Cette année, Roch Hachana prend une signification toute particulière.
Après la période tellement instable que nous avons traversé cette année, une période où le sol a glissé sous nos pieds, provoquant parfois en nous une perte de stabilité et de contrôle, on ne pourra s’empêcher de prendre conscience et réaliser l’ampleur du Jugement Céleste en ce jour de Roch Hachana. Il semble que personne ne puisse cette année rester indifférent en prononçant les mots si percutants du passage Ounetané Tokef: « qui vivra et qui mourra ? qui dans la peste et qui dans l’étouffement…? », des mots qui résonneront cette année vigoureusement dans l’étendue de notre monde.
Cette année, au cours de laquelle le monde entier s’est arrêté et où toute la technologie a montré l’étendue de son impuissance devant une minuscule créature qui contrôlait tout, le monde a commencé à réaliser la nullité de l’homme face à son créateur. C’est une formidable opportunité pour nous d’aborder cette grande et redoutable journée avec un sentiment honnête d’humilité – « comme des pauvres et des miséreux nous avons frappé à ta porte ».
Le Chofar viendrait-il nous démasquer ?
Durant cette période, nous nous sommes tous habitués à porter des masques. Cela peut être vu comme une indication que nous vivons à une époque de «Hester-Panim» (providence divine cachée pour la perception humaine). Or l’essence même du travail de Rosh Hachana, centralisé par l’action du Chofar, consiste en le fait de révéler le visage d’Hachem, tel que le proclame David Hamelekh dans le passage que nous lisons durant cette période (29; 7): « Ecoute, Seigneur, ma voix qui t’appelle… c’est ta face que je recherche ».
En effet, la vertu du Chofar est de retirer le masque qui cache cette lumière divine, et ainsi, révéler le visage de Dieu. C’est ce qui ressort explicitement du verset dans les Psaumes (89; 16) Heureux le peuple, connaissant le cor de victoire, cheminant, Éternel, à la lumière de ta face. Par ce dévoilement nous sortirons victorieux du jugement, et de cela dépendra toutes nos délivrances, comme on peut lire dans les Psaumes (80; 20)« Fais briller ta face, et nous serons sauvés ».
Sur ce verset qui place le peuple d’Israël comme “connaisseur” des sons de victoire, le Midrach s’interroge de la manière suivante:
Et les nations du monde ne savent-elles pas souffler? Combien de cornes, de clairons et de trompettes possèdent-elles et vous dites: “Heureux le peuple qui connait les chants de victoire?
Et le Midrach répond:
C’est plutôt que les enfants d’Israël savent séduire leur Créateur avec le son du Chofar, l’entraînant à se lever de Son Trône de jugement pour se déplacer vers son Trône de miséricorde.
Reste à savoir comment arrivons-nous à provoquer ce “rayonnement du visage” à partir d’une simple corne plutôt sauvage ? Plus encore il nous incombe de comprendre comment dans une année comme la nôtre, où Rosh Hachana tombe Chabbat, nous atteignons ce même niveau de révélation sans faire recourt à cet instrument, conçu particulièrement pour cela?
Révéler son propre visage pour se tenir en face à face avec Hachem
Il semble que l’on puisse affirmer, qu’afin de révéler et d’éclairer le “visage” du Créateur, il nous faut d’abord découvrir et nous connecter à notre propre visage. De cette façon, nous pourrons diriger notre visage face à celui d’Hachem, comme deux amis qui se tournent l’un vers l’autre avec amour, tel qu’il ait dit au sujet de Moché Rabeinou (chemot 33; 11): « l’Éternel s’entretenait avec Moché face à face, comme un homme s’entretient avec un autre ».
Le visage est une création unique et inégalable. Au-delà du fait qu’il est fait de chair et de peau comme tous les autres organes, il est surtout le lieu d’expression de l’intériorité de l’homme.
Les hommes s’identifient et se distinguent les uns des autres par leurs visages. Depuis la création du premier homme jusqu’à la fin de toutes les générations, il n’aura jamais existé deux personnes qui soient complètement identiques en leur visage.
Dans chaque visage, l’unicité de la personne se reflète. C’est pourquoi la notion de Kavod (dignité) est toujours rattachée au visage. On peut remarquer cela au sujet de l’injonction: «Honore la face du vieillard» (vaykra 19; 32). C’est aussi le sens du mot «nésso panim» (haussé du visage), qui signifie une personne importante et respectée.
