Question
David, habitant à Beth Chemech, avait prévu de passer le Chabbat de ‘Hanouca à Jérusalem. Pour ce faire, il avait demandé à son ami Nissim de lui prêter pour le Chabat son appartement à Har Nof. Une fois arrivé à destination avec toute sa famille et après s’être installé, il se rendit compte qu’il avait oublié d’emporter avec lui l’huile d’olive nécessaire à l’allumage des bougies de ‘Hanouca. Après quelques recherches, il trouva dans une des armoires une bouteille d’huile pour l’allumage appartenant à Nissim, le propriétaire de l’appartement. Malgré tout, connaissant la générosité de son ami, David supposa que ce dernier lui permettrait certainement de se servir sans le lui demander explicitement.
La question se posa donc : Lui est-il permis d’utiliser cette huile pour l’allumage des bougies sans permission claire du propriétaire ? (Tout en précisant qu’utiliser une huile volée pour l’allumage des bougies de ‘Hanouca ne permet pas de se rendre quitte de son obligation, sans parler de la bénédiction, considérée dans un tel cas comme vaine…)
Réponse
Il faudra en premier lieu examiner la règle établie par le Talmud (Pessa’him 4a) « qu’un homme consent à ce qu’on utilise ses biens pour accomplir une mitsva ». En effet, s8elon une partie des Richonim (excluant l’avis du Mordekhi) cette règle s’applique même quand l’utilisation d’un objet servant pour la mitsva se fait sans que son propriétaire en prenne connaissance. Ainsi, dans notre cas, puisque l’allumage produit par l’huile de Nissim est pour une mitsva, David pourra utiliser cette huile.
Cependant, les Richonim sont en controverse si cette règle est d’actualité même dans un cas où cela implique une perte monétaire. Des paroles du Choul’han ‘Aroukh (§ 437) il ressort qu’une perte de valeur ne change aucunement la donne, tandis que le Rema (ibid.) rapporte des contestataires. De plus, même selon l’opinion du Choul’han ‘Aroukh, de nombreux décisionnaires (tels que le Maguèn Avraham, le Pri ‘Hadach et d’autres) soutiennent que cela concerne qu’une perte minime mais pas une perte conséquente. Dans notre cas, où la perte occasionnée par l’utilisation de l’huile est minime, selon le Choul’han ‘Aroukh cela sera possible, mais pas selon le Rema.
Mais il faudra prendre en compte un autre détail. Selon David, il n’y a pas de doute que son ami Nissim lui permettrait de prendre de l’huile, même sans que cela ne soit pour une mitsva. Ceci fait l’objet d’une controverse supplémentaire. Selon les Tossafot (Bava Metsia 22a) même si l’on est certain que le propriétaire permettrait que l’on utilise son objet, il sera interdit de faire une telle chose, car cela ressemble à la conclusion « qu’un abandon (yiouch) sans être au courant n’en est pas un ». Ainsi, si un homme a égaré un bien sans être au courant de la perte, il sera interdit de prendre possession de ce bien, même s’il est évident qu’à la fin il fera l’objet d’un abandon.
Il en sera de même ici, sans accord explicite il sera interdit d’en profiter. Malgré tout, le Chakh (§ 358) n’est pas d’accord et distingue le cas d’une perte, où le fait de connaître l’emplacement de l’objet perdu l’aurait empêché de l’abandonner, avec le cas d’un prêt d’objet, où de toute façon il lui aurait permis. Mais lui-même est assez équivoque dans ses propos, il sera donc difficile de s’appuyer sur cette opinion.
Cependant, le Ketsot Ha’Hochen (§ 262) voudrait dire que pour une mitsva, même les Tossafot s’accorderait à dire qu’il ne faut pas de connaissance claire de la part du propriétaire. Dans notre cas, selon lui, il pourra donc utiliser cette huile pour accomplir une mitsva. Mais ailleurs (sur les propos du Chakh § 358), lui-même écrit que le seul moyen d’utiliser un bien sans que le propriétaire soit au courant concerne des cas où le propriétaire lui-même possède une obligation, telle une personne devenue démente, le tribunal devant provenir aux besoins de sa femme et de ses enfants sans que lui-même n’en soit conscient, vu qu’il est devenu fou. De ses propos il ressortirait qu’une obligation sur l’emprunteur n’est pas suffisante…
Mais dans notre cas précis, un autre raisonnement entre en jeu. Tout l’argument des Tossafot, qui ne permettent pas de consommer les fruits d’une personne même si elle aurait été consentante, a été dit dans le contexte du Talmud, où trois amoraïm se rendirent aux vergers de Mari Bar Issak, sans que celui-ci ne soit présent ni même au courant. Dans un tel cas, l’un d’eux se retint de consommer de ses fruits. Mais pour une personne offrant l’hospitalité, il y aurait sans conteste une présomption qu’il lui permette de se servir de ce dont il aurait besoin. Même si cela ne concerne que les produits basiques, comme l’eau, des mouchoirs en papiers, etc. Du fait qu’en plus David sache avec certitude que Nissim lui permette de se servir de l’huile, on pourrait évoquer le fait que cela soit compris dans l’hospitalité offerte. Nous n’aurions ainsi aucun besoin d’un accord explicite, du fait que cela soit inclus dans l’invitation à venir résider dans son appartement.
Conclusion
Dans un tel cas, où il est clair que le propriétaire lui aurait permis l’utilisation, il sera permis à David de se servir de l’huile, aux vues du raisonnement précité, en associant l’opinion du Choul’han ‘Aroukh concernant les petites pertes pour une mitsva, ainsi que les paroles du Chakh (de plus si le Ketsot Ha’Hochen serait d’accord avec lui dans le cas d’une mitsva, du moins dans un endroit.)
Pour celui qui désirera se rendre quitte selon toutes les opinions, il devra prendre sur lui de rendre la mesure d’huile utilisée de suite après Chabbat, car ainsi cela ne sera pas compté comme une perte. De plus, selon certains (Avnei Nézer) un vol avec l’intention de restituer le larcin immédiatement n’en est pas un.