Bamidbar – Comme la Ronde des Camps

Bamidbar – Comme la Ronde des Camps

Notre Paracha inaugure le quatrième Livre de la Torah, Bamidbar, nous décrivant toutes les tribulations des tribus d’Israel. Dans celle-ci, nous procédons tout d’abord au décompte des Enfants d’Israel, puis à leur emplacement particulier au sein du campement. Trois tribus à chaque point cardinal. Chaque tribu possédant son propre drapeau, à son effigie.  

Le Midrach Rabba (Nombres 2,3) nous dévoile la provenance de ces banderoles en ces termes : « Lorsque D.ieu se dévoila au mont Sinaï, 220 000 anges descendirent pour l’accompagner. Ceux-ci étaient réunis par groupes et brandissaient des drapeaux. Quand les enfants d’Israel virent cela, ils désirèrent eux aussi avoir des étendards !

‘Si seulement pouvons-nous en avoir de semblables!’ implora le peuple. D.ieu leur répondit alors : ‘Si vous les désirez, alors Je satisferai votre requête ! ».

C’est à Matane Torah qu’est né cette idée de planification des tribus autour du Michkan, à l’image de ces groupes de Mala’him (anges) placés autour du Trône Céleste.  C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle nous lisons le jour de Chavouot la Haftara de Ye’hezkel, nous décrivant le Ma’asé Merkava, le Char Céleste entouré par Quatre Créatures, chacune ayant quatre visages et quatre ailes…

Il y a lieu de méditer sur cette envie de posséder ces étendards. Qu’y avait-t-il de si particulier dans ce positionnement des anges pour éveiller ce désir? Pourquoi dépendaient-ils d’un quelconque ordre divin pour reproduire cette scène ?

De plus, nous trouvons dans le Midrach un étonnement mystérieux des Nations du Monde face au spectacle des drapeaux d’Israël. A leur vue, ces derniers proposèrent aussitôt « Chouvi, Chouvi, HaChoulamit!»« Reviens, Reviens, la Choulamite! » (Cantique des Cantiques 7). Nos Maîtres interprétèrent leur injonction : « Il vaut plus la peine pour vous d’adhérer à notre système, nous ferons de vous des ducs et des évêques… ».

Bien sûr, cette proposition de la part des Nations n’avait pas comme initiative d’améliorer la situation du peuple d’Israël, mais n’était que le résultat d’une jalousie intense devant la grandeur d’Israël exprimée par ce positionnement.

Mais qu’y avait-il de si extraordinaire dans cet arrangement des camps ?  Seraient-ce les drapeaux ? Quelle différence alors avec tous ces états qui se distinguent aussi par leurs drapeaux, de même que les armées où les différentes unités se reconnaissent grâce à leurs étendards ?

En fait, les Peuples admiraient et restaient stupéfaits devant l’équilibre régnant au sein du peuple d’Israël. Face à eux, une réalité contredisait leur vision du monde, une réalité où l’importance de l’individu n’entrainait aucun désir de pouvoir, où le niveau élevé de l’individuel s’intègrait parfaitement dans les règles de l’égalité. Cette vision est en totale opposition avec leur regard où l’ambition personnel ne peut exister que dans une structure de hiérarchie, structure mettant en place la supériorité de l’un sur l’autre. Cette harmonie entre l’individu et la collectivité leur était insupportable.

La réponse du peuple d’Israël à cette proposition tendancieuse fut : « Mah Te’hezou BaChoulamit, Kim’holat HaMa’hanym? » – « Qu’avez-vous vu chez la Choulamit, et qu’avez-vous à nous proposer, serait-ce comme la ronde des camps!? ».

Ils définirent l’ordre de leur stationnement comme étant “une danse”. La danse s’exécute en un cercle, et, comme l’explique le Maharal de Prague, le cercle est caractérisé par le fait que tous ses points tournent autour du même centre, et sont à égale distance de ce dernier.

En fait, le secret de cet équilibre qui régnait dans le Klal Israël se trouvait dans le placement du Ohel Mo’ed, au centre et au cœur de leur cantonnement. Par cela, l’aspiration de l’individu était générée et dirigée toujours depuis et vers le centre, le point de la Présence Divine. Cette position comme une Danse était la garantie de la tenue de chacun à égale mesure, empêchant par cela des dérapages à droite ou à gauche.

