Parachat Yitro – “Je suis Hachem Ton D.ieu”

Parachat Yitro – “Je suis Hachem Ton D.ieu”

Nous vivons depuis près d’un siècle, une période de développements extraordinaires : des découvertes inouïes en physique, des avancées considérables dans le monde de la médecine, des progrès technologiques phénoménaux.

Ce qui nécessitait cent ans de recherches et de tâtonnements durant la période près-moderne, se réalise aujourd’hui en quelques années, voire quelques mois.

Le Hafets Haïm (1838-1933) disait que depuis la première guerre mondiale le temps se précipite, tel une machine qui s’emballe ou encore à l’image d’un accouchement, qui, après plusieurs heures d’attente, l’extraction se fait subitement.

Comment rester fidèle à nos traditions millénaires face à ce développement postmoderne ? Comment inculquer à nos enfants la Croyance et la Foi en notre D.ieu unique, Celui qui nous a sortis d’Egypte, alors que nous vivons dans une génération laïque, voire athée ? Comment diriger nos yeux, et les yeux de nos enfants, vers le Ciel, lorsque ceux là sont plutôt rivés vers les Ipad, Iphone et autres écrans modernes ?

אָנֹכִי ה’ אֱלֹהֶיךָ, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם מִבֵּית עֲבָדִים

« Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’a fait sortir d’Egypte… »

Chemot 20, 2

Voici le premier des dix commandements. La première des six cent treize mitsvoth, telles que le Rambam les décompte.

Mais si les Dix Paroles, ainsi que les mitsvoth en général, sont données à l’homme sous la forme d’un ordre, nous pouvons nous étonner sur ce premier commandement. En effet, celui-ci n’est pas présenté comme un ordre et une injonction, mais plutôt comme un fait établi, comme une réalité. On se serait davantage attendu à ce que cette mitsva soit écrite à l’image de la célèbre phrase: 

שְׁמַע יִשְׂרָאֵל: ה אֱלֹהֵינוּ, ה אֶחָד

Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est un.

Dès lors, nous questionnons : Quel est notre devoir, notre mitsva, face à cette réalité affirmée ?

תּוֹרָה צִוָּה-לָנוּ, מֹשֶׁה: מוֹרָשָׁה, קְהִלַּת יַעֲקֹב

« la Thora, Moché, nous l’a ordonnée… »

Devarim. 33, 4

La Guemara Macot dénombre la valeur numérique du mot Thora תּוֹרָה. En trouvant le chiffre de 611, elle avancera que Moché nous a transmis 611 des 613 Mitsvoth.

Car les deux premiers commandements nous ont été transmis de la ״bouche ״ de D.ieu directement. Il n’y avait pas d’intermédiaire entre D.ieu et le Klal Israël lors de ces deux Paroles.

Ces deux mitsvoth sont donc différentes des autres : l’origine « céleste » de ces commandements a dû obligatoirement laisser des traces au sein du peuple d’Israël et de nous- mêmes. Car, même si D.ieu s’est révélé au peuple à une période précise de l’Histoire, il n’empêche, que cette Révélation a  forcément engagé les générations à venir. Le Midrach rajoutera que toutes les âmes qui allaient naitre au sein du peuple se trouvaient présente lors de ce moment historique.

Quel est donc le rapport particulier que nous avons face à ces deux mitsvoth ? Quelle est cette trace qui a été déposée et imprimée chez le Ben Israël par cette intervention extraordinaire du Créateur ?

Après que les Bnei Israël aient reçu les deux premières Dibéroth de la ״bouche״  de D.ieu, ils s’adressèrent à Moché. Ils lui demandèrent d’intervenir en leur faveur auprès d’Hachem afin que le reste de la Thora leur soit transmis par Moché lui-même et non plus directement par D.ieu.

Moché leur répond :

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-הָעָם, אַל-תִּירָאוּ, כִּי לְבַעֲבוּר נַסּוֹת אֶתְכֶם, בָּא הָאֱלֹהִים; וּבַעֲבוּר, תִּהְיֶה יִרְאָתוֹ עַל-פְּנֵיכֶם-לְבִלְתִּי תֶחֱטָאוּ

 « N’ayez pas peur, car c’est pour vous élever que D.ieu est apparu à vous, et afin que la Crainte Divine s’imprègne sur vous pour vous empêcher de fauter  ».

Chemot. 20, 17

 L’intérêt de l’intervention divine fut d’imprimer chez le juif la Crainte Divine. Celui-ci se distinguera par cet élément naturel qui résidera désormais en lui. Cette voix du Sinaï qui résonne depuis les profondeurs de son être : Je suis l’Eternel ton D.ieu. La Croyance est donc naturelle chez le Juif. Aucune recherche n’est nécessaire, aucune réflexion ne favorisera la Emouna Pechouta. Car cette dernière est présente chez le juif depuis la Révélation. Une émanation naturelle s’échappe de lui en criant : Je suis l’Eternel ton D.ieu. En cela, le juif est fondamentalement différent du non-juif, car cette voix n’est présente que pour celui qui a reçu les Tables de la Loi. Le non-juif, lui, devra rechercher la présence de D.ieu, au moyen d’un travail sincère et persévérant. D.ieu critiquera les nations par l’expression Lou hahmou yaskilo s’ils avaient réfléchi, ils auraient compris (Deut. 32,28).

C’est en cela que l’on comprendra l’argument de Moché : “N’ayez pas peur, car c’est pour vous élever que D.ieu est apparu à vous” et Rachi rajoute : “de vous élever de parmi les peuples“.

Depuis la naissance, le juif vit avec cette Emouna. Notre devoir et notre mitsva sera de ne pas étouffer cette voix divine, de lui laisser sa liberté d’expression.

Rav Elhanan Wasserman ז׳ל fut assassiné par les nazis. Les quelques minutes qui ont précédé la fusillade lui ont permis d’enseigner à sa communauté comment un Juif peut croire en D.ieu malgré la souffrance et la barbarie nazie.

Ce même maître avait écrit quelques années auparavant, que le juif est croyant de par son essence. Ses passions sont, elles, les responsables de l’abandon de la Foi, et du cheminement vers l’athéisme.

Savoir dominer ses passions, savoir rompre avec les activités folles du quotidien, c’est se permettre d’écouter la voix qui s’échappe de nous. Apprendre à nos enfants que le dynamisme est, certes, positif mais, aussi, que l’arrêt des activités est vital. Lui apprendre que le repos du Chabbath est bénéfique à nous tous, dans le sens où il nous permet de nous écouter et de réfléchir sur la semaine chargée qui vient de passer.

Car ce n’est qu’en stoppant notre course que l’on permettra à cette vapeur naturelle de s’échapper. Cette vapeur qui crie depuis le Sinaï : Je suis l’Eternel ton D.