Parachat Térouma – L’Amour, le secret de la Présence Divine

Parachat Térouma – L’Amour, le secret de la Présence Divine

Le « Kaporet » du Aron, bien plus qu’un couvercle

Notre Paracha décrit la construction du Michkan, lieu de résidence de la Chekhina. Dans le Saint des Saints est déposée l’Arche de l’alliance – le Aron Habérith.

Ce Aron est constitué de deux éléments essentiels : le Aron lui-même, dans lequel sont déposés les Tables de l’alliance – les Loukhot ; et sa partie supérieure le kaporet, l’équivalent d’une sorte de « couvercle ». Au-dessus de le kaporet sont posés deux chérubins tournés l’un vers l’autre.

Nous avons l’habitude de supposer que l’endroit le plus saint du Michkan était celui où sont déposés les deux Tables de l’alliance, soit au sein du Aron. Dans la même mesure, nous avons l’habitude de considérer le kaporet comme le simple « couvercle » du Aron.

Pourtant, la Thora nous apprend que la Chekhina se trouvait précisément sur le kaporet, entre les deux chérubins, comme il est écrit « Je me ferai connaître à toi là-bas et Je parlerai avec toi au- dessus de le kaporet, entre les deux chérubins situés sur le Aron du Témoignage » (Chémot 25; 22).

Cela vient nous faire savoir que l’endroit le plus saint ne se trouve pas au centre du Aron, à l’endroit des Tables, mais principalement entre les chérubins qui, selon nos Sages, symbolisent l’amour entre l’homme et la femme. En d’autres termes, la Chékhina réside justement en un lieu d’amour et d’union.

Dans le même esprit, nous trouvons que le Chir Hachirim est dénommé « Saint des Saints – Kodech Kodachim » alors que tous les Livres du Tanakh sont appelés « Kodech ». Le Chir Hachirim est l’illustration même de l’amour de l’homme et la femme.

Il nous importe de comprendre quel est le lien entre la Chekhina et l’amour ?

Il y a de quoi s’étonner également quant à la représentation de l’homme en plein Michkan ! Nos Sages nous enseignent que les chérubins avaient un visage d’enfant, l’un masculin et l’autre féminin. Quel est le sens de la présence d’un enfant dans le Saint des Saints ?

Les Chérubins en rapport avec la création de l’homme et la femme

Il est remarquable que l’histoire de la construction du Michkan est comparable à celle de la Création du monde, tel que nos Sages le font remarquer (Midrach Rabba 12; 13) – « Tu feras des tentures de chèvres pour la tente du Michkan… » en rapport avec « Il étend le ciel comme une tenture » ; « la Parokhet séparera » en rapport avec « ce fut le firmament et ce fut une séparation entre les eaux » ; « Et tu feras un Kyior etc » en rapport avec « que les eaux se rassemblent etc » ; « Tu feras la Ménorah » en rapport avec « Que soit les luminaires dans les cieux ».

Dans le même esprit, il est permis de dire que de même le cœur du Michkan, par l’image des chérubins, est également lié à l’œuvre de la Création. Le summum de la Création consiste dans la création de l’Homme et de la Femme. L’Homme a été créé masculin et féminin, imbriqués dos à dos. HKBH les a séparés de sorte que l’un vienne en aide à l’autre. En corrélation avec cette création, Hachem a ordonné de faire deux chérubins à l’image masculine et féminine « la face de l’un tournée vers celle de son frère ».

Pour comprendre le lien entre eux, il convient de se tourner vers la création due l’homme et la femme comme achèvement de la Création.

L’homme, réconciliateur du monde

En ce qui concerne la création de l’homme, il est dit: « Il n’est pas bon que l’homme soit isolé » (Berechit 2; 18). Pour cela, Hachem a séparé le mâle de la femelle afin que la femme soit une aide pour l’homme.

Par ailleurs nous savons que chaque jour de la création du monde, l’œuvre du Créateur se termine par la formulation : « Et D-ieu considéra que c’était bien », en dehors du deuxième jour où D-ieu fit les cieux pour séparer entre les eaux d’en bas et les eaux d’en haut, où il n’a pas été dit « c’est bien ».

Les Sages expliquent (Berechit rabba 4) que la raison tient au fait que ce jour-là fut créée la controverse. Ainsi, la séparation appartient précisément au deuxième jour ! Le chiffre deux est le premier nombre contraire à l’unité. D’ailleurs le mot cheni deuxième a la même étymologie que le mot chinouy changement, car le deuxième jour est l’origine de tout changement.

