- Dans un monde submergé par les jugements extérieurs et les normes de beauté inaccessibles, Hanouka constitue une lueur d’espoir. Avec son message intemporel, cette fête juive détient le pouvoir de combattre les idéaux irréalistes, et sert de guide, encourageant les jeunes esprits à donner la priorité à l’authenticité
Dans le domaine de la mythologie grecque, il existait un jeune homme du nom de Narcisse, dont l’allure physique était sans précédent. Alors qu’il tombait sur un étang clair, ses yeux rencontrèrent pour la première fois son propre reflet dansant à la surface de l’eau. Narcisse était captivé par sa propre beauté et s’est épris de son reflet, croyant qu’il s’agissait d’une autre personne. Les jours et les nuits passèrent, et Narcisse resta fixé sur son reflet, incapable de s’en arracher. Il s’est désintéressé de tout le reste, négligeant la nourriture, l’eau et même le sommeil. Narcisse dépérit, consumé par son obsession pour sa propre apparence. Ce conte ancien met en lumière la croyance persistante au sein de la culture grecque selon laquelle les apparences détiennent une signification immense.
Dans la culture grecque, la beauté physique était célébrée et considérée comme un idéal à atteindre. Les Grecs exprimaient leur admiration pour la beauté à travers de magnifiques structures architecturales comme le Parthénon. De plus, leur philosophie embrassait la forme humaine idéale, cherchant à incarner la beauté dans tous les aspects de la vie.
La guerre du paraître
Les Grecs ont cherché à imposer leur culture et leur esthétique hellénistique au peuple juif, provoquant un conflit historique qui a accentué leurs points de vue divergents sur la beauté. Lorsque ils parvinrent à Jérusalem, ils cherchèrent un emblème à leur lutte contre les juifs. Leur regard se posa sur la Menorah du Beith Hamikdash, plus particulièrement sur son huile. Au lieu de détruire l’ustensile sacré ou de vider complètement son huile, ils ont choisi de le souiller, comme pour transmettre l’idée que la pureté de la substance n’avait aucune signification, seulement l’éclat superficiel qu’elle procurait. Curieusement, c’est cette même symbolique qui, à la fin de l’histoire, portera le message de Hanouka par l’allumage de la Ménorah avec le miracle de la fiole d’huile. Cela laisse à réfléchir !
Ce conflit, centré sur l’idée de beauté et sa signification, mérite une exploration plus approfondie. la Torah ne désavoue pas le concept de beauté, au contraire, elle l’exalte. Elle fait notamment l’éloge de la beauté physique d’individus tels que Yossef et sa mère, Rahel, tous deux décrits comme : « beau en stature et en apparence ». Conformément à cette appréciation, Nos Sages ont publié un décret interdisant la traduction de la Torah dans une langue autre que le grec (méguila 8).
Reste donc à comprendre ce qui était au cœur de l’affrontement entre ces deux visions du monde contrastées, juive et grecque, dans un contexte captivant de beauté et d’harmonie. Le midrach nous surprend également en révélant que la traduction de la Torah en grec par le roi Talmaï a entraîné trois jours d’obscurité engloutissant le monde. Cette répercussion semble contredire ce qui a été mentionné précédemment dans le Talmud.
« S’ils étaient laids, ils seraient encore plus savants » !
Le Talmud (Nedarim 59b) raconte l’histoire d’une matrone qui, se trouvant devant Rav Yehouda dont le visage était rouge, n’hésita pas à l’invectiver effrontément en disant : « Comment peut-on enseigner en étant ivre ? ». En réponse, Rav Yehouda expliqua que son visage radieux n’était pas dû à l’ivresse mais plutôt au résultat de la sagesse rayonnante de la Torah, tel que décrit dans le verset : « La sagesse de l’homme fait briller son visage (Kohélet 8 ;1).
Cependant, une autre anecdote de la Guemara (ibid 50b) semble contradictoire. La fille de l’empereur romain a un jour critiqué l’apparence physique de Rav Yéhochoua ben Ḥananya, affirmant que la belle Torah était stockée dans un vilain récipient. Il a répliqué intelligemment en comparant cela au stockage du vin dans différents récipients. Il proposa que l’empereur stocke son vin dans des récipients dorés pour se distinguer des gens ordinaires. La jeune fille a accepté son idée mais, à sa grande déception, elle découvrit plus tard que son vin s’était gâté dans les récipients dorés. Rav Yéhochoua dit alors : « Le même principe s’applique à la Torah : lorsqu’elle est contenue dans une belle personne, elle se gâte ». La fille de l’empereur persista en demandant : « Mais n’y a-t-il pas des individus à la fois beaux et instruits dans la Torah ? A cela, il répondit de manière quelque peu énigmatique : « S’ils étaient laids, ils seraient encore plus instruits ».
Le Maharal de Prague s’est penché sur l’apparente contradiction entre ces enseignements, et a proposé une explication. Selon son interprétation, l’éclat du visage mentionné par Rav Yehouda ne doit pas être compris comme une simple beauté physique, mais plutôt comme une luminosité associée à la sagesse. fait un parallèle avec l’aura lumineuse attribuée à Moché Rabénou, Tout comme le visage de Moché rayonnait d’une lumière divine, la sagesse et l’illumination d’une personne se reflètent également dans sa présence même.
