La bataille des Rois
Dans notre Paracha, la première guerre du monde apparaît. Cette guerre a eu lieu dans l’État de Canaan , qui se trouve dans la région actuelle de la Mer Morte, au Proche-Orient. Elle est également connue sous le nom de “La Guerre des Quatre Rois de l’Est contre les Cinq Rois de la Vallée du Jourdain”. C’est une bataille qui a opposé ces deux groupes de rois pour le contrôle de la région.
La Torah relate les événements de cette guerre et fournit un récit assez détaillé sur l’identité de ces rois. Elle raconte que quatre rois de la région de Mésopotamie, dirigés par Kedorlaomer, formèrent une alliance et menèrent la guerre contre cinq rois de Canaan, avec le roi de Sodome à leur tête. Leur objectif était de réprimer une rébellion de treize ans initiée par ces rois cananéens. Au cours de la bataille, malgré leur infériorité numérique, les quatre rois sont finalement sortis victorieux et ont même réussi à capturer Lot, le neveu d’Abraham, ainsi que ses biens.
Mais finalement, quelle est l’intention ou le but sous-jacent de cette structure narrative ? Les commentateurs (radak et autres) expliquent qu’au-delà de la simple documentation historique, ce long récit nous offre un aperçu de l’immense pouvoir exercé par ces quatre rois, et cela prépare le terrain pour la remarquable deuxième partie de l’histoire.
Dans cette deuxième partie, nous pourrons alors observer l’ampleur de la force et du courage d’Abraham. Ainsi, la narration de cette guerre met en contraste la puissance des rois et la détermination d’Abraham à protéger sa famille et à faire ce qui est juste.
En apprenant la capture de Lot, Avraham, faisant preuve d’un courage et d’une foi immenses, rassembla une petite armée composée de 318 de ses propres hommes. Contre toute attente, il poursuivit les quatre puissants rois, et dans une tournure remarquable des événements, Avraham remporta une victoire éclatante, sauvant Lot de la captivité. Ce triomphe contre les redoutables « géants » de la guerre propulsa la réputation et la renommée d’Abraham à travers le monde. Sa justice et sa confiance inébranlable en Dieu, associées à sa volonté de défendre et de protéger ses proches, sont devenues largement connues.
Ce récit nous enseigne que même face à des forces apparemment écrasantes, il est possible de faire preuve de courage et de résister.
Pourquoi défier les dangers ?
Néanmoins, il est important pour nous d’approfondir et de comprendre les motivations qui ont poussé Avraham, notre père, à prendre un risque aussi énorme en s’engageant dans une guerre contre quatre rois puissants. Il est même allé jusqu’à impliquer 318 de ses propres proches dans cette entreprise risquée.
Même s’il est vrai qu’Avraham a entrepris cette mission pour sauver son neveu, comme le décrit la Torah, nous devons nous interroger sur la raison pour laquelle il a mis en danger la vie de centaines de personnes pour sauver un seul individu.
Par ailleurs, il convient de noter que son neveu n’était pas nécessairement un « Juste » méritant l’intervention divine. Bien qu’il soit conscient de l’injustice et des transgressions commises par les habitants de Sodome, Lot, le neveu d’Avraham, a choisi de résider parmi eux (Genèse 13).
La véritable cible
Il semble que la réponse à ces questions soit implicite dans la manière dont la Torah ouvre cette paracha : ‘Ce fut au temps d’Amraphel’. Ce roi ‘amraphhel’ est identifié dans le Talmud (‘Erouvin 53a) comme étant Nimrod, qui fit chuter (Hipil, racine identique) Abram dans la fournaise ardente. Ce même Nimrod, l’investigateur de la Tour de Babel et de sa guerre contre D.ieu, le précurseur de la rébellion de l’humanité contre son Créateur, fut le fomentateur de cette Guerre. Des décennies après l’effondrement de sa tour et de son projet, Nimrod se lance dans une ruse ayant comme but de vaincre et de neutraliser le diffuseur du monothéisme, cet homme qui prit comme mission de propager l’Unité de D.ieu et de ramener les âmes à leur source première.
