Pessah – Le Juif ou le pouvoir de la question

Pessah – Le Juif ou le pouvoir de la question

Le récit de la sortie d’Egypte, Mitsva centrale du Seder de Pessah, s’inaugure par le chant bien célèbre de Ma Nichtanales 4 questions, chanté ce soir-là dans toutes les familles juives, traditionnellement par le plus jeune convive. L’idée même d’ouvrir le récit par des interrogations a un lien profond avec la fête de Pessah, fête de liberté, ne se référant pas seulement à la liberté de l’asservissement du corps mais aussi à la liberté de l’âme. Or, une personne n’atteint véritablement la liberté que lorsque tous ses problèmes refoulés ressortent, libre d’ouvrir une discussion, de poser des questions, sans même obligatoirement les résoudre.

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Dans le passage suivant, la Hagada explique que la Torah s’adresse à quatre type de fils: le sage, l’impie, le simple et celui qui ne sait pas poser de questions. L’ordre dans lequel sont introduits ces quatre fils n’est pas par hasard, même si à priori le fils impie aurait plutôt dû être placé au bout de la ligne et non immédiatement après le sage. En fait, ces enfants-là représentent quatre façons de poser des questions. En ce sens, le Racha (impie) est le fils le plus ressemblant au sage, dans son éveil au questionnement. Le plus problématique est le dernier de la liste, celui qui n’a pas de question, ne participant pas à la conversation, et risquant ainsi de ne pas s’intégrer à la grande famille Juive.

En Hébreu on trouve plusieurs mots pour désigner la notion de connaissance : HokhmaBinah et Daath. Respectivement: sagesse ou intelligence créative, compréhension ou intelligence analytique, connaissance ou capacité de décision. Le Zohar caractérise la nature de Hokhma par l’une des permutations du mot Hokhma lui-même : koa’h mapuissance du quoi. Cela révèle la racine ainsi que la définition de toute sagesse : le pouvoir de poser des questions.

Tout le déroulement de cette soirée extraordinaire répond à ce souci d’éveiller l’étonnement des enfants, y compris l’enfant qui sommeille en chacun de nous. Car il ne s’agit pas de raconter mécaniquement la sortie d’Egypte comme une histoire ancienne figée dans le passé mais de susciter des interrogations et d’interpeller chacun dans ce que ce récit peut évoquer pour lui aujourd’hui.

L’utilité des connaissances que nous acquérons dépend de la qualité des questions que nous posons. Ces questions sont l’étape préliminaire de la découverte. Considérez la possibilité que tout ce que nous savons aujourd’hui du monde où nous vivons soit le fruit de la curiosité des êtres humains. C’est ainsi que la théorie de la relativité d’Einstein est née, d’une question à laquelle il réfléchissait déjà lorsqu’il était encore adolescent : à quoi lunivers ressemblerait-il si je me déplaçais à la vitesse de la lumière. La chaine de restauration McDonald’s qui est devenue un symbole international est née lorsque Ray Kroc s’est demandé : où puis-je trouver un bon hambourgeois lorsque je voyage. Ainsi, toute créativité est alimentée par une forme d’interrogation.

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Pourtant, la plupart d’entre nous posons systématiquement les mêmes types de questions, et ceci afin d’obtenir des réponses qui nous conviennent ou auxquelles nous sommes habitués. Quoi de plus confortable que de ne poser que les questions qui nous arrangent et dont les réponses nous conviennent. La soirée de Pessah a pour ambition d’éveiller notre intelligence à interroger de façon pertinente. L’exode d’Egypte est le début de toutes libérations de cultures étrangères ou autre formes de servitudes qui viennent s’alourdir sur l’homme, diminuant l’espace interne dans lequel il peut, à travers les questions, se découvrir et découvrir sa foi.

Nous sommes un peuple qui pose des questions. Nous connaissons tous l’anecdote à propos d’un goy qui a demandé à un juif: Pourquoi un juif répond-il toujours à une question en posant une autre question? Le Juif lui dit: Pourquoi pas?

Ainsi, la Torah orale est basée elle aussi sur la remise en question et l’interrogation, et d’ailleurs elle commence même par une interrogation : Méématay – Depuis quand? Tel est le secret du Judaïsme que nous dévoile la Hagada de Pessah, l’art de poser des bonnes questions.

About The Author

Ancien élève de la yéchiva de Poniewicz. Auteur de plusieurs brochures, en particulier sur le traité Horayot, l'astronomie et le calendrier juif. Se spécialise sur les sujets de Hochen Michpat. Co-directeur du centre de Dayanout Michné-Tora à Jerusalem.

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