Ki Tavo – Bé-réchit ! La condition siné qua non !

Ki Tavo – Bé-réchit ! La condition siné qua non !

La mitsva des בכורים et le rapport avec Amalek !

A la fin de la Paracha précédente, כי תצא, la Thora souligne la mitsva de se souvenir et d’effacer le souvenir d’Amalek. La paracha כי תבא quant à elle, débute par la mitsva des בכורים, les premiers fruits (parmi les sept espèces), consacrés à Hachem et qu’il conviendra d’apporter à Yérouchalayim pour les offrir au Cohen.

Il y a là, matière à s’interroger sur la proximité de ces deux sujets.

L’une des réponses consiste à dire que, de même que Amalek est appelé ראשית – le premier – « ראשית גויים עמלק – Amalek est le premier parmi les peuples », et sa fin sera d’être anéanti – de même les בכורים sont également appelés ראשית comme il est écrit « ולקחת מראשית כל פרי אדמה » !

Cela vient nous faire savoir que ces בכורים appelés ראשית, viendront détruire Amalek appelé également ראשית.

Cette analogie permet de relever l’importance de cette mitsva capitale dont l’accomplissement détient le pouvoir de détruire Amalek !

Le Sifri relève également l’importance de cette mitsva des בכורים en nous apprenant que l’entrée des Bnei Israel en Erets Israel y était conditionnée. Les commentateurs s’interrogent sur ce Sifri car à priori, cela reviendrait à dire que la mitsva était déjà accomplie avant leur entrée en Erets Israel, or celle-ci ne pouvait être pratiquée qu’après leur entrée.

En fait, il y a lieu de retenir que la raison pour laquelle les Bnei Israel sont rentrés en Israel, est liée au fait qu’ils puissent accomplir dans le futur cette mitsva des בכורים.

La Volonté d’HKBH était de leur faire connaitre, avant même leur entrée en Erets, la grandeur de cette mitsva, en ce sens qu’ils soient déjà imprégnés dans leur conscience, de sa connaissance et de son importance. Et en vertu du principe qui veut que HKBH tient compte de la pensée de l’individu au niveau de son action, il est même permis de dire que c’est par cette mitsva que les Bnei Israel sont rentrés en Erets Israel.

A nouveau, quelle est l’importance et la force de cette mitsva ??!

La mitsva des prémices est très singulière. En effet, parfois les mitsvot consistent en de grands actes d’autres fois, pas forcément. Celle des prémices est facile à accomplir puisqu’elle consiste en un prélèvement de quelques fruits et en son apport au Beith Hamikdach. Nous pouvons nous demander pourquoi il est fait tant de cas de ces quelques fruits et ce qui justifie la raison de ce difficile voyage jusqu’à Jérusalem. C’est justement de cette mitsva en apparence si insignifiante que nous avons l’ordre de faire grand cas.

Que contient de tellement particulier, cette mitsva apparemment anodine ?!!

C’est précisément de cette offrande que Hachem se réjouira, d’où l’emploi dans le Texte, du terme véhaya qui augure une joie. Lorsqu’un homme accomplit avec joie, même de petites mitsvot, remerciant le Créateur pour tous les bienfaits qu’Il lui prodigue, il parfait son service divin et s’élève spirituellement. Ces actes révèlent son état d’esprit : il ne s’attribue pas le mérite de ses succès personnels, mais les attribue entièrement à Dieu et n’agit que pour Sa Gloire.

Lorsqu’il était enfant, le Gaon Rabbi Mordekhaï Gifter, Roch Yechiva de Telz, collectionnait les photos de Rabbanim. Bien qu’à l’époque elles fussent beaucoup plus rares qu’aujourd’hui, il les rassemblait avec passion et les rangeait soigneusement dans un album. Une nuit, sa mère aperçut celui-ci et se permit de le feuilleter. Elle l’ouvrit et regarda les nombreux portraits rayonnants de sainteté. Soudain, en plein milieu, elle tomba sur un emplacement vide. Connaissant le caractère ordonné de son fils, elle s’en étonna, jusqu’à ce que son attention se porte sur une petite mention écrite de la main enfantine de ce dernier. Elle s’approcha et lut : « Ici, avec l’aide de Dieu, figurera ma photo, lorsque je serai devenu un grand Rav, en Torah et en mitsvot ». Une immense émotion l’envahit. Comme les aspirations de son jeune garçon étaient pures ! Au lieu de rêver de devenir riche ou célèbre, il ne rêvait que de devenir grand en Torah.

