Parachat Tazria Metsora – Une enveloppe à fleur de Peau

Parachat Tazria Metsora – Une enveloppe à fleur de Peau

Dans les deux parachiot  de cette semaine, Tazria et Métsora, la Torah poursuit avec les lois relatives à l’impureté rituelle associée aux êtres humains. Néanmoins, il est impressionnant de remarquer que parmi les différents types d’impureté, la quasi-totalité de ces deux parachyot  traite du cas d’impureté rattaché à une plaie d’ordre spirituel – la Tsaraat (traduit généralement par la lèpre), comme si celle-ci constitue la plus importante des souillures.

Dans cette même logique, nous pouvons constater que le Métsora est le seul parmi  les personnes impurs qui était renvoyé en dehors des trois camps, c’est-à-dire à l’extérieur de Jérusalem, contrairement à la personne atteinte de flux ou la femme nida qui étaient renvoyés en dehors de deux camps, et contrairement à une personne rendu impure par contact d’un cadavre, qui n’est exclu que d’un seul camp, et peut même rester dans l’esplanade du temple. Cela  révèle aussi à priori l’intensité de l’impureté du lépreux, plus sévère que les autres. Ainsi le remarque déjà Maïmonide dans Yad Ha’hazaka (lois relatives à l’entrée dans le Temple – Chapitre Trois).

Comment expliquer l’ampleur de cette impureté qui nécessite une solitude complète, interdisant même de rester avec d’autres personnes impures ?

Nous porterons notre réflexion aussi sur la nature de cette plaie de Tsaraat, qui était caractérisée par une marque blanche apparaissant sur la peau d’une personne, sur les murs d’une maison ou sur un vêtement de tissu ou de cuir. Nous savons que la couleur blanche indique généralement la pureté et la propreté, contrairement au rouge qui est le symbole de la faute, comme le dicte le verset : 

«  Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige »

Esaïe 1, 18

Comment pouvons-nous comprendre alors que cette couleur blanche de la peau était l’indicateur essentiel de la Tsaraat, de l’impureté et de la faute ?

Il est également nécessaire de comprendre pourquoi parmi les différents organes de l’homme, la Peau était celle affectée par la lèpre, responsable de “dévoiler” le péché causant cette affection ?

Plus grave que les trois fautes cardinales ?

Pour essayer d’apporter un éclairage, penchons-nous sur les paroles des sages du Talmud (Arakhin 16a) qui nous révèlent que cette plaie de Tsaraat venait sanctionner principalement la faute de Lachon hara, la médisance. D’ailleurs, Le mot « métsora » indique littéralement celui qui exprime le mal (érouvin 15b), le calomniateur. Dans ce même passage, nos sages ajoutent une déclaration surprenante, comme quoi la faute de Lachon hara équivaut aux trois péchés cardinaux pour lesquelles il vaut mieux mourir que les transgresser : le meurtre, l’idolâtrie et la débauche. Cela paraît incompréhensible. Tout le monde comprend l’importance de ne pas tuer et s’en éloigne au maximum, ce qui n’est pas le cas concernant la délation ou le commérage, qui sont presque notre « pain quotidien ».

C’est en fait qu’au-delà de la gravité de ces trois fautes au niveau de l’action, le Lachon hara inclut en lui la substance fondatrice même de ces fautes majeures. Si ces trois fautes sont l’incarnation d’une mauvaise compréhension du concept d’altérité pour nous enfermer dans un des trois aspects égocentristes existentielles : celui dans notre rapport avec d.ieu – idolâtrie, avec son prochain – meurtre, avec soi-même – débauche ; Le fait de médire autrui est une perversion même de l’altérité. C’est se poser soi-même comme divin. L’expression talmudique qui désigne une telle personne : “Kofer ba-‘iqar”, signifie littéralement “le négateur de la racine”. Un médisant, de par sa parole rejette et refuse le Divin en tant que source de vie et d’action autant que de sens.

Rejet d’une unicité absolue

La gravité des fautes capitales repose sur le fait qu’ils rejettent une vision du monde unificatrice. C’est le refus d’une conscience  d’un UN absolu qui s’exprime à travers l’unitude de tous les êtres créés tout au long de leur histoire. Or le but ultime de toute notre existence réside dans notre devoir de prendre conscience et faire prendre conscience à l’humanité entière de cette unicité absolue.

Mais si concernant les trois grandes fautes, cette défaillance reste encore extérieure à l’homme, arrêtée à des actions finis et limités, le Lachon Hara lui, touche et pénètre la fibre la plus profonde de l’homme. Elle envenime la raison d’être même de tout l’être humain : La parole. En effet, plus que la compréhension ou l’intelligence, la parole s’expose comme la véritable caractéristique définissant l’humain, puisqu’elle est la manifestation de cette fusion prodigieuse entre le corps et l’esprit. C’est elle qui est désignée dans la Torah comme génitrice de l’humain, lors de la création de l’homme : ‘Nefesh ‘Haya’ traduit par « une souffle parlant ». Ce souffle qui réside dans le cou, l’endroit qui permet la transition entre l’intellect de la tête et l’action du corps, est la véritable raison d’être de l’humain. Le besoin de critiquer et médire autrui, provient de ce besoin existentiel de l’homme à se défaire d’un regard unificateur tellement engageant, et se débarrasser de notre mission sur terre d’amener notre monde à sa complétude.

