Parfois, malgré le long chemin parcouru ensemble – famille, amis – ce n’est pas toujours suffisant pour préserver une véritable unité. Au final, il arrive des moments où l’on s’éloigne. Combien de fois voyons-nous des familles en conflit, des amis autrefois proches qui ne se sont plus parlé pendant des années. Qu’est-ce qui nous unit vraiment ? Quel est le secret capable de créer un lien stable et éternel ?
Souccot – La Fête de l’Unité
Souccot est une fête d’unité particulière, où tout converge. L’unité s’exprime à travers trois aspects centraux :
- La mitsva de la Soucca unit tout le peuple d’Israël dans une unité spéciale. Cela se reflète dans la halakha selon laquelle une soucca empruntée est valide pour accomplir la mitsva. La source vient du verset : « Tous les citoyens d’Israël habiteront dans des souccot » (Vayikra 23:42) – et nos Sages enseignent que tout Israël peut s’asseoir dans une seule soucca.
- Les quatre espèces (loulav, etrog, myrte et saule) symbolisent l’union de tous les types du peuple d’Israël, et sans l’une d’elles, la mitsva est invalide.
- Le rituel de la libation d’eau qui se déroulait au Temple pendant Souccot symbolise la connexion entre les eaux d’en bas et les eaux d’en haut.
La question se pose : quel est le secret et la signification de cette unité particulière, si caractéristique de cette fête ? Pourquoi est-ce précisément à Souccot que cette unité s’exprime de manière si frappante ?
« Zeman Sim’hatenou » – En mémoire de quel événement ?
Souccot est appelée dans la prière « Zeman Sim’hatenou – le temps de notre joie », et il convient d’examiner la signification de cette appellation.
En effet, lorsque nous observons les noms des fêtes, nous constatons :
- Pessa’h est appelée « le temps de notre liberté » – en référence à l’événement de la sortie d’Égypte et de la liberté reçue par le peuple d’Israël.
- Chavouot est appelée « le temps du don de notre Torah » – en mémoire de l’événement du don de la Torah au mont Sinaï.
Dans ces deux cas, l’appellation désigne un événement historique spécifique survenu à l’époque de la fête.
Cependant, « le temps de notre joie » semble différent – il ne mentionne aucun événement historique de joie.
Alors pourquoi Souccot est-elle appelée précisément « le temps de notre joie » ? Quelle est la joie particulière contenue dans cette fête ?
Les Trois Fêtes : De la Création au Retour à la Source
Le Maharal dans son livre « Guévourot Hachem » (chapitre 46) explique la signification profonde des trois fêtes de pèlerinage selon trois aspects du monde dans sa relation avec le Saint, béni soit-Il :
Pessa’h est le temps du commencement, le début de la création et de la genèse. C’est pourquoi elle tombe au mois du printemps : début de la croissance des créatures et renouveau de la nature. C’est la période de l’influence divine, où la création reçoit la force de l’existence et de la vitalité.
Chavouot est le temps de la perfection et de la maturité. C’est pourquoi c’est la fête de la moisson : le blé a mûri et atteint sa perfection, il est détaché de la terre et se tient par lui-même. À ce stade, le monde se tient dans sa plénitude, il a atteint son plein développement et la réalisation de son but.
Souccot est la fête de la récolte : c’est le temps du rassemblement et de l’accomplissement final. C’est un rassemblement et un retour vers le Créateur. De même qu’à la fin de chaque chose on est « rassemblé vers son peuple » (comme l’exprime la Torah à propos du décès des Patriarches), de même à Souccot toute la création retourne et se rassemble vers sa source – vers le Saint, béni soit-Il.
C’est le point culminant – non seulement recevoir de D.ieu (comme à Pessa’h) ni seulement se tenir dans une perfection autonome (comme à Chavouot), mais retourner et s’unir avec la source divine elle-même.
