Peut-on accepter le don d’une femme sans l’accord de son mari ?

Peut-on accepter le don d’une femme sans l’accord de son mari ?

Le rav Ovadia Sforno (16e siècle) souligne qu’il y a une référence à cette halakha dans le verset décrivant l’apport des matières premières à la contribution du Tabernacle  : Et les hommes vinrent avec les femmes : tous ceux dont le cœur était bien disposé apportèrent des boucles, des anneaux, des bagues, des bracelets etc (exode 35, 22) . Explique le rav Sforno le sens du verset, qu’avec les femmes bénévoles, leurs hommes sont venus donner leur consentement afin que les responsables reçoivent d’eux leurs offrandes.

Le Talmud (baba kama 119a) postule que les Responsables des Offrandes (au Temple) perçoivent des femmes mariées uniquement des petites sommes et non des dons importants. La raison donnée est qu’il y a lieu de craindre le refus du mari, rendant cet argent comme étant volé. Même sans une intention explicite de la part de la femme de dépouiller son mari, (au contraire, elle pensait faire une bonne action en le consacrant à une bonne cause) le fait qu’elle n’est pas la permission de son époux entraine une considération illégale de ce don.

Ainsi trancha le Choul’han ‘Arou’h (yoré déa §248), seule une somme moindre est acceptable venant d’une épouse, car nous présumons qu’elle fut donnée avec l’accord tacite de son époux.

La valeur effective d’une somme moindre dépendra de la situation pécuniaire du mari.

[Une anecdote illustre cette règle ; Ravina se vit accepter des offrandes onéreuses, des bijoux en or, provenant des femmes de la famille des fils de Ma’houza, pour une cause charitable. En effet, pour ces nobles, ces bijoux étaient considérés comme un simple don…]

Evidemment, tout ceci ne sera applicable dans un cas de refus explicite du mari, comme l’affirme le Rosh dans ses responsas (13; 11). Dans cette éventualité, même un don minime se verra refusé.

Si la femme affirme, au moment du don, de l’accord explicite de son mari, nous pourrons accepter son offrande, peu importe la valeur de ce dernier, et ce, sans avoir recours à des quelconques preuves (noda biyéouda).

Il y a lieu de souligner que cette loi concerne tout capital financier placée sous le contrôle du mari. De la sorte, le patrimoine que la femme reçue lors de son célibat, de même qu’un héritage obtenu par un proche parent, ou sa solde acquise en étant mariée, toutes ces entrées seront concernées par cette loi. Le fait que son mari puisse tirer profit de ces derniers, en échange du devoir de subvenir à ses besoins quotidiens, entraine une propriété partielle sur ces biens. Un accord sera donc requis pour des dons importants.

Changement de statut de la femme mariée

Cependant, l’usage s’est répandu au temps du Talmud que l’homme confiait à sa femme la gestion de l’argent, conférant ainsi à la femme un certain pouvoir pour effectuer les transactions relatives aux biens du couple. Le Raavan (au 12eme siècle) fixa, suite à ce changement, la possibilité d’accepter un don, même important, de la part d’une femme mariée. Possédant la permission de son mari pour s’assurer des finances familiales, il y a lieu d’inclure dans cette procuration une certaine confiance pour les sujets de charité.

Néanmoins, des décisionnaires ont contesté cette extrapolation du droit attribué à la femme. Le Maharchal (yam chel chlomo §10; 59), entre autres, admet le statut de tuteur de la femme pour permettre une certaine liberté dans la gestion du patrimoine, mais cela n’inclut en aucun cas la dilapidation, même sacrée, de ce même patrimoine. Il faudra donc déterminer au cas par cas la confiance du mari envers son épouse pour permettre une offrande importante.

Statut des femmes subvenant aux besoins de leurs foyers

Un autre changement du statut initial de l’épouse survint avec le début de l’émancipation de la femme due à ses débuts dans le monde professionnel. Elles participent donc au maintien quotidien de la maison. L’avis des décisionnaires divergent dans le cas d’une femme subvenant à la majorité des besoins de la maison, son mari ne pourvoyant pas à ses besoins à elle. Dans un tel cas de figure, son mari aurait-il un quelconque droit sur ses entrées financières?

Rav Wozner (shevet halévy 2; 118) ramène les propos du Maharchal pour légitimer le droit du mari sur les entrées de son épouse, et ce même si c’est sa femme qui subsiste aux besoins de la famille. Malgré tout, concernant les dons, même cet avis permettra à l’épouse d’offrir une somme importante, nonobstant l’absence d’accord explicite du mari. Au contraire, la logique voudrait qu’il la laisse offrir selon ses désirs, une opposition pourrait entrainer l’arrêt de sa contribution…

Ainsi conclura le ‘Arou’h HaChoul’han (yoré déa §248).

Don de charité selon la position de la femme

Une autre permission se trouve dans le Ben Ich ‘Hai (even haézer 2; 32) concernant l’aide financière qu’une femme voudrait apporter à un proche, en fonction de ses moyens. Concernant cette volonté altruiste, le mari ne pourra exprimer son opposition. Son refus, même explicite, ne sera pas pris en compte, vu que la réputation de ladite femme pourrait en être affectée.

Un avare s’opposant à l’offrande de sa femme

La question se posa chez nos décisionnaires concernant un mari avare se retenant de donner de la charité selon ses moyens, si son épouse pourrait en donner sans attendre son accord?

Le ‘Arou’h HaChoul’han écrit qu’il y lieu de lui permettre à distribuer son argent, et son raisonnement : car nous tenons fondamentalement que le Beth-Din peut obliger à donner la Tsédaka, et bien qu’aujourd’hui nous avons perdu ce pouvoir-là, malgré tout, si le Rav de la ville affirme à la femme qu’en fonction du niveau social du mari, dans un temps où nous avions les mains fermes nous aurions pu le forcer à donner une somme quelconque, elle pourra donner. Toutefois, il reste évident que la femme ne pourra pas juger cela par elle-même.

En résumé

On reçoit des femmes mariées sans l’accord du mari uniquement des petites sommes, et non des dons importants. Evidemment, dans un cas de refus explicite du mari, même un don minime se verra refusé. La valeur effective d’une somme mineure dépendra de la situation budgétaire du foyer.

Une femme qui veut donner en fonction de son rang social, ou pour des proches de sa famille, il se peut que le mari ne puisse pas l’en empêcher.

Une femme subvenant aux besoins essentiels de la maison, comme c’est le cas pour la plupart des Avreck’him, étudiant la Torah en s’appuyant sur les revenus de leurs femme, il semble évident que l’on puisse recevoir d’elle, même une somme importante.

About The Author

Ancien élève de la yéchiva de Poniewicz. Auteur de plusieurs brochures, en particulier sur le traité Horayot, l'astronomie et le calendrier juif. Se spécialise sur les sujets de Hochen Michpat. Co-directeur du centre de Dayanout Michné-Tora à Jerusalem.

Comments (1)

  • Emmanuel

    Et qu’en est il si la femme “déduit” l’offrande de ce que le mari lui laisse pour ses emplettes personnelles? Peut-elle les utiliser?
    Voire prétendre que si son mari ne regarde jamais combien elle depense pour elle même et ne lui limite pas son budget (on va dire qu’il lui fait confiance qu’elle ne va pas exagérer…) alors elle peut dire qu’il n’a pas non plus à regarder combien elle donne à la tsedaka…?

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