Bien qu’Amraphel ait échoué dans sa tentative de monter au ciel et de combattre Dieu, il a quand même trouvé un moyen de propager un autre type d’hérésie. Il affirme que même si Dieu réside au ciel, il ne prête pas attention ni ne surveille les actions de l’humanité ici sur terre. Poursuivant cette idée, Nimrod envisage de déclencher une guerre régionale avec l’intention de capturer un homme nommé « Lot » et de le faire prisonnier.
Cependant, Nimrod est conscient qu’il serait hors de question de nuire à Avraham lui-même, car ses bénédictions et son succès sont devenus évidents pour les nations, les dissuadant de tenter de le tuer par la guerre. Le Zohar Hakadoch explique que sa stratégie principale consiste à capturer Lot, qui ressemble de façon frappante à notre père Avraham, tant par son apparence que par son caractère. En exploitant cette similitude, Nimrod vise à propager des idées hérétiques, rendant de plus en plus difficile pour le monde de faire la différence entre Lot et Abraham.
Il semble que l’on puisse, à partir de là, comprendre La motivation d’Avraham à se lancer dans cette guerre apparemment suicidaire. En apprenant la capture de Lot, il comprend aussitôt que cette bataille n’était pas seulement un simple conflit régionale, mais une manière d’annuler son influence dans le monde, et de remettre en cause sa croyance en un D.ieu activement impliqué dans les affaires de l’humanité. Cette prise de conscience pousse Avraham à adopter son but dans la vie et à relever le défi, et, sans hésiter un instant, il sort en guerre contre l’impossible. Il prouve ainsi au monde entier à quel point D.ieu veille sur lui, transforme la poussière d’Abraham en armes, telles que des flèches et des catapultes (midrach), pour vaincre les adversaires de son Fils bien-aimé.
Maître du ciel et de la terre
Nous pourrons comprendre à partir de cela, l’annonce inattendue d’un personnage mystérieux, qui fit apparition à la fin de la guerre, venant même interrompre le dialogue de négociation entre Avraham et le roi de Sodome. Malkitsedek, Roi de Chalem (Jerusalem), apporte du pain et du vin et bénit Abram en ces mots : « Je lève la main devant l’Éternel, qui est le Dieu suprême, auteur des cieux et de la terre ». cette formule particulière « auteur des cieux et de la terre » reprise d’ailleurs pas avraham même, était un message au monde. Ce trait d’union entre le ciel et la terre, le spirituel et le matériel, fut établi par Abraham. Par son travail, il révéla au monde l’influence constante du Créateur sur Ses Créatures.
Le monde entier d’un côté et lui de l’autre
Dans notre Paracha, notra patriarche Avraham est nommé « Ha’ivri » (l’hébreu). Le mot « ivry » dérive de la racine hébraïque signifiant « être de l’autre côté, Nos Sages expliquent que ce nom signifie la capacité unique d’Avraham à se démarquer du reste du monde et à aller à l’encontre des normes et croyances dominantes – « le monde entier se tenait d’un côté et lui de l’autre ». Tel doit être la définition de tout Juif, capable d’aller à contre-courant de l’opinion universelle.
Mais il reste intéressant de constater que ce nom lui est donné dans cet épisode de Guerre, précisément au moment où on lui annonce que son neveu est pris en captivité. Comment appréhender cela ?
En fait, Avraham avait à ce moment-là toutes les raisons d’éviter la guerre avec les quatre rois, même si Lot, son neveu, fut kidnappé et emmené captif.
Il aurait pu se dire : Après tout, Lot a choisi de vivre dans la ville des péchés, Sodome, et pourquoi devrais-je risquer une guerre pour le sauver ?!
Abraham pouvait également douter de ses chances de succès dans cette tâche. Après tout, il s’agit d’une guerre contre une puissante coalition de quatre rois héroïques qui en ont vaincu cinq, alors que lui et ses hommes étaient très peu nombreux et n’étaient pas des guerriers entraînés et expérimentés.