Les Trois Fêtes – Passé, Présent et Futur
À la lumière des paroles du Maharal, on peut ajouter :
Pessa’h – La Fête du Passé
Pessa’h est une fête sur le passé. Nous célébrons le commencement, le début de l’existence du peuple, la sortie d’Égypte – l’événement historique qui nous a constitués comme peuple. C’est un souvenir de ce qui fut, des fondations sur lesquelles nous sommes construits.
Chavouot – La Fête du Présent
Chavouot est la fête du présent. Nous célébrons « le temps du don de notre Torah » – la Torah qui nous accompagne chaque jour, qui vit avec nous à chaque instant. Comme l’ont dit nos Sages : « Chaque jour, qu’elle soit à tes yeux comme nouvelle » – la Torah est éternellement présente, toujours pertinente, toujours nouvelle.
Souccot – La Fête du Futur
Souccot est une fête sur l’avenir. Nous célébrons la destination, le retour vers D.ieu, la rédemption complète, le monde futur.
La Soucca – Mémoire d’un Mouvement vers la Destination
Souccot commémore les souccot du désert – qu’il s’agisse des nuées de gloire ou de véritables cabanes.
Mais que représente vraiment cette mémoire ? C’est le souvenir d’un mouvement dans le désert vers la Terre d’Israël. Nous ne célébrons pas l’arrêt dans le désert, mais le mouvement de transition, la marche vers une destination sublime.
Le désert et la Terre d’Israël sont un exemple et une métaphore de ce monde et du monde futur. À Souccot, nous nous tournons vers l’avenir – vers la rédemption, vers la Terre d’Israël spirituelle, vers le monde futur.
« Le Temps de Notre Joie » – Joie pour l’Avenir
Désormais, le concept de « temps de notre joie » s’éclaire d’une nouvelle lumière : l’appellation ne commémore aucun événement passé !
Au contraire – nous ne commémorons pas un événement, mais célébrons l’avenir. Nous célébrons :
- La rédemption future
- Le troisième Temple
- Le monde futur
- L’achèvement du voyage
C’est pourquoi nous disons dans la bénédiction après le repas à Souccot : « Le Miséricordieux rétablira pour nous la soucca de David qui est tombée ». Nous prions pour l’avenir, pour la rédemption à venir.
La véritable joie intérieure ne réside pas dans ce que nous avons accompli, mais dans le fait que, à travers notre passé, nous pouvons atteindre un futur plus élevé. Ce n’est pas le but atteint qui apporte la joie, mais la conviction que chaque étape passée nous prépare à un avenir encore plus grand, à une élévation continue vers un but plus profond.
La Parabole de la Fiancée – La Joie du Désert comme Condition d’Entrée en Terre
Il est écrit dans le Talmud qu’Israël dans le désert était comparé à une fiancée dans la maison de son père, et lors de leur entrée en Terre d’Israël – à une fiancée dans la maison de son beau-père.
Il ne fait aucun doute que pour mériter le mariage, la fiancée doit se réjouir déjà au moment des fiançailles, alors qu’elle est encore dans la maison de son père. La joie de l’étape de préparation est une condition nécessaire pour atteindre l’étape du mariage.
De même pour l’ensemble d’Israël : c’est seulement par notre joie du désert – la joie de la marche vers la Terre d’Israël, vers le monde futur – précisément par cette joie que nous mériterons d’entrer dans la rédemption future et dans le monde futur.
Cela constitue en fait une réparation de la faute des explorateurs qui ont pleuré des pleurs vains, lorsqu’ils n’ont pas réussi à croire en un autre avenir, n’ont pas intériorisé que la marche dans le désert devait les conduire en Terre d’Israël.
C’est la raison pour laquelle la soucca symbolise deux choses apparemment contradictoires :
- D’une part – le Temple, comme la « soucca de David »
- D’autre part – le désert, la marche et le mouvement
Mais ce n’est pas une contradiction ! C’est précisément en vivant la joie du désert – la joie de la marche et du mouvement vers le but – que nous mériterons d’atteindre le but lui-même, le troisième Temple et le monde futur. Comme la joie de la fiancée au moment des fiançailles qui est celle qui l’amènera à la joie du mariage.
