Parachat Be’houkotaï – Les Arakhin, la valeur sacrée de chaque être

Parachat Be’houkotaï – Les Arakhin, la valeur sacrée de chaque être

Après l’énumération détaillée des bénédictions et des malédictions dans notre paracha, le Texte conclut : « Voici les ordonnances, les lois et les préceptes que l’Éternel a établis entre Lui et les enfants d’Israël, sur le mont Sinaï, par l’intermédiaire de Moché » (Vayikra 26:46). Ce verset scelle en réalité l’ensemble des commandements que nous avons reçus au Sinaï.

Après cela, la Torah vient mentionner les lois relatives aux évaluations (Arakhin), aux offrandes consacrées (Hekdechot), aux anathèmes (‘Haramim) et aux dîmes (Maaserot). Et elle conclut à nouveau : « Tels sont les commandements que l’Éternel ordonna à Moché pour les enfants d’Israël, au mont Sinaï » (Vayikra 27:34).

Le Abravanel a déjà soulevé la question de savoir pourquoi ces commandements n’ont pas été mentionnés avant l’Alliance, comme tous les autres commandements donnés à Moché au Sinaï, puisqu’il est écrit ici que ces derniers aussi ont été énoncés au Sinaï.

Il cite le Ramban selon lequel, étant donné que la Torah a insisté sur le respect du Chemita et du Yovel, dont la violation entraînerait l’exil, ces lois ont donc été écrites ici en raison de leur lien avec les lois du Yovel.

Cependant, même si cela explique leur emplacement, on peut encore s’interroger sur la raison pour laquelle ces lois n’ont pas été incluses avec toutes les autres ordonnances, et pourquoi elles ont été écrites après la conclusion de l’Alliance par le verset « Voici les ordonnances… ».

En fait, le livre de Vayikra traite entièrement des questions relatives au Sanctuaire. Ce livre ramène en réalité toute la Création à l’Éternel. L’espace lui-même est consacré à l’Éternel, et toutes les créatures Lui sont consacrées. Cela s’exprime particulièrement à travers le Yovel, comme il est écrit : « La terre ne sera point vendue à perpétuité, car la terre M’appartient, et vous n’êtes que résidents et étrangers auprès de Moi » (Vayikra 25:23). En d’autres termes, la terre appartient à D-ieu et nous ne sommes que des hôtes.

Cela pourrait diminuer l’homme, lui ôter son importance et lui donner le sentiment d’être superflu.

De plus, remarquons que les malédictions énoncées dans notre paracha au cas où l’homme viendrait à mépriser ses devoirs sont écrites au pluriel, contrairement à celles de la paracha Ki Tavo, écrites au singulier. La raison en est que l’Alliance du Livre du Vayikra, suite à la révélation de Matan Torah au Sinaï, s’adresse à la collectivité dans son ensemble et ne se concentre pas sur l’individu, comme il est dit : « J’irai parmi vous, Je serai votre D-ieu, et vous serez Mon peuple » (Vayikra 26:12). Tout cela pourrait renforcer le sentiment que l’individu n’a pas d’importance, et qu’il n’est utile que pour former un peuple appartenant à D-ieu.

C’est alors que vient la section des Arakhin traitant des évaluations, offrandes consacrées et dîmes, qui ont en commun le fait que l’homme, par sa seule parole, impose des obligations, des interdits ou une consécration. En d’autres termes, l’homme n’est pas aussi superflu que toutes les autres créatures, et son lien avec l’œuvre de la Création ne consiste pas seulement à construire, planter et agir sur la matière ; il possède une part divine, au point de pouvoir lui-même instaurer un interdit ou une consécration.

De plus, dans la section sur les évaluations, il est révélé que l’homme peut se consacrer lui-même en disant : « Je m’engage à offrir mon évaluation ». Contrairement aux autres sacrifices où l’homme n’est que l’offrant, lorsqu’il s’engage de la sorte, il fait de lui-même l’objet de la consécration. Les commentateurs expliquent que lorsque l’homme prononce ces paroles, il se consacre en fait au Très-Haut, et peut se racheter en payant sa propre évaluation.

Le Rav Ch.R Hirsch fait remarquer que cette section se caractérise par des offrandes volontaires pour le Sanctuaire. L’homme ressent le besoin ou le désir d’offrir un objet ou sa valeur au Sanctuaire, exprimant ainsi le lien particulier qu’il perçoit entre l’objet et le sacré. Ces offrandes volontaires sont appelées « l’expression d’un vœu », car elles ne découlent pas d’une exigence légale, mais d’un sentiment intérieur tout à fait personnel et subjectif.

Un autre point met en valeur l’importance de l’homme : la Torah fixe une valeur égale pour tous, par exemple, tout homme âgé de vingt à soixante ans doit payer cinquante shekels. Cela signifie que chaque personne est parfaite dans son unicité, et qu’aucune ne vaut plus qu’une autre. Chaque individu a une valeur unique et est irremplaçable. Aussi différents soient-ils, c’est ainsi qu’ils doivent être, sans aucun substitut possible. Et même si, en termes de valeur marchande, l’un vaut plus que l’autre, d’un point de vue des Arakhin, la Torah nous révèle que nous sommes tous égaux et tous parfaits.

Cette offrande volontaire de « l’évaluation » de l’homme rappelle celle du Mahatsit-Hashekel, mais contrairement à celui-ci qui soulignait que nous n’avions qu’une demi-valeur et que notre perfection ne pouvait venir que de l’autre, la section des Arakhin vient nous rappeler l’autre face de la médaille : chacun d’entre nous a une valeur infinie et une signification intrinsèque. Si le Mahatsit-Hashekel vient apporter l’expiation à l’homme, les Arakhin représentent l’individu comme un être parfait.

Ainsi nous expliquent les commentateurs à propos de la comparaison des enfants d’Israël avec les étoiles du ciel et les grains de sable au bord de la mer. D’un côté, nous sommes comme un grain de sable qui n’a aucune signification propre si ce n’est par son appartenance à l’ensemble, mais d’un autre côté, chaque Juif est comparé à une étoile, un monde à part entière avec sa propre destinée et son message unique pour l’univers.

À la lumière de ces paroles, on peut comprendre pourquoi cette section sur les évaluations et autres engagements est séparée des autres commandements. Toutes les mitsvot de ce livre, centrées sur la notion de sainteté, tendent dans une certaine mesure à diminuer l’homme. Mais la Torah a choisi de conclure ce livre avec un message particulier : cette sainteté est en fin de compte ce qui élève le plus l’homme. La soumission de l’homme au Tout-Puissant lui insuffle une dimension divine, au point qu’il devient lui-même objet de sainteté, et qu’il peut lui-même instaurer des interdits et de la sainteté.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.

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