Mais ce qu’Avraham craignait surtout, c’était que tous ses efforts pour faire connaître le nom de D.ieu au monde entier ne soient vains. Ses adversaires pourraient le calomnier au motif qu’il est prêt à mettre ses hommes en danger et qu’il est également prêt à tuer toutes sortes de civils innocents, ceci afin de sauver l’un des membres de sa famille. N’est-ce pas là une forme de chauvinisme ou de suprématie, dépourvue de toute vision universelle ? Toute personne « raisonnable » lui aurait conseillé de rester chez lui, pour ne pas perdre l’œuvre de sa vie.
Malgré cela, Avraham n’hésite pas. Il met de côté tous les doutes et toutes les appréhensions, et se lance immédiatement au combat et revint victorieux.
Avraham nous enseigne ici un message fondamental : Nous ne sommes pas toujours tenus d’agir selon une logique pure. Parfois nous devons être prêts à payer un prix personnel afin d’établir et de maintenir le bien dans le monde. Pour reprendre les mots du Malbim :
« L’homme que l’Esprit de Dieu couvrira se revêtira d’un esprit de conseil et de vaillance jusqu’à ce qu’il se tienne parfois contre un grand camp et se revêtira de courage et de bravoure sans crainte, et comme ce fut le cas de Yonathan, fils de Chaoul, qui à lui seul, il vainquit le camp des Pélichtim ».
Malbim
Le bouclier D’Avraham
Après la victoire miraculeuse, nous constatons qu’Avraham ressentait de la peur, jusqu’à ce qu’Hachem doive lui dire : « Ne crains point, Avram, je suis un bouclier pour toi ». Finalement, Il n’avait rien sur quoi s’appuyer dans ses décisions, ni Torah, ni même de tradition, et pas non plus de déclaration prophétique directe. En réponse à cette situation, Dieu lui dit : « Je te protégerai ». Le protecteur d’Abraham est pour celui qui n’a personne sur qui s’appuyer si ce n’est son Père céleste. Lorsqu’une personne sent qu’il n’y a aucune source qui puisse la soutenir, qu’elle n’a rien dans son monde sur lequel elle puisse s’appuyer et de laquelle elle peut espérer un soutien, elle a besoin du “Magen Avraham” pour la sauver.
Dans le livre des Chroniques (divrei hayamim 2 ; 20), il est conté que le roi Yéochafat appela ses hommes avant qu’ils n’entrent en guerre et les fortifia avec ces paroles: « Ecoutez-moi, yéhouda et habitants de Jérusalem ! Ayez foi en l’Eternel, et votre confiance sera justifiée; croyez-en ses prophètes, et vous triompherez. Et dans les versets suivants, il est dit que « Tandis qu’ils entonnaient cantiques et louanges, l’Eternel suscita des embûches contre les gens d’Ammon, de Moab et du mont Séïr, venus contre Yéhouda, et ils furent battus ». Tel est le véritable protecteur du peuple d’Israël.
Pour conclure
Il y a cinquante ans, la guerre du Kippour s’élevait telle une sombre tempête, emportant avec elle notre espoir et notre quiétude. Dans l’abîme de l’effondrement militaire, nos soldats étaient pris au piège, victimes de meurtres et de captures impitoyables.
Mais alors que les ténèbres menaçaient de tout submerger, une force transcendante se manifesta, comme un éclair de lumière dans l’obscurité. Ce fut une intervention directe du Créateur du monde, répondant à notre humble réalisation que nous n’avions nulle autre protection sur laquelle compter.
Aujourd’hui, nous nous trouvons face à de nouveaux défis. Nous nous sommes encore partis d’un point de départ terrible, marqué par l’effondrement, la détresse et l’incertitude. Mais en puisant dans l’enseignement ancestral d’Avraham, notre père fondateur, en invoquant le nom du Dieu unique et en embrassant les valeurs du ‘Hessed, la bienveillance infinie, nous sommes destinés à connaître une délivrance sans pareille. Une grande lumière dissipera les ténèbres, et nos ennemis, dressés contre nous, seront vaincus. Alors, le verset prophétique s’accomplira : « Hachem délivrera ses rachetés ; ils rentreront à Sion avec des chants de triomphe » (Esaie 51). Que ces paroles puissent insuffler en nous courage et espérance dans les jours à venir.