Cet enfant si jeune aspirait à accomplir la Volonté divine sans réserve et à devenir un géant en Torah, et son rêve se réalisa puisqu’il devint l’une des personnalités les plus illustres de sa génération.

Dès son entrée en Erets Israel, marquant sa soumission au joug des mitsvot qui lui sont liées, le paysan reçoit l’ordre d’accomplir la mitsva des .בכורים Il s’attachera ainsi à Hachem et développera une détermination pour l’accomplissement de toutes les mitsvot, les petites comme les grandes.

La Suprématie d’Hachem et Sa maitrise absolue sur la Création

La mitsva des בכורים vient révéler la suprématie d’Hachem et Sa maîtrise absolue sur la Création. Elle vient renforcer dans le cœur de l’homme, sa Emouna que tout vient d’HKBH. Elle élimine l’idée que ce sont les capacités propres à l’homme qui lui permettent de réaliser ses œuvres.

Après avoir labouré, semé, irrigué, moissonné, récolté les fruits de son champ, au moment où son cœur s’emplit de joie de voir toute sa production, HKBH ordonne à l’homme cette mitsva. Hachem lui demande de distinguer ses premiers fruits au moyen d’un signe qui les déclare comme étant les prémices ! Ce geste tout simple, permet à l’homme de placer le Maitre du monde au sommet de sa joie.

En cela, on peut d’autant mieux comprendre l’obligation de la Thora de se prosterner à l’occasion de cette mitsva, contrairement à toutes les autres mitsvot où ce n’est pas le cas.

L’action de se prosterner décrite dans le Traité Meguila – qui consiste à étendre ses mains et ses pieds, à s’aplatir en quelque sorte – Cette position correspond à un acte d’annulation de soi en faveur d’HKBH ! Une telle soumission a pour intention de bien faire prendre conscience et ancrer en la personne que tout ce qu’un homme produit est vain sans l’Aide et la Volonté du Créateur, tout comme Il a créé Son monde. C’est pourquoi HKBH a spécifiquement ordonné à l’occasion de cette mitsva, de se prosterner. Cet assujettissement de l’homme l’amène à réaliser cette réalité Divine avec plus de force, dans un moment de joie. C’est du reste, ce qui lui permet de la canaliser au profit de la Malkhout Chamayim.

Ouvrir son esprit et ses yeux

Si nous nous tenions à un niveau suffisamment élevé, et si nous étions capables d’une Emouna à cette hauteur qui nous permet de voir par nos propres yeux, l’intervention du Maître du monde dans les moindres détails de la Création, nous n’aurions pas besoin de cette mitsva pour nous renforcer dans notre Emouna. Le simple travail de l’homme dans les champs suffirait à lui faire réaliser l’Intervention Divine et Lui vouer sa pleine confiance.

Le principe même de l’ensemencement est le meilleur témoignage de la Présence Divine et de l’intervention du Maître du monde dans la Création.

Il semble évident que l’ensemencement ainsi que tout le processus de germination soit fermement lié à la Emouna, car il est impossible qu’un homme plante sans être préalablement convaincu que la pluie tombera, que la rosée se répandra ainsi que tout ce qui conditionne le développement du végétal. C’est ce que viennent d’ailleurs nous apprendre nos Hakhamim lorsqu’ils expriment que la Emouna devient palpable à partir du Traité Zeraim.

Nos Hakhamim en l’occurrence, s’adressent ici aux gens dont la pensée précède l’action. Ceux qui, par leur réflexion, anticipent l’action.