Il est surprenant de relever que, contrairement à la création du deuxième jour qui n’a pas mérité l’affirmation « c’est bien », à cause de la séparation, concernant la création de l’homme, le texte nous enseigne qu’il ne pourra être qualifié de « bon » que par le biais de la séparation.

Comment comprendre ce paradoxe ?

En réalité toute la mission de l’homme est d’annuler les séparations pour réunir toutes les créatures de ce monde. C’est précisément pour cette raison-là, qu’il fut lui-même séparé de sa femme, afin d’apprendre à créer l’union ! Le verset affirme « Et l’homme dit : Cette fois-ci, c’est un membre extrait de mes membres et la chair de ma chair. […] C’est pourquoi l’homme abandonnera son père et sa mère, il s’unira à sa femme, et ils deviendront une seule chair » (2; 23-24).

Le mariage a pour effet d’unir un homme et une femme. Ainsi, deux deviennent un ! Ils découvrent ainsi le point d’Unité Divine dans le monde. C’est pourquoi nos Sages ont dit : « Un homme et une femme qui ont mérité, la Présence Divine réside parmi eux », car notre foi principale en D-ieu consiste en notre croyance en l’unité. Cette croyance qu’il n’y a pas de partage ni de multiplicité dans la Divinité et que la réalité n’a qu’une seule origine.

Le mariage révèle cette dimension au-delà de la séparation physique apparente, et crée ainsi l’unité et l’amour intérieur profond du couple. A travers l’union entre un homme et une femme, de natures essentiellement opposées, nous apprenons que même si notre monde se caractérise par une multiplicité de nuances et de variations, en dépit de cela, tout provient d’une seule source, et peut être réuni et connecté.

L’origine de la séparation dans le monde, créé le deuxième jour, est le tsimtsoum, la « contraction » de D-ieu. Cela, dans le but de permettre l’existence d’une réalité extérieure à Lui. Dès lors, le monde a pu connaître des séparations et des disputes. Dès le troisième jour déjà, les arbres séparèrent la branche et le fruit. Le quatrième jour, la lune se disputa avec le soleil, et ainsi de suite… A ce jour, il n’y a rien qui ne soit divisé en deux. Dans le domaine religieux, par exemple, nous trouvons le polythéisme et le monothéisme ; les chrétiens présentent : protestants et catholiques ; les musulmans : sunnites et chiites ; le judaïsme lui-même offre deux mondes : ashkénaze et séfarade… Il n’existe pas de domaine de vie qui ne soit coupé en deux. Dans toute valeur, existent deux aspects opposés : le communisme et le capitalisme, la démocratie ou la dictature, la bonté ou la rigueur, etc. Tout cela, résulte de cette séparation du deuxième jour de la création du monde. En d’autres termes, du retrait de D-ieu et de Son unicité.

Un seul être est en mesure de reconnecter et réconcilier ces divisions sans fin, c’est l’Homme. En créant une unité avec sa femme, l’Homme apprend à dépasser les limites de ce monde et à réunir deux contraires. Il révèle ainsi l’Unicité de D-ieu. C’est ce qui explique que ce n’est qu’à travers cette union qu’un enfant peut être amené au monde, intégrant en lui une âme divine.

Contrairement à la séparation du deuxième jour de la Création où il manque l’affirmation « c’est bien », en ce qui concerne l’Homme, la séparation du masculin et du féminin quant à elle, ramène le « bien ». Pour la simple raison que cette séparation est destinée à créer une union !

Sous un tel angle, chacun comprendra qu’en vérité dans une dimension plus profonde, il n’y a pas de séparation dans le monde ! Et même ce qui apparaît extérieurement comme une multiplicité de nuances ou comme des éléments opposés, intrinsèquement, ne forment qu’Un. Tout est géré par un seul Leader, dans un seul objectif que nous ne comprendrons véritablement que pour le monde à venir.

C’est dans cette intention que nos Sages nous enseignent (Edouyot 8; 7) que Eliyaou Hanavi établira la paix dans le monde comme il est dit « Il ramenera le cœur des pères à leurs enfants et le cœur des enfants à leurs pères » (Malachie 3).

Après avoir décrit la Création des sept jours, le verset écrit « D-ieu examina tout ce qu’Il avait fait et c’était tov-méod éminemment bien » (1; 31).

On peut s’interroger sur ce « éminemment bien » ! Hachem avait pourtant déjà définit chaque jour comme « bien », qu’a-t-Il donc ajouté ici ? Et pourquoi cette fois, le « bien » est multiplié ? De plus, comme nous l’ont enseigné les Sages, le deuxième jour ne méritait pas ce qualificatif, pourquoi donc ce revirement à la fin des sept jours ?

