Nous écrivons l’Histoire
Nous avons la chance de traverser aujourd’hui une période sans précédent. Une période où l’Histoire s’écrit sous nos yeux — la grande Histoire. Dans cette guerre face à l’Iran, la main de Dieu se révèle avec une clarté saisissante. La réussite éclatante de l’attaque israélienne en territoire iranien dépasse l’entendement. Même les experts militaires les plus aguerris le reconnaissent : une telle perfection — précision technique, coordination, timing etc — dépasse tout ce que la stratégie humaine peut accomplir seule. À tel point que même ses organisateurs n’avaient pas osé en espérer un tel succès. Il faut le dire avec clarté : un tel accomplissement n’est possible qu’avec l’aide directe et la protection de Dieu.
La Mesure du Miracle selon Notre Confiance
Il faut comprendre que la grandeur du miracle dépend toujours de la grandeur de notre bitahon – ce sentiment profond que nous sommes entièrement entre les mains d”Hachem, et uniquement entre Ses mains. Lors de l’ouverture de la mer Rouge, Dieu dit à Moché : “Parle aux enfants d’Israël et qu’ils avancent” (chemot 14; 15). Rav Haïm de Volozhin explique : s’ils avancent avec une foi pleine et une confiance totale, la mer s’ouvrira devant eux, non pas par décret céleste, mais par la force même de leur bitahon. Le miracle naît de la confiance. Dans le même esprit écrit Rabbeinou Yona : “lorsqu’une détresse approche, l’homme doit garder au fond de son cœur la certitude du secours divin, et s’y appuyer pleinement.”
La Faute des explorateurs : rupture entre la sortie d’Égypte et l’entrée en Israël
C’est précisément cette confiance en Hachem qui a fait défaut lors de la faute des explorateurs. Devant la perspective d’une guerre contre des peuples puissants, face aux géants, aux villes fortifiées, aux nations comme Amalek, les Bné Israël ont eu peur. Ils ont douté. Et ce doute leur a coûté leur vie dans le désert et leur a fermé les portes d’Israël.
Pour quelle raison une telle punition ?
Le Maharal de Prague explique que ce doute a brisé le fil invisible mais essentiel qui relie la sortie d’Égypte à l’entrée en Israël. A travers ce manque de confiance en Dieu suite au discours des explorateurs, le peuple a créé une rupture fatale entre la sortie d’Égypte et l’entrée en Israël. À l’origine, l’entrée en Terre Promise devait être la continuité naturelle, l’aboutissement glorieux de la sortie d’Égypte. C’est seulement ainsi qu’ils avaient droit à cette terre. Mais en brisant l’élan des miracles de la sortie d’Égypte, en éteignant leur impact, ils ont perdu cette légitimité originelle. Et même lorsqu’un autre peuple entrera plus tard dans la Terre, ce lien étant déjà brisé, l’entrée n’aura rien d’éternel. Deux fois, le Temple sera détruit.
Le Défi de la Transition : Du Miracle au Naturel
Car le véritable enjeu était le suivant : seront-ils capables de voir que la même main de Dieu qui agit dans le miracle manifeste, agit aussi, voilée, dans la nature quotidienne ?
Le passage l’Égypte à Israël signifiait être capable d’intégrer une vérité fondamentale : la rencontre extraordinaire qu’ils avaient eue avec Hachem sous forme de miracles éclatants lors de la sortie d’Égypte pouvait exister également dans une dimension plus naturelle, plus matérielle, mais tout aussi divine en Terre d’Israël. Car cette terre est le lieu par excellence de la providence divine, comme il est écrit : “Les yeux de l’Éternel, ton Dieu, sont constamment sur elle, depuis le début de l’année jusqu’à la fin de l’année.” (dévarim 11; 12).
Les miracles d’Égypte étaient spectaculaires. Ceux de la Terre d’Israël sont silencieux. C’était cela le test : passer d’une conduite miraculeuse visible à une conduite miraculeuse cachée sous les lois naturelles.
Mais les Bné Israël n’ont pas su faire ce passage. Ils sont restés prisonniers d’une conception figée de la divinité, pensant que Dieu ne se manifeste que dans l’extraordinaire, uniquement dans ce qui brise les lois naturelles. Ils n’ont pas su reconnaître Sa présence dans l’épaisseur du réel — dans la terre, dans la guerre, dans la stratégie, dans le quotidien. Et plus profondément encore : ils n’ont pas su changer de regard, changer de dimension. Ils n’ont pas réussi à se projeter dans un avenir nouveau, où la relation à Dieu se vit autrement. Ils n’ont pas osé imaginer un futur où le miracle se cache dans la nature, où la sainteté s’exprime dans le concret. Alors, paralysés par une vision ancienne, incapables de se renouveler intérieurement, ils ont refusé de faire la guerre. Non pas par manque de courage, mais parce qu’ils ne voyaient plus Dieu dans cette étape-là. Et c’est précisément cela, leur chute.
Le Mépris de la Terre Sainte
C’est pourquoi David hamelekh dira plus tard à leur sujet : “Ils ont méprisé Ma terre précieuse” (Psaumes 106,24). Ainsi nos sages expliquent cette faute comme un lashon hara (médisance) sur la Terre Sainte. Pourtant, il s’agissait bien d’une faute de bitahon ?
Car en réalité, ils avaient certes confiance en Dieu, mais uniquement dans Sa conduite totalement miraculeuse, pas dans Sa conduite naturelle.
C’est un mépris de la Terre sainte elle-même, au sens profond, car ils n’ont pas perçu la divinité cachée dans la matière, dans la puissance de cette terre, dans ses fruits, dans ses géants. Ils ont vu la forme, mais pas la force divine qui l’habite.
