« Il l’a conduite dans la tente de sa mère Sarah »
Notre Paracha cette semaine s’ouvre sur le récit de la mort de Sarah iménou, et se poursuit par la description des efforts déployés par Avraham avinou pour trouver une épouse à Ytshak. Au terme de cette section, un verset très spécifique apparaît, qui établit un lien entre l’histoire de la mort de Sarah et le récit du « chiddoukh » de Ytshak : « Ytshak l’emmena (Rivka) vers la tente de sa mère, il en fit son épouse, il l’aima, et Ytshak se consola ainsi de sa mère » (Bérechit 23; 67)
Il ressort de ce verset que Ytshak emmena Rivka en direction de la tente avant même qu’elle ne soit son épouse. Il semblerait donc que cette entrée dans la tente n’avait pas pour intention le mariage. C’était plutôt un test que Ytshak faisait passer à sa fiancée, dont le but était de savoir si la jeune fille convenait à une tente de ce niveau, et de voir est-ce que les miracles qui s’y produisaient du temps de Sarah iménou allaient également se perpétuer avec elle. C’est aussi ce que laisse sous-entendre le verset qui dit littéralement : ‘Il l’emmena… dans la tente, Sarah sa mère’. Cette formulation n’est pas très explicite, il aurait dû y avoir écrit : ‘dans la tente de Sarah sa mère’. En fait, cela signifie que lorsqu’il conduit Rivka dans la tente, Ytshak ressentit que la présence de sa mère continuait. C’est alors seulement que Ytshak prit Rivka pour épouse.
Cette idée émane des fameux propos du midrach rapportés par Rachi : « Tant que Sarah était vivante, il y avait une lampe qui brûlait de la veille de chabbat à la veille du chabbat suivant, et il y avait une bénédiction dans la pâte, et un nuage planait sur la tente. Lorsqu’elle mourut, tous ces signes disparurent, et quand Rivka arriva, ils réapparurent » (Yalkout Chimoni Béréchit 24). Le midrach ajoute même une quatrième chose : « Tant que Sarah était vivante, les portes étaient ouvertes largement etc ». (Le Maharal dans son livre gour-arié s’est interrogé pour quelle raison Rachi ne rapporte-t-il pas ce signe).
Néanmoins, il est intéressant de chercher à comprendre:
pourquoi Ytshak cherchait des preuves supplémentaires concernant le niveau spirituel de Rivka, après que le fidèle serviteur de son père ait été nommé à cette fin, et ait d’ailleurs accompli fidèlement sa mission ?
Même le « test » de Ytshak ne semble pas très logique. Le niveau attendu chez cette petite fille, pour être comparée à Sarah iménou, ne paraît pas très juste. En réalité, Sarah avait atteint une telle stature dans sa vieillesse, après toute une vie de bonnes actions, à un moment où même sa prophétie surpassa celle de Avraham avinou (Rachi 21; 12). Comment donc une petite fille issue de Haran, d’une maison d’idolâtres, pourrait-elle espérer rivaliser avec un niveau comme celui de Sarah iménou ?!
La tente de Sarah, support de la tente d’Avraham
En réalité, il semble que ces miracles qui apparaissaient du vivant de Sarah, ne témoignaient pas de ses qualités personnelles. Quant à celles de Rivka, Yitzchak en avait déjà reçu une description détaillée de la part de Eliezer. Ces signes venaient plutôt exprimer la perfection de Sarah dans sa tâche, celle d’aider et soutenir Avraham dans la réalisation de son objectif ultime de diffuser la Emouna. La tente de Sarah ne constitue pas le symbole de sa tente personnelle, elle est la représentation de « la tente » du Peuple Juif.
Dans cet esprit, le Maharal (Gour Arié) affirme que ces quatre points qui révèlent le niveau de notre matriarche Sarah, venaient en contrepartie des quatre bénédictions octroyées par HKBH à Avraham au début de son parcours, lorsqu’il quitta Haran pour gagner Erets Israel.
« Je ferai de toi une grande nation » correspond au nuage au dessus de la tente, qui exprimait la façon dont Hachem avait placé son nom sur lui. « Je te bénirai » est à mettre en rapport avec la bénédiction qui se trouvait dans la pâte. « Je grandirai ton nom » se retrouve à travers les portes qui étaient largement ouvertes et par lesquelles son nom et son influence se diffusaient dans le monde entier. « Tu seras une bénédiction » – se relie à la lampe qui brûlait en permanence, car celui qui constitue lui-même une brakha est en mesure de bénir les autres sans rien perdre de son propre potentiel.
L’explication à cela est la suivante : le rôle de la tente de Sarah était d’être source de brakha pour Avraham. Sarah représentait ce potentiel à travers lequel Avraham pouvait propager sa Emouna en Hachem et être une lumière pour les nations – ce qui constitue en soi tout le sujet de la « brakha ». C’est pourquoi, Avraham planta d’abord la tente de Sarah puis ensuite seulement la sienne, ainsi que l’expliquent nos Sages dans la paracha précédente. Même s’ils s’occupaient ensemble de convertir les gens et de les faire entrer sous les ailes de la Chekhina, Avraham planta avant tout la tente de sa femme, car elle était son vrai gage de l’accomplissement de son rôle dans le monde.
En effet, l’épouse d’un homme est la source de sa brakha, et c’est par son seul intermédiaire que peut s’exprimer le potentiel du mari. Nos Sages nous ont dévoilé (Baba Métsia 59a) : « La brakha ne se trouve dans la maison de l’homme que par le mérite de sa femme ». Ils disent également (Yébamot 62b) : « Celui qui reste sans épouse se prive de brakha ».