L’explication en est, d’après le Ram’hal (daat tévounot), que le lieu où se manifeste la fusion entre l’âme et le corps, est la splendeur du visage. C’est là que se révèle la connexion entre la réalité intérieure de ce monde et celle d’un monde dévoilé, extérieur et superficielle.
La volonté profonde de l’homme – issue de son âme
La volonté profonde de tout homme est entièrement pur et authentique, car elle provient de son l’âme. Pourtant, la plupart du temps, ce dernier est incapable de se connecter à celle-ci, mais se laisse plutôt emporté dans un monde imaginaire et faux. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer le pouvoir du marketing dans le monde du shopping, ou le pouvoir des médias et son influence sur les votes. Cela peut aussi être comparé à deux petits frères qui se disputent tout le temps, et sont sûrs qu’ils se détestent. En fait, leurs querelles ne révèlent en rien sur leur attachement. La preuve en est que lorsque l’un d’eux est en danger, l’amour infini de l’un sur l’autre sera soudainement révélé. L’homme a été créé dans un monde entièrement fait de corps et de matière, des substances transitoires qui forment un masque sur la vérité intérieure. Quiconque parvient à briser les masques, rencontrera immédiatement la vérité simple et directe.
C’est là que réside le secret du Chofar. Il ne s’agit pas d’un instrument de musique permettant de réaliser de jolis sons, mais d’une corne brut et primitive dans laquelle nous faisons que souffler. Ce souffle-là, qui vient de notre créateur qui a lui-même insufflé en nous notre pame, représente l’essence même de la vie, et symbolise la volonté première de l’homme, propre et inaltérée. Un mort est appelé Halal (creux) car il a été vidé de son souffle.
Le Chofar révèle notre vrai visage
C’est justement la simplicité du Chofar, son côté naturel et primitif, qui lui donne tout son pouvoir. Il permet de retrouver ce premier instant qui est en l’homme, avant même toutes ses transformations et ses confections. Il vient transpercer toutes les carapaces que l’on s’est forgé au fil du temps, pour atteindre et toucher directement le niveau le plus archaïque et profond de notre être.
C’est en cela que se révèle le Visage humain, représentant l’unicité de chacun, sa volonté et sa dignité. Nous pouvons alors être en face à face avec le créateur, et par conséquent, bénéficier de toutes les délivrances.
Mais alors Chabat, sans Chofar, comment s’en sortir?
Le visage du Chabat
D’après ce qui a été dit, il semble que nous puissions expliquer cela assez simplement.
Concernant le verset : « Dieu bénit le septième jour et le proclama saint » (berechit 2; 3), Nos sages ont affirmé qu’Hachem a bénit le Chabat de la lumière de son visage. Et ils ont ajouté à cela, que la lueur du visage d’une personne en semaine n’est pas similaire à la lumière de son visage le Chabbat, à tel point que même d’un point de vue halakhique, le Choul’han Arou’kh tranche qu’il n’est pas nécessaire d’avoir la présence de Panim-Hadachot (nouveau visage) lors d’un Chéva-Béra’chot – les sept bénédictions des mariés, car le jour de Chabat, chaque personne est dotée d’un nouveau visage, particulièrement rayonnant.
Comme nous le savons, le jour de Chabat, chaque personne reçoit un supplément d’âme. Parce que ce jour est un avant-goût du monde à venir, un monde qui est vérité, un monde sans écrans et masques. C’est pourquoi en ce jour, le visage humain, lieu de connexion entre le corps et l’âme, change et brille singulièrement.
Effectivement, comme nous le savons, le jour de Chabat, chaque personne reçoit un supplément d’âme. Chabat est un avant-goût du monde à venir, un monde qui est vérité, un monde sans écrans et masques. C’est pourquoi en ce jour, le visage humain, lieu de connexion entre le corps et l’âme, change et brille singulièrement. Nous pouvons comprendre à partir de là comment le jour de Chabat contient en lui cette même capacité que celle du Chofar, de révéler un tant soit peu la dimension d’un visage qui rayonne, et de nous faire goûter à un monde sans masques.
Pour conclure…
Efforçons-nous en ce jour de Chabat Roch Hachana, ôtons nos masques, et exprimons du fond du cœur la prière que nous prononçons chaque jour dans Sim Chalom: « Notre Père, bénis nous tous pareillement, à la lumière de ton visage ».
Chana Tova, Ketiva Véhatima Tova!!