« Tous les Citoyens » – Pour Inclure le Converti
À la lumière de ces paroles, on peut répondre à une question forte :
Du verset « Tous les citoyens d’Israël habiteront dans des souccot », nos Sages ont appris dans le Sifri « pour inclure le converti ».
Et cela est vraiment étonnant ! En général, « citoyen » est l’exact opposé de « converti ». Dans toute la Torah, il est dit « le citoyen et l’étranger » – ce sont deux termes opposés :
- Le citoyen est natif du pays, familier, enraciné
- L’étranger vient d’un autre pays, il n’est pas familier, a un passé différent
Même un non-Juif qui se convertit vient d’un autre endroit, d’une autre mesure, d’une autre culture – il n’est pas un « citoyen ».
Alors qu’à Souccot, seul « le citoyen » est mentionné, et pourtant nos Sages ont enseigné que cela inclut aussi le converti ! Pourquoi ?
Il semble que, selon nos explications : à Souccot, on ne regarde que vers l’avenir !
Ce qui sépare le converti du citoyen n’est que le passé – le lieu de naissance, les racines, le contexte culturel. Mais du côté de l’avenir, il est totalement égal et appartient à la même idée.
Tous deux vont au même endroit, vers le même but, vers le même monde futur. Du côté de la destination, il n’y a aucune différence entre citoyen et converti.
Et c’est pourquoi précisément à Souccot – la fête entièrement tournée vers l’avenir – on inclut le converti à partir du terme « citoyen », car lorsqu’on ne regarde que vers l’avenir, le converti est véritablement un citoyen !
C’est la force de Souccot : un tournant absolu vers l’avenir, sans regard sur le passé.
Le Loulav au Centre – Entièrement Tourné vers le Haut
On peut peut-être suggérer que c’est la raison pour laquelle le loulav se tient au centre des quatre espèces, et même toutes les quatre espèces sont appelées du nom de « loulav ».
Le loulav est le seul parmi les quatre espèces dont toutes les feuilles pointent vers une seule pointe – toutes convergent et s’unissent vers le sommet, vers le point le plus élevé. Contrairement au myrte par exemple, qui est un du côté de la racine, du côté de la connexion des feuilles à la tige.
Et c’est précisément cela : tout se tourne vers le haut, vers l’avenir, vers le but suprême – et c’est tout le fondement et le principe de la fête de Souccot.
Le loulav symbolise visuellement l’idée centrale : un mouvement constant vers le haut, vers la destination, vers l’avenir.
La Profondeur de l’Unité Particulière de Souccot
Il semble que c’est la profondeur de l’unité particulière et unique de la fête de Souccot :
Ce qui sépare les gens, c’est le passé et le présent – chacun vient d’un endroit différent, a fait un chemin différent, s’est développé d’une manière différente. Même s’ils viennent de la même personne, chacun fait son chemin et diffère de l’autre. À plus forte raison le converti qui vient d’un lieu et d’une religion complètement différents.
Mais à Souccot, nous célébrons le fait que nous allons tous au même endroit ! Nous ne regardons pas le passé – d’où nous venons. Nous regardons l’avenir – vers où nos visages sont tournés.
Dans cette perspective, le converti n’est pas du tout différent de l’Israélite. Tous deux se tournent vers le même but, marchent dans la même direction, aspirent à la même destination.
Et cela apporte une unité immense et absolue – une unité qui ne dépend pas du passé, mais de l’unité de la destination et de la direction.
C’est la plus grande unité possible : une unité d’avenir partagé.
Avec la bénédiction que la joie et l’unité qu’apporte cette fête de Souccot nous conduisent à la rédemption complète, au retour des captifs dans leurs foyers, et nous rapprochent de la reconstruction du Temple et de l’avènement du Olam Haba