1 – Le Recanati (Vayikra 15; 8) explique que les deux boucs présentés à Yom Kippour avaient pour objectif de réparer la dégradation survenue au moment où « l’ordre des conduits a été inversé » – ce qui avait eu pour conséquence selon ses termes « de faire pénétrer à l’intérieur ce qui doit rester à l’extérieur, et de répandre ce qui est intériorité à l’extérieur ».
Certes, ces propos tiennent essentiellement de notions Kabalistiques fort profondes, malgré tout on peut y entrevoir un principe à notre portée. Il y a ici une prodigieuse définition de la dégradation du monde actuel. Un terrible dommage se produit lorsque les forces extérieures pénètrent à l’intérieur et inversement, lorsque les énergies intérieures s’extériorisent. Ces dégâts ne concernent pas uniquement les affaires célestes, ils se concrétisent également sur cette terre !
C’est l’objet de la kappara des deux boucs le jour de Yom Kippour, qui vient replacer les forces intérieures et extérieures à leur juste endroit. Lorsque Israel voyait qu’un bouc était destiné à l’extérieur – à Azazel, et qu’un autre était consacré à Hachem et restait dans l’enceinte du Beith Hamikdach, cela donnait à réfléchir au peuple et lui donnait l’occasion de comprendre qu’il lui incombait de prendre chacun de ses potentiels intérieurs qu’il avait livré à l’extérieur pour les réintégrer en son intériorité, et vice versa.
En notre époque tout particulièrement, ce sujet nous apparaît avec encore plus d’acuité. Car c’est exactement ce qui se manifeste aujourd’hui. Et cela, pas uniquement envers nous Israel, mais vis-à-vis du monde entier:
« L’extériorité envahit l’intérieur » – Quelle est l’intériorité de l’homme d’aujourd’hui ? Assouvir ses désirs d’argent, se créer une position sociale, se mêler à la politique, satisfaire tous genres de plaisirs – en bref, kiffer !!
« L’intériorité est refoulée à l’extérieur » – On parle haut et fort d’idéaux élevés, comme l’amour du prochain, la générosité, la justice ou la droiture, l’éthique et l’amélioration des traits de caractères. On peut faire couler beaucoup d’encre sur ces sujets si élevés, pourtant ils ne se trouvent pas au fond du cœur, à notre grand désarroi !
2- Il nous incombe de travailler notre intériorité ! Dans notre Ahavat Hachem, notre Yirat Chamayim, dans notre relation avec HKBH, et également dans notre relation avec autrui, en faisant des efforts sur l’amour du prochain, la justice, le hessed, et autres midot tovot. Malheureusement, tout cela s’est extirpé de notre intériorité pour se sauver au dehors.
Si nous nous interrogeons et nous demandons le pourquoi de la chose, nous reconnaîtrons que la cause à tout cela est que l’extérieur s’est incrusté à l’intérieur – nos cœurs sont chargés d’aspiration au kavod, de course à l’argent, de recherche à la satisfaction des plaisirs.
Lorsque toutes les futilités du monde pénètrent les cœurs, il ne reste plus aucune place disponible pour la Avodat Hachem, pour la Ahava et la Yira. Il en résulte comme triste conséquence un accomplissement des mitsvot machinal, dénué de toute ferveur « מצות אנשים מלומדה », limoud et téfila, mitsvot dépourvus de lien intime avec le Boré Yitbarah.
3- Celui qui construit son intériorité n’encombre pas son esprit de questions superficielles telles que « Que pense-t-on de moi ? Suis-je bien pris en compte ? » Lorsque de telles pensées envahissent le cœur d’une personne, cela laisse entendre que son intériorité se situe à ce niveau.
A l’opposé, le cœur de celui qui édifie son monde intérieur, ne laisse aucune place à ce genre de réflexions. Ses préoccupations intimes sont de savoir comment se conformer à la mitsva de Ahavat Hachem et à celle de Yirat Hachem ! Ses réflexions et ses aspirations sont réservées à ses objectifs personnels spirituels, son Limoud, ses Téfilot, l’amélioration de ses traits de caractère, la qualité dans son accomplissement des mitsvot.
4- A Yom Kippour, chacun de nous établit le bilan de ses fautes et tâche de mesurer ce qu’il lui incombe de faire pour réparer ses manquements. A l’appui de ce qui précède, nous entrevoyons un nouveau cheminement. Établir un bilan certes, mais en fouillant profondément pour déceler ce que contient vraiment notre intériorité.
Notre intériorité n’est-elle pas chargée d’extériorité ? Et ce qui doit définir notre intériorité – les mitsvot, les midot, les bonnes actions – n’a-t-elle pas été reléguée au niveau de l’extériorité ? Nos actions ne sont-elles pas devenues routinières et pures formalités ?! C’est sans aucun doute, un regard nouveau et un bilan intérieur inédit !
5- Une donnée essentielle dans l’édification de l’intériorité est la Yirat Hachem – comprendre et intérioriser que je suis une créature infime qui se tient devant le Créateur de tous les mondes, et que je m’adresse à Lui à travers ma téfila. « שויתי ד’ לנגדי תמיד – Hachem est toujours présent face à moi ». Combien devons-nous faire d’efforts pour faire pénétrer en nos cœurs ces principes, et sur ces bases poser les fondements de notre monde intérieur ?! Combien sommes-nous loin de ce niveau dans les faits ?! C’est justement là, la finalité de Yom Kippour, ce jour-cadeau dont nous a gratifié le Maître du monde dans son infinie Bonté !
6- La première lettre assez « piquante » que Rav Israel Salanter a écrit à ses talmidim concernant leur manque d’attention aux sujet de moussar et de Yira, ainsi qu’au fait d’être guidé par ses libres-pulsions à l’instar des animaux, a toujours été une énigme pour moi. Nul n’ignore que les talmidim en question étaient des personnes de grand niveau ! Je me demandais comment était-il possible que Rav Israel Salanter ait pu leur écrire de si dures paroles !
En se référant au propos du Récanati, s’est révélé à moi un nouvel éclairage des remontrances faites par Rav Salanter à ses talmidim. Sur cela repose toute la Avoda faite au Beit Hamikdach le jour de Kippour, ce qui devait rester « au dehors » resterait à l’extérieur, et ce qui était supposé se trouver « à l’intérieur » resterait « au-dedans ». Le bouc destiné à Azazel, dehors, et le bouc consacré à Hachem, dedans !! Et effectivement, tout celui qui ne prête pas attention aux sujets de Yira et moussar permet à son intériorité de se remplir de tout ce qui vient de l’extérieur – de ce que Rav Israel a appelé « libres-pulsions à l’instar des animaux ».
C’est précisément à ce sujet que Rav Israel sermonnait ses talmidim. C’est l’essentiel de la kappara de Yom Kippour, et c’est sur ce point que doit porter l’essentiel de notre téchouva.
Traduction adaptation à partir du séfer הארות – ממשנת המשגיח רב ש. וולבה
DM