement de l’Autel construit par Abraham pour y sacrifier Isaac, et aussi le lieu où Noé construisit un autel en sortant de l’Arche, l’autel même où Caïn et Abel apportèrent leur offrande, le lieu où Adam fit une offrande après avoir été créé, et c’est de cet endroit-là qu’il fut créé. (Rambam, Lois de la maison d’élection : Chapitre Deux).
La question s’accentue alors : Pourquoi la Torah a-t-elle choisi de garder secret le lieu où le Temple devait être construit, en omettant même de mentionner la ville de Jérusalem ? Quelles sont les raisons pour lesquelles la sainteté éternelle de Jérusalem demeure cachée et n’est révélée que de manière implicite à travers l’expression “le lieu que D. choisira” ?
Dans le Guide des égarés (Partie 3, Chapitre 45), le Rambam avance trois raisons pour lesquelles le lieu exact du Temple a été gardé secret :
- Pour éviter que les nations du monde ne se disputent son contrôle.
- Pour prévenir la destruction totale de ce lieu par les nations avant que le peuple d’Israël ne soit en mesure de s’y établir.
- Pour empêcher les conflits entre les tribus israélites concernant la conquête de cette terre, tant que son emplacement n’a pas été désigné par le chef du royaume d’Israël unifié.
Ainsi, selon cette perspective, bien que le lieu ait été dès lors choisi, il n’a pas été permis de révéler son emplacement.
Mais néanmoins, la manière dont la Torah évoque le “lieu que Dieu choisira” environ vingt-deux fois semble souligner que ce “lieu” du Temple n’a pas encore été fixé et qu’il sera “choisi” à un moment donné, ce qui implique qu’il n’est pas simplement caché, mais qu’il n’a pas encore été défini.
Ces questions nous poussent à analyser à nouveau la première occurrence dans la Torah de cette expression : “Mais uniquement à l’endroit que l’Éternel, votre Dieu, aura adopté… que vous le chercherez et que vous vous rendrez”. Ce verset semble indiquer que le choix divin est intrinsèquement lié à la quête humaine.
Le roi David a consacré sa vie à la construction du Temple, le lieu central où le peuple d’Israël pourrait servir Dieu de manière concentrée. Il est important de souligner que cet engagement de David a atteint son apogée précisément au moment où le prophète Natan lui a déclaré qu’il ne serait pas celui qui construirait la maison. À partir de ce moment, David met tout en œuvre pour réaliser ce projet. Il consacre une grande partie de son temps et de son énergie à la planification du Temple, cherchant son emplacement, acquérant des matériaux précieux, préparant des instruments de musique et collectant de nombreuses contributions du peuple. Dans les versets du Psaume 132, David exprime son profond désir pour le Temple et son engagement envers cet objectif :
“Souviens-toi, Seigneur, en faveur de David… du serment qu’il fit à l’Éternel… : Si j’entre dans la tente qui me sert de demeure, si je monte sur le lit qui me sert de couche, si je permets le sommeil à mes yeux, à mes paupières le repos, avant que j’aie trouvé un lieu pour l’Éternel, une résidence pour le Fort de Jacob ! (Tehilim 132).
Cependant, une question se pose : si une révélation prophétique est nécessaire, pourquoi David, en tant que roi, a-t-il exprimé tout au long de sa vie sa tristesse de ne pas avoir trouvé le lieu du Temple ?
La réponse réside dans le fait que le choix divin dépend de la demande humaine.
Plus les enfants d’Israël expriment leur désir pour un lieu unique destiné au Temple de Dieu, plus Dieu se hâtera de désigner ce lieu. C’était le message de David au peuple, comme le décrit si bien le Malbim en ces mots : “Il leur a enseigné que Dieu ne révélera pas son secret par l’intermédiaire de ses prophètes pour leur indiquer le lieu choisi, mais uniquement s’ils s’efforcent de le rechercher. Alors, l’esprit du ciel descendra sur eux après une préparation adéquate.”
Cependant, il semble que cette compréhension de David n’était pas partagée par le peuple. C’est pourquoi la révélation du lieu de l’autel à l’époque du roi David a été déclenchée “concrètement” par une terrible épidémie qui a causé la mort de plus de 70 000 personnes parmi le peuple d’Israël. Le Ramban explique (Bamidbar, chapitre 16) que cela constituait une punition pour Israël en raison de son retard à construire la Maison choisie. L’arche se déplaçait de tente en tente, tel un étranger dans le pays, et les tribus ne prenaient pas conscience de la nécessité de rechercher Dieu et de bâtir une maison en Son nom.
Cela signifie que, bien que le roi David ait rêvé et souhaité la construction du Temple, ce désir n’était pas partagé par le peuple.
On peut peut-être prétendre que l’absence de demande de la part des enfants d’Israël pour bâtir la Maison choisie était particulièrement manifeste, surtout en comparaison avec leur demande insistante faite au prophète Chemouel pour qu’il leur désigne un roi, à l’instar des autres nations.
Après que le prophète Chemouel ait prié Dieu en réponse à la demande des enfants d’Israël pour un roi, Dieu lui a répondu avec colère : “Cède à la voix de ce peuple, fais ce qu’ils te demandent ; ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils ne veulent plus comme roi” (Chemouel 1 8:7). Et tous les commentateurs se sont déjà interrogés sur ce qui était répréhensible dans la demande du peuple. Ne s’agit-il pas d’un commandement d’établir un roi ? En quoi ont-ils méprisé le prophète Chemouel, alors qu’ils ne l’ont pas rejeté lui-même, mais plutôt ses fils, ce qui semble justifié, comme l’indique le texte : “Regarde, tu es vieux, et tes fils ne suivent pas tes voies ; donne-nous donc un roi pour nous gouverner” ?
On peut peut-être interpréter, selon les propos de la Guémara dans Sanhédrin, que leur péché résidait dans le fait que la majorité du peuple ne souhaitait ni prophète ni enseignant de la Torah de Dieu, mais uniquement un chef qui mènerait leurs batailles. Cela démontre qu’ils méprisaient le chemin de Dieu, ce qui explique la colère de Dieu à leur égard. S’ils avaient demandé la Torah et la prophétie, ou s’ils avaient sollicité le lieu que Dieu choisirait pour établir le Sanhédrin, d’où émaneraient des instructions et des prophéties pour le peuple d’Israël, la situation aurait été tout autre !
Juste avant la Paracha qui aborde le sujet de la nomination d’un roi (mentionnée dans la parachat Choftim), celle du Sanhédrin (Grand Tribunal) se manifeste. Le Sanhédrin siégeant là où se trouvait le Temple, d’où émane la Torah pour tout Israël.
Ce message est d’une grande portée, particulièrement en temps de guerre. Cette juxtaposition entre le siège du Sanhédrin et le commandement royal nous enseigne que l’autorité prophétique de la Torah doit toujours primer sur le leadership militaire. En d’autres termes, avant de solliciter un roi, il est primordial de chercher un prophète, un juge et un enseignant.