Parfois, nous entendons des déclarations telles que : « Je retourne en France pour les fêtes » ou « Je voyage en Israël pour les vacances » …
Il semblerait que notre Paracha vienne rectifier cette manière de s’exprimer.
Dans notre réflexion, nous allons nous intéresser à la première véritable acquisition d’Avraham : la Me’arat HaMakhpéla. (Cf. l’épisode des bergers de Loth, où une analyse du commentaire de Rashi nous indique que la terre en soi ne lui appartenu nullement.)
Il convient de méditer sur son premier achat qui fut un lieu d’enterrement plutôt qu’un lieu de vie. Aussi, il sera nécessaire de se tenir sur la longueur de cette affaire et sur son message, qui semble être anodin, et en particulier en comparaison avec le récit des Epreuves d’Abraham.
Enfin, en ce qui concerne la Grotte elle-même, il faut souligner que chaque mention de ce lieu dans le Texte justifie un récapitulatif de ses anciens propriétaires, comme on peut le voir dans le passage de la mort d’Avraham (Genèse 25,8), ainsi que dans celui de la mort de Yaakov (ibid. 49, 29-31). Seule la mort d’Ytshak sera exempte d’une quelconque mention de son lieu de sépulture.
Il semblerait que l’importance donnée à l’enterrement de Sarah et des autres patriarches ainsi qu’à leur caveau est d’assurer l’éternité du Peuple d’Israël. Lors de sa circoncision, D.ieu promit à notre ancêtre la Terre d’Israël comme ‘un héritage éternel’. Le Ramban (15, 18) explique ce terme en voyant ici le serment que la Terre sera à jamais notre patrimoine, et que malgré l’exil, perdurera l’espoir du retour.
En effet, le fait qu’après des milliers d’années d’exil, la venue sur notre territoire ne fut en rien une arrivée mais plutôt un retour dépendra de la continuité de l’Alliance contractée avec Avraham. Cette pérennité sera due à l’enterrement de nos patriarches, montrant par cela une attache avec l’essence même de la terre.
Dans le Paracha de Lekh Lekha, Avraham se préoccupa de l’héritage de la Terre en disant : « Comment saurais-je que je l’hériterai ? » Il savait que l’Endroit était la seule garantie pour la perpétuation de ses descendants et de ses valeurs. A cela, le Tout-Puissant répondit : « Tu sauras que ta descendance sera étrangère dans une terre ne lui appartenant point… et toi tu seras enterré avec une belle vieillesse, tu viendras vers tes pères en paix. »
Selon nos dires, la fin du verset, concernant son propre enterrement, fait partie de la réponse. Par le fait d’être enterré là-bas, il assura le retour de ses enfants après leur esclavage en Egypte, et la possibilité qu’ils puissent retrouver le niveau de leurs ancêtres.
Une véritable acquisition des enfants de ‘Het était donc de mise, permettant ainsi un vrai passage de propriété et une vraie relation avec ce lieu. Le fait qu’aucune mention de ce dernier n’apparaît avec la mort d’Ytshak pourrait être expliqué avec la particularité de ce patriarche à n’avoir jamais quitté sa terre natale. Le lien étant très fort, nul besoin de son tombeau pour le renforcer.
Il nous reste cependant à déterminer la relation étroite existant entre le lieu et l’éternité. Ce monde possède trois dimensions : celle de l’Espace, du Temps et de l’Ame (Notions bien connues sous l’acronyme ‘ACHaN). Lors de la disparition d’une personne, la notion de l’âme et celle du temps disparaissent de notre réalité. En effet, l’âme se sépare du corps et rejoint sa source, et ses années sur Terre s’achèvent. Seul subsiste l’espace, ce lieu ontologique à l’homme et qui laisse sa trace même en son absence. L’endroit appartient à l’éternité. ‘Même sans être présent, son Honneur l’est’. Cet adage de nos Maîtres vient souligner cette notion de trace d’éternité que l’homme laisse derrière son passage. Le souvenir emplit le vide laissé par son sillage, comblant le fossé de son absence.
La formule utilisée par les Achkénazim pour consoler les endeuillés débute par ‘L’Omniprésent vous consolera…’. En hébreu, ce nom se traduit littéralement par ‘l’Endroit’- HaMakom. Comme si l’idée du souvenir éternel du défunt est véhiculée par la notion de l’espace. D’ailleurs, le terme ‘Olam désigne à la fois le Monde que l’Éternité, ces deux notions étant intimement liées.
Pour conclure, l’assurance de l’éternité de notre peuple est exprimée par notre sainte terre, et en particulier par les tombes des Patriarches. Le peuple sans sa Terre n’a pas d’existence réelle, en d’autres termes on ne peut dissocier le judaïsme du sionisme. Et sans relation permanente entre les deux, il sera amené à disparaître…
Parler de retour vers une terre autre que celle d’Israël impliquerait des racines avec une origine finie et limitée, faisant abstraction de notre éternité. Nous ne pouvons parler de retour qu’avec la Terre de nos ancêtres, véritable territoire de l’infini…