La Knesset Israël est construite de telle manière à ce que des quatre coins du monde, tous se dirigent vers le centre, le lieu de la Présence Divine. Ce fut ainsi lors du campement dans le désert autour du Michkan, et également lors de leur entrée en Israël, où chacun résidait sous sa vigne et son figuier, tout en étant placé autour de Jérusalem et du Mont du Temple (voir préface du Sefer ‘Harédim). Par cela, l’égalité n’était pas en contradiction avec le particulier de chaque tribu, au contraire, la préservation de l’identité tribale était la seule garantie de l’unité du peuple juif. Il suffit de constater comment la Torah a donné les limites territoriales exactes à chaque tribu, et comment chacune d’entre elle avait son drapeau propre, représenté par son dessin spécifique, sa couleur (le drapeau de Réouven peint en rouge de Mandragores, le drapeau de Chim’on peint en vert la ville de Schem etc).

Cet équilibre est recherché par l’humanité depuis des milliers d’années. Elle a ainsi prouvé son incapacité à la comprendre, car ne faisant qu’osciller entre des régimes de dictature qui piétinent l’individu et des régimes démocratiques désespérées, où la notion de ‘centre’ n’existe pas, chacun faisant ce qui lui plaît.

Il semblerait que ce soit là l’idée à l’origine de la question sur la place de l’Arche dans la synagogue, comme le propose le Rav Israël David Margulies dans son livre Mecholat  Hamahanaïm. Ce sujet fit polémique au temps du Chatam Sofer qui a combattu à son époque contre les groupes réformateurs. Entre autres décisionnaires, il a tenu fermement à placé la Téva (Arche) exactement au milieu de la synagogue, comme mentionné dans le Talmud au sujet de la synagogue d’Alexandrie en Egypte et repris également dans les écrits de Maïmonide. Cet auteur donne comme raison à ce placement une similitude à l’autel du Beth HaMikdach, situé au milieu du Temple.

Selon nos dires, il est possible que la structure de la synagogue soit basée sur le positionnement du peuple d’Israël autour du Ohel Mo’ed se trouvant au cœur des camps. La Téva, servant à la lecture de la Torah, symbolise le Ohel Mo’ed dans lequel se trouvait la Parole Divine. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les synagogues séfarades et principalement yéménites sont construites de telle sorte à ce que le public forme un ‘Het, les personnes étant assises tout autour de la Téva (sauf devant celle-ci, car il aurait fallu alors donner dos au Hé’hal), et non pas comme les synagogues ashkénazes où le public est assis face à l’Arche sainte. Ainsi peut-on le voir dans la plus ancienne synagogue d’Europe, l’AltneuShul (Synagogue Vieille-Nouvelle quartier juif à Prague – établie en 1270), où la Téva se situe bien au milieu de la pièce.

Pour conclure, nous pouvons dire que ce désir de concilier assemblée et individu, unité et originalité, eut comme origine les Anges, ces Serviteurs Célestes, sur lesquels il est dit : « ‘Ossé Chalom Bimromav » / « Il amène l’harmonie dans Ses hauteurs ».

Cette recherche de l’harmonie ne pouvait être aboutie par le seul travail humain, seule une Aide Divine, du fait du don de l’Idéal, pouvait nous satisfaire. La Torah, que nous nous apprêtons à recevoir dans une semaine, se doit d’être le seul moyen d’atteindre le véritable Chalom, objectif de ce Monde.

About The Author

Ancien élève de la yéchiva de Poniewicz. Auteur de plusieurs brochures, en particulier sur le traité Horayot, l'astronomie et le calendrier juif. Se spécialise sur les sujets de Hochen Michpat. Co-directeur du centre de Dayanout Michné-Tora à Jerusalem.

Comments (1)

  • md

    En plus de son message de Thora avec tout ce qu’il comporte comme détails et explications concernant le positionnement du camp d’Israel et son objectif harmonieux, ce commentaire me ravit par la beauté de sa finalité, sans parler du fait qu’il nous fait subtilement traverser l’histoire et nous instruit sur les differentes configurations des synagogues et leurs différences.
    kd

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