Par cela, nous comprenons que lorsque cette parole est utilisée pour diviser et séparer les liens de la socialité, supprimer l’espace commun du dialogue et de l’échange qui fonde toute société, c’est en fait le plus profond de l’homme qui est touché infecté, dirigé par un refus à l’unicité absolue.

Tunique de lumière ou Tunique de serpent

Pour aller plus loin, il faut comprendre que cette faute de Lachon Hara remonte déjà au péché originel de Adam et Hava, et au sinistre discours tenu par le serpent dans le Jardin d’Eden. Suite à cela il est écrit dans la Torah : « Et Hachem-Dieu, fit pour Adam et sa femme, des tuniques de peaux et les vêtit ». Il ne s’agit pas de vêtements supplémentaires sur le corps, mais de la peau humaine elle-même. D’aprés Pirké Dérabi Éliézer, il s’agit de la mue du serpent.

Et le Tikouné Hazohar  explique, qu’avant la faute originelle, le corps d’une personne était plus purifié – et sa partie externe n’était pas la peau mais la lumière – כתנות אור (tunique de lumière). Mais à partir de ce péché, la partie extérieure en nous cache l’intérieur, et même le contredit. Notre lumière est voilée par notre peau. Depuis cette faute, la « mort » est le moyen de se détacher de la peau du serpent pour retourner à la lumière.

L’enveloppe de la peau, canal de communication

Nous sommes tous enveloppés dans un organe frontière de notre environnement : La  peau. Le système cutané est la couche externe de notre corps, à travers laquelle nous entrons en contact avec le monde. Depuis la faute de Adam, cette peau nous enferme dans un égoïsme qui nous empêche de voir l’autre. Le mot עוֹר (‘or) – peau, peut également se lire עִוֵּר (iver) qui signifie l’aveugle, car la peau est la frontière qui a rendu l’homme aveugle et lui empêche l’accès à l’autre et à la spiritualité.

La tache blanche – une lumière réfléchissante

Nous pouvons comprendre à présent la place de la Tsaraat comme réparatrice de cette faute ainsi que sa couleur blanche. La peau blanche rappelle un très haut degré de lumière, révélant une âme cachée. Le système cutané laisse transpercer en lui l’ombre de cet éclat lumineux comme le signal de détresse de la peau qui devient une « lumière réfléchissante », un écho de quelque chose de suprême que l’âme ressent dans un endroit haut et caché.

Nous pouvons comprendre d’après cela, pourquoi la Tsaraat était une « maladie des justes » uniquement. En effet, une personne ordinaire ne reçoit pas les signaux de l’âme, mais s’identifie parfaitement à la « peau du serpent ». Seuls chez les personnes de haut niveau, qui ressentent cette difficulté de l’âme à apparaître dans son intégralité, la peau du corps est touchée

La réparation de cette lèpre

La réparation de cette lèpre était dans une prise de conscience de notre enfermement et notre incapacité de briser notre « peau » pour arriver à voir plus loin que nous même. D’ailleurs Onkelos traduit toujours Tsaraat par Sguirouenfermé. Ceci nous permet de comprendre également le rôle indispensable du Cohen « fils de Aharon »,  dans la détermination d’une Tsaraat ainsi que sa purification et sa guérison. Le rôle d’Aaron en tant que Cohen Gadol (grand prêtre), était « d’aimer la paix et de la rechercher », c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ceux sont les Cohanim qui ont reçu la responsabilité de bénir le peuple « avec amour ».

A nous de choisir si nous voulons nous connecter à notre âme originelle, le Nefesh ‘Haya – נפש חיה, ou bien tomber dans le déterminisme du Serpent, nous condamnant à nous défaire d’une vision unificatrice du monde, et passer notre temps à critiquer et diviser toute espace commun. Permettez juste de dévoiler que la différence numérologique entre נפש – Nefesh (430) et נחש – Nah’ash (358) est : 72, la valeur numérique de Hessed (חסד). Ce chiffre est aussi la somme de l’ensemble des sortes de Tsaraat existantes comme le relève déjà le Maharal de Prague.

About The Author

Ancien élève de la yéchiva de Poniewicz. Auteur de plusieurs brochures, en particulier sur le traité Horayot, l'astronomie et le calendrier juif. Se spécialise sur les sujets de Hochen Michpat. Co-directeur du centre de Dayanout Michné-Tora à Jerusalem.