Cependant, ces paroles du Maharal sur la beauté du visage, tant matérielle que spirituelle, sont difficiles à comprendre et nécessitent plus d’explications.
L’essence et le rayonnement
Le monde a été créé sur le principe de l’essence et du rayonnement. Prenons l’exemple de la lumière du jour. Elle est issue du soleil qui porte en lui son immense potentiel – l’essence. Pourtant, elle ne s’exprime et ne se répand dans le monde qu’à travers les rayons solaires – le rayonnement.
L’essence fait référence à l’idée ou au concept derrière quelque chose, tandis que le rayonnement, quant à lui, concerne la manifestation ou l’expression pratique de cette essence.
Il en va de même concernant l’être humain. Le physique, l’apparence extérieure et les réalisations d’un individu ne font qu’effleurer la surface de sa véritable essence. Au plus profond de chaque personne réside une source profonde connue sous le nom de Néchama, qui rayonne et reflète son être authentique.
La Néchama est le cœur de l’existence d’une personne, englobant ses espoirs, ses rêves et ses pensées les plus intimes. Il confère au corps un but et une signification profonde, transcendant tous les niveaux d’existence. C’est grâce à cette essence spirituelle que les individus trouvent le véritable sens, le but et l’épanouissement de leur vie.
A partir de là, il est possible de mieux appréhender la notion du beau liée à l’esprit, ainsi que l’enjeu de notre débat avec les Grecs. Mais pour cela, il est crucial de reconnaître le paradoxe inhérent entre essence et rayonnement. L’essence est comme un potentiel illimité qui existe au-delà de notre compréhension conventionnelle et qui ne peut pas être facilement expliqué ou contenu dans notre réalité physique. La coexistence de ces concepts contrastés ne peut trouver l’harmonie que si nous les percevons comme interdépendants, l’un au service de l’autre. La nature exacte de cette relation symbiotique continue d’être la question centrale qui émerge.
L’idéologie grecque a adopté l’idée diviniser le rayonnement, où la superficialité des apparences éclipsait l’essence de l’être. Cette obsession du rayonnement extérieur a donné naissance à une poursuite incessante de désirs matérialistes. L’idolâtrie du rayonnement a déclenché par inadvertance l’érosion progressive de l’essence. Le conte de Narcisse résume parfaitement ce concept, car il décrit de manière vivante l’engouement des Grecs pour la beauté superficielle, une obsession qui a consumé Narcisse lui-même et a finalement scellé son destin tragique.
Quand l’esprit transfigure la chair
Le judaïsme, lui, voit la beauté extérieure comme le reflet d’une beauté intérieure, spirituelle et morale. Une tapisserie d’élégance divine, où l’essence de la beauté brille éternellement.
Dans le langage biblique, deux termes distincts sont utilisés pour désigner la notion du beau : le « Hod » et le « Hadar ». Le Malbim explique la nuance entre ces deux termes par la distinction qui existe entre une beauté intérieure et une beauté extérieure.
Le Gaon de Vilna propose une explication alternative en distinguant deux types de beauté : la beauté indépendante et la beauté dépendante. Cela met en lumière les descriptions contrastées entre Moché et son disciple Yéochoua. Moché, rayonnant comme le soleil éclatant, est associé à l’attribut de « Hod » représentant la beauté indépendante, tandis que Yéochoua qui reflétait la lueur de la lune, est lié au concept de « Hadar », représentant la beauté dépendante.
Il semble que ces deux interprétations soient intimement liées. La beauté reflète la dimension éternelle et divine, une dimension indépendante et immuable.
Notre objectif est de relier l’apparence extérieure à l’essence intérieure, créant un éclat facial unique connu sous le nom de « ‘Hen – Grâce ». En intégrant Hod et Hadar, on obtient un esprit lumineux qui transfigure la chair. Le caractère intérieur de l’homme possède le pouvoir de percer l’écran extérieur du physique pour faire naître la grâce sur son visage s’alignant sur le verset des Proverbes (13 ;15) : « Un esprit bon apporte du charme ».
En revanche, lorsque la beauté contraste avec le contenu intérieur, elle peut être comparée à « un anneau d’or dans le nez d’un pourceau » (Michlei 11 ;22). La beauté d’une femme dépourvue de bon sens se transforme en machine qui démultiplie saleté et décadence, et finit par polluer son image.
La société numérique d’aujourd’hui est en proie à une tendance inquiétante : la promotion incessante de normes de beauté inaccessibles. Ce phénomène insidieux nourrit un sentiment d’inadéquation et propulse une quête désespérée de validation externe. Avec son message intemporel, la fête de Hanouka constitue une lueur d’espoir, qui offre un message retentissant et opportun. Le miracle durable de la pureté de la fiole symbolise l’essence de la pureté dans les intentions, les actions et le moi intérieur. Hanouka guide et inspire les jeunes esprits à adopter l’authenticité et à nourrir un fort sentiment d’estime de soi.