Par contre, ceux qui agissent sans calcul, sans poser leur regard et leur esprit sur ces déroulement prodigieux, planteront sans conscience, ni confiance en Hachem.

Il peut également arriver que par la force de l’habitude et les actes routiniers qui font perdre les vrais repères, des chomrei mitsvot en arrivent à ce stade. Pour contrecarrer une telle situation, la mitsva des בכורים est fondamentale ! C’est une mitsva concrète et pratique pour réveiller ces personnes et leur ouvrir les yeux, leur permettre de voir de Qui émane leur réussite, et les renforcer dans leur Emouna.

Cette mitsva de בכורים est le fondement qui permet de placer Hachem au sommet de la Création et qui soumet l’homme à son Créateur. C’est là, tout le but de l’offrande des בכורים.

Annuler l’influence d’Amalek :

Du même coup, il y a de quoi s’interroger sur le mot ראשית appliqué à Amalek !

Rachi explique que c’est parce qu’il a été le premier à oser entrer en guerre et affronter les Bnei Israel.

Le Rambam dit qu’il est le premier parmi tous les peuples ! Il est le plus audacieux et le plus belliqueux. Sans de tels attributs, il ne lui serait pas venu à l’idée d’affronter Israel.

La notion de ראשית concernant Amalek se rapporte à sa גאוה – à son orgueil – à cette certitude absolue dans le fait qu’il ne mise que sur sa propre force ; sans cela il ne se serait pas attaqué aux Bnei Israel.

Ainsi que les בכורים viennent annuler l’influence d’Amalek dans le sens où ils proclament la Grandeur d’Hachem dans ce monde et l’insignifiance de l’homme. Ils suppriment la préséance d’Amalek qui symbolise la confiance absolue en ses propres capacités.

Renforcer la reconnaissance

La mitsva des בכורים revêt un autre aspect et pas des moindres…, celui de la הכרת הטוב, la reconnaissance prodiguée par Hachem envers les Bnei Israel. C’est ce qui est dit dans le Sifri et rapporté par Rachi et que le texte à réciter mentionne : « tu ne seras pas ingrat ». 

Hakhamim nous disent que tout celui qui ne reconnait pas le bien que lui prodigue son prochain conteste le bien que lui prodigue le Maître du monde « כל הכופר בטובתו של חברו כאילו כופר בטובתו של מקו’ם ». Le fondement de la Emouna passe par le biais de la hakarat hatov et cette mitsva des בכורים permet de renforcer cette mida qui avait été éprouvée à plusieurs reprises chez les Bnei Israel avant leur entrée en Erets Israel :

Une question se pose – A la fin de la Paracha כי תבא, après toutes les remontrances, le Texte énonce : « Hachem ne leur a pas donné un cœur pour savoir, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre jusqu’à ce jour-là » Si tel était le cas, que pouvait-on reprocher aux Bnei Israel ?

D’autre part, il est encore plus compliqué dans ce cas, d’imaginer qu’Hachem les ai choisis pour Peuple en les privant de ces attributs de base ?!!

Le Midrach s’interroge sur le sens de cette affirmation !

Rabbi Ytshak explique qu’au moment où les Bnei Israel étaient au Sinai, lorsqu’ils dirent « נעשה ונשמע- nous ferons et nous comprendrons », HKBH a dit « מי יתן – qui donnera (ce cœur.., ces yeux.., et ses oreilles…) ? » Lorsque les Bnei Israel entendirent cette question, ils ne répondirent pas « אתה תתן !! – Ribono chel Olam ! C’est toi qui nous donneras ! » –

Pour cette raison, Hachem ne leur accorda pas ce cœur, ces yeux et ces oreilles !