La Véritable Nature du Bitahon
C’est ici que se dévoile la véritable nature du bitahon. Il ne s’agit pas d’une foi naïve selon laquelle Dieu exaucera automatiquement ce que nous espérons, ni d’une simple acceptation passive des événements. Le véritable bitahon, c’est de s’inscrire soi-même dans la dynamique du miracle.
Car en réalité, Il existe deux conduites du monde : Il y a une conduite de Dieu qui s’opère à travers la nature, et une conduite qui dépasse la nature. C’est, en réalité, la distinction entre le nom de Elokim et le nom de Havaïa – entre la midat haDin (justice) et la midat harahamim (miséricorde). La conduite naturelle, est dirigée par les forces secondaires, et la conduite miraculeuse, dirigée directement par Dieu.
Le bitahon permet à l’homme de s’arracher à la conduite naturelle pour s’inscrire dans celle du miracle. Comme à la mer Rouge : c’est leur confiance qui a déclenché l’ouverture. A ce moment-là, l’homme peut bénéficier de choses incroyables, d’une protection particulière de la Main de Dieu.
Il semblerait que même le ‘Hazon Ich, qui définit le bitahon comme l’acceptation confiante du décret divin, ne nie pas qu’en période de miracles visibles — comme à la sortie d’Égypte — l’homme doit choisir de s’inscrire dans cette dynamique miraculeuse. Ce choix appartient à l’homme.
Le Regard qui Transforme la Réalité
Le secret de ce bitahon dépend de nous, et uniquement de nous. Quel regard portons-nous sur la réalité ? Un regard superficiel comme celui des explorateurs, conditionné par leurs peurs et leurs limitations, ou un regard spirituel profond, capable de nous élever au-dessus de la matière ?
Mais pour cela, il faut se voir nous-mêmes comme dignes de miracles. Comme un peuple choisi, protégé, aimé.
Les explorateurs ont dit : “Nous étions à nos propres yeux comme des sauterelles, et c’est ainsi que nous étions à leurs yeux.” N’aurait-il pas suffi de dire simplement qu’eux nous voyaient comme des sauterelles ?
Ici réside une vérité extraordinaire : les autres ne te voient comme une sauterelle que si toi-même tu te vois ainsi. Si nous voulons être protégés, nous devons nous voir nous-mêmes comme des géants, comme un peuple qui mérite ces miracles.
Le bitahon dépend de la façon dont nous nous considérons. La seule chose qui empêche l’homme d’accéder au bitahon, c’est la faute — comme l’a vécu Yaakov avant sa rencontre avec Esav.
Notre Mission Historique
Si donc la faute des explorateurs a été de briser le lien entre la sortie d’Égypte et l’entrée en Israël — et si cela a conduit aux deux destructions du Temple — il nous revient aujourd’hui de réparer cette rupture. Il nous revient de prolonger l’impact des miracles d’Égypte jusqu’au cœur même de notre Terre.
Mais il y a des moments propices pour cela dans l’histoire.
L’Heure de la Réparation
Et peut-être qu’un moment rare s’offre à nous aujourd’hui.
Nous voyons combien Hachem protège Son pays, dans une situation si précaire, entourés uniquement d’ennemis. Nous sentons que derrière l’armée, les avions, les technologies, Quelqu’un nous porte.
Nous commençons à entrevoir comment une horreur aussi indicible que le 7 octobre peut, malgré tout, prendre sens à nos yeux.
C’est le moment, plus que jamais, de rétablir le lien entre les miracles de la sortie d’Egypte et la Terre d’Israël. D’inscrire cette guerre dans la continuité de l’ouverture de la mer, où nous avons chanté ensemble : “Tu les amèneras et tu les implanteras sur la montagne de ton héritage…”. De comprendre que la main de Dieu qui nous a sortis d’Égypte continue de nous accompagner — si seulement nous choisissons de marcher avec elle.
La vérité, nous sommes déjà témoins d’un phénomène bouleversant révélant à quel point notre peuple est fait d’un amour indéfectible pour notre terre d’Israël : des dizaines de milliers de Juifs, bloqués à l’étranger, font tout leur possible pour revenir en terre d’Israël – malgré les menaces, les dangers, et les missiles qui tombent depuis l’Iran. Il n’existe aucun autre peuple comme le nôtre ! Peut-être est-ce là le début d’une réparation de la faute des explorateurs, qui avaient eu peur d’entrer en terre promise – alors qu’aujourd’hui, c’est justement au cœur du danger que résonne l’appel à y revenir, avec amour et foi.
Alors poursuivons ce chemin — et ne manquons pas ce rendez-vous avec l’Histoire.
Arrêtons de nous accrocher désespérément à ce qui est visible. Cessons de placer toute notre sécurité dans les systèmes de protection, dans les alliances humaines, dans l’Amérique. Finissons-en avec cette consommation frénétique d’informations, de rumeurs, comme si le fait de tout savoir allait nous rassurer, comme si nous pouvions, par la logique et le contrôle, retenir le monde qui vacille.
Tout cela n’est qu’illusion. Du sable qui glisse entre nos doigts.
Il est temps de lâcher prise. De nous détacher du bruit et de l’angoisse. De replacer notre confiance — entière, absolue — en Dieu seul.
Puissions-nous mériter très bientôt d’accueillir tous ensemble le Machia’h, et de chanter le chant nouveau de la Géoula.
“Et l’Éternel régnera sur toute la terre ; en ce jour-là, l’Éternel sera Un et Son Nom sera Un.”