Suite à la création de l’Homme, tout prend une nouvelle dimension. D’ailleurs le terme Meod(éminent) est composé des mêmes lettres que Adam(Homme), ce qui signifie que la création de l’homme, a fait passer de Tov (bien) à Tov-Méod (éminemment bien). Sans l’homme, chaque création est indépendante, et l’unicité de D-ieu n’est pas révélée. L’homme détient en son pouvoir de relier la Création entière et donner un sens à tout son ensemble. Même le deuxième jour, à l’origine de la polémique et de la dualité, peut devenir bon, par l’action de l’Homme, habilité à tout réconcilier.

Le Michkan, un trait d’union entre les créatures

A quel moment l’homme a-t-il parfait cette réalisation d’union de toute la Création ? Au moment de la construction du Michkan !

Le Michkan est l’œuvre inverse de la Création du monde. La Création du monde et de toutes les créatures a donné place à la diversité, au pluriel, et plus encore, à la division. Car ce monde est le fruit de la « restriction » du Maître du monde, qui par nature donne un ressenti d’absence d’Unicité de Hachem dans le monde. En contrepartie de cela, à l’aide de la construction du Michkan, nous réunifions toute la Création en l’associant au Nom d’Hachem. Tous les matériaux de la Création, l’argent, l’or, le cuivre, le bois, tous les types de tissus, les êtres vivants etc, tous se rassemblent sous la bannière du Maître du monde, se reconnaissent en Son Saint Nom.

En regard de ce que HKBH – en vertu de la réduction de Son Unicité – a permis la scission, la querelle, l’Homme permet à toute la Création de se réunifier. Ainsi, permet-il de rétablir l’Unicité divine au cœur de la Création. Il dévoile la face cachée pour laisser la place à un D-ieu Unique dans ce monde, ce que nous appelons « faire résider la Chekhina ».

Comment l’Homme est-il habilité à cela ? Ainsi que nous l’avons développé, ceci commence par le biais de l’union entre un homme et sa femme. De cette manière, ils comprennent qu’il est possible de réunir les contraires, et de même, de transformer la division de la Création en une unité, d’unifier toute la Création autour d’HKBH qui est UN !

C’est ce qui justifie que l’endroit de résidence de la Chekhina soit précisément entre les chérubins.

Deux visages d’enfants, le secret de l’amour

Nous allons tâcher de comprendre la raison pour laquelle il fallait que les chérubins aient l’image d’un enfant. Cette représentation s’explique par le fait que l’amour authentique dépend de deux paramètres : 1/ voir l’autre comme un petit enfant, 2/ se voir soi-même comme un petit enfant.

Le lien vis-à-vis du petit enfant symbolise une relation pure. Même lorsque le petit enfant pleure, fait des bêtises, des saletés, fatigue, épuise, les parents révèlent à son égard amour et patience. Tant que l’enfant est petit, on lui pardonne facilement, et l’amour qu’on lui porte ne dépend pas de sa conduite. Il s’agit là d’un amour inconditionnel, qui ne dépend de rien ! Et ainsi que s’allonge à ce sujet Rav Dessler, l’amour authentique a pour origine le désir de donner. Dans ce sens, l’amour des parents pour leurs enfants est supérieur à l’amour des enfants pour leurs parents.

D’un autre point de vue, pour aimer, il nous faut nous voir nous-même comme de petits enfants. Cela a pour sens de se voir avec un ressenti de manque, avec cette compréhension que nous sommes incomplets et que l’autre vient compléter ce manque.

En d’autres termes, l’amour parfait réside dans l’équilibre entre savoir donner et savoir recevoir.

De plus, le petit enfant exprime cette nature fondamentale de l’Homme, dénuée de toute influence extérieure liée au temps. Car la première condition pour aimer consiste à faire connaissance avec notre identité première, sans se soucier d’un quelconque regard extérieur. En effet, la Torah ordonne “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”, mais comment pouvons-nous aimer l’autre de la sorte, si l’on ne se connaît pas ? Paradoxalement, afin d’aimer et nous lier à autrui, il faut en premier lieu s’extirper de la collectivité et de ses appréciations. Tant que la conscience de l’Homme dépendra du jugement d’autrui, la haine envers l’autre ne cessera de grandir.

Essayons de conserver ce statut d’enfant, débarrassé de toutes influences extérieures. Apprenons à donner à notre conjoint sans attente et sans condition, tel un parent qui donne à son enfant. Mais apprenons également à recevoir comme un enfant, à avouer nos manques et nos imperfections, à admettre l’apport de l’autre. C’est par cet amour que nous allons créer notre propre Mikdach, dans lequel résidera la Chekhina.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.

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