Au  Har Sinai, lorsqu’ils dirent «  naassei venichma », les Bnei Israel s’élevèrent à un tel niveau qu’ils pensèrent ne pas avoir besoin de plus d’Intervention Divine. Leur compréhension poussée des choses leur fit croire qu’ils pouvaient s’en satisfaire et se passer de l’Aide du Ciel. C’est pourquoi ils s’abstinrent de répondre « אתה תתן – C’est Toi qui donneras ! ».  Ils commirent l’erreur de ne pas comprendre qu’il y a toujours besoin d’une Aide Divine, quel que soit le niveau atteint. Ainsi, Hachem n’a pas donné… car ils ne l’ont pas demandé !

C’est ce que l’on relève à propos de David Hamelekh, dans le midrach rabba :

En effet David Hamelekh a dit à HKBH au sujet de la Thora Kédocha, Téhilim (119; 54): « זמירות היו לי חוקיך בבית מגורי – Tes lois sont pour moi des cantiques dans la maison de mon habitation » – il voulait dire que les Lois reçues lui sont familières comme des cantiques.

Hachem lui répondit : Pour ces paroles, tu en viendras à te tromper dans un domaine de la Thora que même les enfants maitrisent !

Lorsque David eut à emmener le Aron Hakodech à Yérouchalayim, il le fit porter sur des chariots en oubliant ce que le moindre des petits enfants sait, à savoir, qu’il devait le faire transporter sur les épaules des Leviim. David a donc placé le Aron sur des chariots neufs alors que c’est un fait connu qu’Il se porte de lui-même. Les vaches qui tiraient la charrette ont glissé, et Ouza ben Avinadav qui escortait la voiture, voulut le soutenir pour lui éviter de tomber. Pour ce geste malheureux et inapproprié, Hachem l’a frappéde mort. HKBH a dit : David ! Tu as affirmé ‘Tes Lois sont comme des chants’  alors que tu n’as pas respecté le commandement de donner à porter le Aron aux Leviim et que tu ne l’as pas non plus fait porter à l’épaule.

En deux mots, le reproche fait à David (jugé sur l’épaisseur du cheveu) est d’avoir pris les Divrei Thora pour des choses aussi faciles et familières que des chants au point qu’Hachem ait dû l’éprouver en lui montrant qu’il pouvait se tromper etoublier une loi aussi simple sans l’Aide du Ciel. 

Pour toute chose nous avons besoin de l’Aide du Ciel ! Même concernant celles que l’on croit connaitre sur le bout des doigts, à force de les répéter.

La condition d’entrée en Erets Israel

La guémara explique autrement (avoda zara 5a) : מי יתן – qui donnera ?–

Quel rapport ce passouk מי יתן dans ce contexte ?!!

Moché a dit : « כפוי טובה בני כפוי טובה – Vous êtes des ingrats fils d’ingrats ! » Lorsqu’Hachem a demandé à Israel « מי יתן », ils auraient dû répondre « תן לנו אתה – Donne-nous Toi ! » – Tossefot explique que les Bnei Israel n’ont pas voulu le dire pour ne rien devoir à Hachem.
Le Maharcha explique que les Bnei Israel n’ont pas réalisé qu’ils devaient être reconnaissants à Hachem pour ces attributs que sont : comprendre, voir entendre.

En arriver là, c’est perdre toute notion de reconnaissance.

De la sorte, nous comprenons que cette mitsva des בכורים soit la condition à leur entrée en Erets Israel, pour garder en permanence présent à l’esprit, ce devoir de הכרת הטוב !

Il nous importe de savoir que si un homme arrive à ce niveau de prise de conscience et de reconnaissance que tout vient de HKBH et que ses actions elles-mêmes sont inspirées par le Ciel, il en viendra à se réjouir de tout le bien que lui prodigue HKBH sans distinction, ni graduation dans le bien qui lui est fait, car cette seule prise de conscience suffit à le réjouir.

Le Or Hahaim ajoute qu’il n’existe d’autre bien que le Thora appelée טוב et que si l’homme en était vraiment conscient, il ne trouverait aucun autre plaisir, ni dans l’or, ni dans l’argent, ni dans aucun trésor au monde, car la Thora les contient tous !!

Traduction adaptation à partir du séfer נתן דעת

dm