Il nous est désormais permis de comprendre le sujet des trois miracles qui se produisaient dans la tente de Sarah.
La femme et les trois dimensions de la maison
La brakha est en rapport avec la « maison », or la responsabilité de la maison revient à la femme qui est également appelée la « maison » de l’homme. Une maison est composée de trois choses essentielles : une chaise, une table, une lampe. C’est ce qui est dit au sujet de Elicha ‘Faisons une petite chambre et plaçons-y un lit, une table et une ménorah’ (Melakhim II 4; 10). C’est ce qui explique que les trois miracles de Sarah iménou portaient sur ces trois canaux.
De même en va-t-il de la résidence privée de HKBH, le Michkan, édifié à partir des trois éléments spécifiques : le Aron, la Ménorah et le Choulkhan (le Mizbéa’h ne fait pas partie de ce groupe, c’est pourquoi il ne figure pas en même temps avec eux dans la Thora, cf. Even Ezra dans chémot 25; 21). Pour cette raison, nous retrouvons à cet endroit précisément ces mêmes trois miracles que ceux de la tente de Sarah, comme le relève le Chem Michmouel.
La lampe occidentale de la Ménorah ne s’éteignait jamais, ainsi que décrit dans le Talmud (Yoma 39a). Idem, pour les pains de proposition qui restaient chauds et frais de Chabbat en Chabbat sur le Choulkhan ‘comme le jour où il avait été fait’. Quant au dévoilement de la Chékhina, il se révélait à travers ‘le nuage couvrait la Tente d’Assignation’ (Chémot 40; 34).
La brakha – Une irruption de la vie éternelle dans un monde physique
Les miracles de la lumière qui ne s’éteint pas et du pain qui ne rassit pas ne constituaient pas de simples prodiges, ils venaient dévoiler une dimension divine d’éternité. A contrario des lois de la nature immuables, telles un corps mort sans possibilité de se régénérer, la résidence de la Chékhina révèle, quant à elle, la force de vie qui jaillit et se développe. En cela, tient le secret de la brakha, qui dévoile la facette divine qui se déverse sans compter.
Les trois mitsvot de la femme – trois conduits pour restaurer notre vie originelle
La faute originelle de Adam et Hava entraîna la mort et l’impureté sur l’humanité. La clé de ce dommage se trouva dans la main de la femme, ainsi, son rôle réparateur est de ramener l’homme et le monde vers la perfection de leur statut, avant la faute.
Par la force des trois mitsvot qui ont spécifiquement été donnés à la femme : le prélèvement de la Halla, le respect des lois de Nida, l’allumage des Nérot, celle-ci injecte une vie d’éternité à ses résidents. De cette façon, elle renverse le décret de mort que Hava engendra.
Par la mitsva de Tahara – de purification – la femme dévoile le potentiel-même de vie. De cette manière, elle surpasse les forces de la mort et de l’opacité qui règnent sur terre, elle fait descendre sur le monde une force de développement de vie de kédoucha. En se purifiant pour son mari, elle prépare un contenant apte à attirer la lumière de la néchama depuis l’endroit élevé des mondes supérieurs.
Par la mitsva de Halla – la femme soutient cette force qui nourrit la personne. La nourriture est une chose dont dépend la fusion entre la néchama et le corps. Elle répare ainsi la faute commise par Hava qui a réduit la stature spirituelle de Adam Harichon pour l’abaisser à une réalité matérielle. Au moyen du prélèvement de la Halla, la femme répare l’aptitude que possède la nourriture, d’impulser au corps une énergie de kédoucha.
Par la mitsva d’allumage du Ner – la femme dévoile le but de l’Homme dans le monde. Hava a éteint la lumière de Adam Harichon’ au sujet duquel il est écrit : « La néchama de l’homme est la lumière divine ». Adam était relié à La Lumière infinie d’HKBH. Hava induisit cette dissociation des deux pôles. La façon dont la femme arrive à réparer le monde, à l’éclairer à nouveau et en particulier l’âme de son mari, se trouve dans cette mitsva singulière de l’allumage des bougies.
La femme vertueuse, couronne de son mari
Un homme sans épouse fait seulement partie des êtres humains qui marchent à la lumière globale du soleil, où personne ne se différencie. Lorsqu’un homme et son épouse édifient une maison, celle-ci est dirigée à la lumière de la bougie, une lumière qui pénètre les moindres trous et fentes. De cette manière commence à se construire une démarche de vie qui correspond à l’intériorité personnelle de l’individu. C’est ce qu’exprime Rabbi Alexander : « Tout celui dont la femme est morte de son vivant, se trouve dans un monde noir d’obscurité (Sanhedrin 22a) ».
La femme est appelée « Bayit – maison », elle en est ainsi la boussole. C’est telle que fut Sarah iménou, notamment lorsqu’elle demanda à Avraham de chasser Yichmael et Hagar. En cette occasion, Hachem dit à Avraham : « Tout ce que te dira Sarah, écoute sa voix ». Ainsi en va-t-il également pour Rivka qui ressentit la différence de nature entre Yaacov et Essav – ce que Ytshak ne distingua pas. N’est plus étonnant dans ce cas, l’attribut de « couronne » donné par le plus sage de tous les hommes, le roi Chelomo – Une femme vertueuse est la couronne de son mari – (Michlei 12).