Que faire lorsqu’on reçoit une livraison avec des produits en plus ?

Que faire lorsqu’on reçoit une livraison avec des produits en plus ?

Question

Jonathan a fait ses courses en ligne sur le site de Rami Levi on line. La commande est bien arrivée, mais avec toutes sortes de produits qui n’avaient pas été commandés. Jonathan le fait remarquer immédiatement au livreur, mais ce dernier lui explique qu’il n’a rien le droit de reprendre et que c’est à Jonathan de contacter Rami Levy pour qu’ils viennent récupérer leurs produits. Jonathan fait alors de nombreuses tentatives pour contacter Rami Levy par téléphone mais sans succès. Il envoie même de nombreux mails comme lui indique le répondeur téléphonique, mais toujours sans retour.

Jonathan veut savoir que doit-il faire de ces articles qui l’encombrent, peut-il les faire sortir en dehors de son appartement, ou même les prendre pour lui ?

Réponse

1. Tout objet qui est arrivé chez nous par erreur sans la connaissance du propriétaire, nous donne le statut de Chomer Avéda (gardien de la perte).

(Il est vrai qu’il existe une discussion entre les décisionnaires si pour cela il faut avoir eu l’intention d’en avoir la responsabilité (voir Ktsot 291;4 et Hazon Ich baba kama 6;6), mais dans notre cas de figure où Jonathan a tenté de contacter Rami Lévi pour rendre les produits, il n’y a pas de doute qu’il soit considéré comme Chomer Avéda).

Il y’a donc une obligation de joindre le propriétaire pour lui faire savoir de l’objet trouvé. Dans cette même occasion nous pouvons lui annoncer que s’il ne vient pas récupérer l’objet dans un délai très court (comme deux jours), on le fera sortir de la maison, et naturellement il sera considéré Hefker à ce moment là. Mais sans que le propriétaire prenne connaissance de sa perte, on n’a aucun droit de prendre possession de l’objet ou de le rendre Hefker.

Ainsi nous trouvons par ailleurs dans le Choul’han Arou’h (319) au sujet d’une personne qui a introduit des objets chez son ami par une ruse, selon la plupart des avis il ne pourra les faire sortir seulement en prévenant le propriétaire. Et même selon l’avis du Rambam d’après la compréhension du Rema (319) qui permet de les faire sortir sans prévenir le propriétaire, cela est dit dans un cas où il n’avait pas le droit de les faire rentrer contrairement à notre cas (voir Pithei Hochen Pikadon 7;6 et  Igrot Moché 2;56).

2. Cependant dans notre cas, où Jonathan a tenté de nombreuses fois de joindre Rami levy qui n’a pas prit soin de répondre à ces appels, cela nous amène à penser qu’il s’agit ici d’un Yeouch (abandon) de la part de Rami Levy.

Toutefois, cela ne suffit pas, car il faut savoir qu’un Yeouch ne nous donne pas droit à l’objet dans la mesure où il a eu lieu seulement après que l’objet soit arrivé entre nos mains, ou dans les termes du talmud (baba metsia 21b): “beissoura ata leyade”. La raison à cela est qu’à partir du moment où l’objet est en notre possession, nous sommes considérés comme étant son gardien pour le propriétaire, ce qui empêche la réalisation du Yeouch, comme l’explique le Ramban (baba metsia 26b)

3. Néanmoins, on pourrait peut-être faire appel au principe de Avéda Midaat (perte volontaire) cité dans le Choul’han Arou’h (261), car Rami Levy n’a pas ressenti le besoin de répondre aux téléphones ni aux mails de la part de Jonathan, cela en sachant qu’il peut y avoir des erreurs à tout moment, surtout en cette période de coronavirus où les livraisons sont nombreuses. Il s’agirait donc d’un abandon volontaire par manque d’intérêt, et pas seulement d’un Yeouch qui est un abandon par manque de connaissance sur le lieu de l’objet.

Cette notion dépasse le principe du Yéouch au point où selon le Tour, l’objet en question est considéré comme Hefker. Et même si le Rambam s’oppose à cela, il admet tout de même qu’une fois que l’objet se trouve entre nos mains, il n’y a pas d’obligation de le rendre. Il est important de préciser que ce principe est valable même si l’objet était en notre possession avant même qu’il soit devenu Avéda Midaat contrairement au Yeouch, comme stipule le Ktsot (261;1).

Mais concrètement il est difficile de se contenter de cet argument. Il serait plus logique de penser que temps que Rami Levy n’a appris la présence de ces produits chez vous, on ne peut parler d’abandon volontaire. Bien qu’ils ne répondent pas aux téléphone et aux mails, on ne peut certifier qu’ils ont abandonnés leurs produits, ils sont peut être simplement mal organisés ou débordés, et donc l’argument précitée reste une hypothèse.   

Conclusion

Il est donc interdit à Jonathan de faire sortir la marchandise sans que le propriétaire soit prévenu. Jonathan doit donc réessayer de joindre le magasin. Toutefois, il peut les prévenir que s’ils ne viennent pas récupérer la marchandise dans un très court délai, il la ferez sortir de chez lui. S’ils ne viennent pas la reprendre, Jonathan pourra se l’approprier.

Mais tant qu’il n’arrive pas à les joindre, il ne pourra pas la faire sortir ni la rendre Hefker.

Si les produits sont encombrant pour Jonathan, il peut les consommer où les vendre, à condition de rembourser leur valeur à Rami Levy. Et dans le cas où les produits risquent de s’abimer, c’est même est un devoir.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.