Un mariage annulé juste avant le Coronavirus

Un mariage annulé juste avant le Coronavirus

Question

Le mariage de Yossi et Chira qui devait avoir lieu Roch Hodech Nissan a malheureusement été annulé un mois auparavant. Alors que les préparatifs étaient déjà bien avancés, Yossi a dû tout décommander. Bien entendu, il n’a pu récupérer les avances qu’il avait fait, et le gérant de la salle lui demanda même de régler l’intégralité du montant prévu, étant donné qu’il n’a aucun moyen de trouver un nouveau client dans ce laps de temps.

Cependant, un nouvel élément totalement inattendu changea la donne, il s’agit de l’épidémie du Coronavirus. Comme nous le savons, l’une des mesures qui a été prise par le gouvernement fut la fermeture des salles de réception. Il s’est donc avéré que de toutes façons ce mariage en question ne pouvait avoir lieu en ce Roch Hodech Nissan.

La question qui préoccupa Yossef est de savoir si cela est une raison valable pour le dispenser de payer la salle, comme pour tous ceux qui n’ont pu réaliser leur mariage à cause du Coronavirus. Car bien que contrairement aux autres cas, son mariage a été annulé indépendamment de cette épidémie, cependant il s’est avéré après-coup que de toutes manières il n’aurait pu avoir lieu cette date là, donc pourquoi ne pas le dispenser ?

Réponse

Nous trouvons un cas similaire dans le Chout Rema (responsa 50), au sujet d’une communauté qui avait embauché un rav et la communauté s’est ensuite rétractée. Par la suite, le climat est devenu invivable au point où tous les habitants de la région étaient contraints d’aller ailleurs. Par conséquent, cette communauté a été dissoute et la recherche de rav n’était donc plus d’actualité . La question évidente se souleva de savoir si la communauté a le devoir de rémunérer le rav ou pas.

Le Rema trancha que bien qu’il s’agisse d’une makat medina (plaie nationale), et que selon nombreux avis l’employeur est dispensé de payer (voir https://michnetorah.com/coronavirus-sommes-nous-dispenses-de-payer-le-salaire-des-gananot/), malgré tout étant donné que la rétraction de la communauté a eu lieu avant cette plaie nationale, l’obligation de payé qui était déjà existante auparavant reste maintenue.

Face à cet avis, s’oppose le Chaar Michpat (333;1) qui tranche de ne pas obliger la communauté à payer le rav.

Il explique que probablement le Rema s’est appuyé sur un cas cité dans la Gemara (baba metsia 36b) au sujet d’une personne qui vola une bête qui finit par mourir chez lui, et la Gemara tranche que bien qu’elle serait morte aussi chez son propriétaire, malgré tout il doit rembourser cette bête, car même si elle était restée en vie elle serait toujours entre les mains du voleur, et donc il garde l’obligation de restituer ce vol comme tout objet volé. Nous voyons donc qu’à partir du moment où s’est installé chez une personne le devoir de payer, il ne pourra plus être dispensé même si une nouvelle donnée le dispensant s’est ajoutée.   

 Mais le Chaar Michpat conteste cette preuve, car pour lui on ne peut comparer le cas de l’employeur à celui du voleur. Contrairement au voleur, chez l’employeur-employé, l’emploi se renouvelle tous les jours, et donc l’obligation d’hier n’a aucune valeur pour aujourd’hui, et au jour d’aujourd’hui où il y’a une makat medina, il n’y a pas d’obligation. Le Chaar Michpat prouve son argument à partir d’un Ritva (kidouchin 16b) qui dispense un esclave qui s’est enfui et qui par la suite est tombé malade.

Pour défendre l’opinion du Rema, le Ere’h Chay propose d’expliquer que dans le cas du rav, s’il avait accepté ce poste dans une autre région il n’aurai pas subi cette plaie, et donc cette communauté a le devoir de le dédommager selon le principe de garmi (entrainer une perte). Il propose aussi que le changement de climat n’est pas considéré comme makat medina.   

Cependant, tout cela est dit pour un emploi, mais dans notre cas où il s’agit d’une location de salle, il y’a lieu de différencier. Car il existe une discussion entre les décisionnaires (334;1) dans le cas où le locataire est mort si les héritiers ont le devoir de continuer à payer la location, et le cœur de la discussion est de savoir si on peut considérer une location comme une vente. Selon le Rachba toute location immobilière est considérée comme une vente, et donc les héritiers devront régler la totalité de cette location, tandis que pour le Morde’hi cela n’a rien avoir avec une vente mais il s’agit simplement de paiement pour l’usage, et donc pas d’usage pas de paiement. Le Cha’h (334;2) s’allonge pour défendre le Morde’hi, et explique que même si toute location est comparé à une vente pour les sujets de onaa, toutefois c’est une forme de vente qui se renouvelle tous les jours, et dans le cas où le locataire est mort, cette “vente” ne se renouvelle pas.

Le Rema coupe la poire en deux et fait dépendre de qui est mou’hzak (détient l’argent), si le locataire à déjà régler la location, le propriétaire n’aura pas l’obligation de lui rendre l’argent. Mais s’il n’a encore rien avancé, il sera dispensé.

A partir de ce qui a été dit, revenons à  notre cas du mariage annulée. Il est vrai que selon le Chout Rema, Yossi aura l’obligation de payer la salle. Mais pour le Chaar Michpat, cela dépendra de la discussion précitée si l’on considère une location comme une véritable vente ou pas, ou alors comme une forme de vente qui se renouvelle chaque jour. Il faut ajouter que selon l’arguement du Ere’h Chay, même le Rema serait d’accord dans notre cas, car contrairement au cas du rav de communauté qui aurait pu être dans une autre communauté et aurait échapé ainsi à cette plaie, le propriétaire de la salle ne pouvait en aucun cas avoir un autre client.

Conclusion

Au niveau de la hala’ha, si Yossi n’a encore rien payé ou alors en ce qui concerne la partie qu’il n’a pas encore régularisé, il pourra se dispenser en disant kim li (je tiens) comme le Chaar Michpat et non comme le Chout Rema (ou comme nous l’avons dit selon le Ere’h Chay même le Rema serait d’accord), et cela en s’appuyant sur le Morde’hi et le Cha’h qui ne considèrent pas une location comme une véritable vente.

Mais dans le cas où Yossi a fait une avance, il ne pourra pas la récupérer.

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.

Comments (1)

  • Emmanuel

    Likhora d apres le mordekhi (bava vatra 529) ca ressemblerait au cas ou le sokher esr parti de la maison de son plein gré et donc le maskir peut faire ce qu il veut de la maison meme la relouer d apres le sma’ (316,3) et même pour le ktsot qui esr holek, il est d accord que ca s appelle que le oulam revient au maskir et donc le sokher doit payer et ce qui se passe après n est plus de son ressort ?

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