C’est tout le peuple d’Israel qui a retenu son souffle cette semaine lors des funérailles de la famille Bibas, dont les corps ont été restitués la semaine dernière par le Hamas.
On n’oubliera jamais l’image de cette mère le visage ravagé par l’angoisse devant ses ravisseurs, serrant contre elle dans une couverture ses deux petits garçons. Une maman impuissante face à la barbarie.
Ariel, 4 ans, et Kfir, 8 mois lors de leur enlèvement au kibboutz Nir Oz. Deux visages d’anges aux cheveux roux devenus un symbole de la barbarie du 7 octobre.
Leur beau visage, si pur, leur sourire figé dans le souvenir, creusent un fossé infini entre le bien et le mal, entre la lumière qu’ils incarnaient et l’obscurité qui les a engloutis. La pureté face à la cruauté, la douceur face à la haine, la fragilité face à la monstruosité, l’espoir face au néant, la beauté face à l’horreur.
La symbolique des visages d’enfants dans le Saint des Saints
Dans notre paracha, la paracha Terouma, nous trouvons également deux visages d’enfants. Il est dit dans le Talmud que les Kérouvim (Chérubins), placés sur le Kaporet au-dessus du Aron (arche), avaient des visages de nourrissons.
Mais cela soulève une question : le Saint des Saints est l’endroit le plus sacré du Michkan, l’endroit où la Présence divine résidait et d’où Dieu s’adressait à Moché. Comment se fait-il que l’image d’un enfant—symbole d’innocence et de simplicité—soit placée précisément là, dans ce lieu d’une sainteté absolue ?
L’amour inconditionnel de Dieu : la leçon des Kérouvim
Il semble que le rapport avec un petit enfant symbolise un lien pur et inconditionnel. Même lorsque l’enfant pleure, dérange ou fatigue, les parents l’aiment sans condition. Tant que l’enfant est petit, on lui pardonne facilement, et l’amour qu’on lui porte ne dépend pas de son comportement.
Ainsi, les visages d’enfants sur les Kérouvim symbolisent l’amour pur et éternel de Dieu pour nous, un amour qui n’est conditionné par rien, tout comme les parents aiment leur enfant.
Parfois, en période difficile, il semble que l’amour entre Hachem et son peuple se soit éloigné – mais ce n’est pas le cas. Le Talmud raconte que lorsque les Romains ont pénétré dans le Saint des Saints, ils ont trouvé les Kérouvim enlacés et ont dit en se moquant : « Ces Israélites s’occupent de telles choses ? »
Ils n’ont pas compris la signification. Justement au moment de la destruction, Dieu a montré au peuple d’Israël qu’il ne les abandonnait pas. L’étreinte des Kérouvim est la preuve que le lien avec lui reste fort, même lorsque le chemin est long – nous ne nous séparons pas.
Lorsqu’un Juif prie et se dirige vers le Saint des Saints, il s’imagine comme un enfant sur les genoux de son père, sachant qu’il ne cessera jamais d’être l’enfant de son papa, en toutes circonstances et à tout moment.
Savoir donner et savoir recevoir : la dualité des Kérouvim
Mais pourquoi deux Kérouvim aux visages d’enfants ?
On retrouve selon les sages un autre aspect dans les Kérouvim : l’un est masculin et l’autre féminin. Cette dualité représente l’union essentielle et profonde entre l’homme et la femme.
En effet, pour que l’amour réside dans le couple, il faut ces deux éléments : 1) voir l’autre comme un petit enfant, 2) se voir soi-même comme un petit enfant.
Comme nous l’avons dit plus haut, voir l’autre comme un enfant signifie un amour inconditionnel, semblable à celui qu’on porte à un petit enfant, qui ne dépend pas de sa conduite. En effet, l’amour authentique naît du désir de donner comme l’explique en profondeur Rav Dessler.
Le deuxième élément nécessaire pour l’amour est de se voir soi-même comme un petit enfant. Cela signifie reconnaître notre propre manque, comprendre que nous sommes incomplets et que l’autre vient nous compléter.
Il s’agit de permettre à notre conjoint d’habiter notre espace intérieur, en créant un espace pour le recevoir tel qu’il est, avec ses forces et ses fragilités. Cela implique de capter et valoriser ses qualités, de l’écouter avec attention, et de lui permettre d’enrichir notre vision du monde. Cette dimension du savoir recevoir nous ramène à l’image de l’enfant qui, dans sa simplicité, sait s’émerveiller et s’ouvrir à ce qui vient à lui.
En d’autres termes, l’amour parfait réside dans l’équilibre subtil entre savoir donner et savoir recevoir.
Les frères Bibas : Kérouvim de notre mémoire collective
Le souvenir des beaux visages des deux frères Bibas peut représenter pour nous, le souvenir des deux Kérouvim du Michkan. Leurs cheveux roux, éclatants, rappellent même la matière d’or des Kérouvim.
Souvenons-nous pour toujours de la pureté de leurs visages tellement jeunes, qui, comme ceux des Kérouvim, sont gravés dans nos mémoires, figés dans leur jeunesse éternelle. Ce souvenir nous rappelle que nous devons être comme des enfants, totalement dépendants des Mains de notre Père, du Saint-Béni-Soit-Il, des Mains Divines qui nous entourent d’un amour incommensurable et inconditionnel, qui ne faillit jamais, même dans les moments les plus sombres.
Souvenons-nous aussi que comme des enfants, nous sommes manquants et avons besoin de l’autre, de celui qui est à nos côtés, celui qui remplit nos vies et leur donne sens.
Et souvenons-nous également que cet autre, lui aussi comme un enfant, a besoin de nous. Nous devons lui offrir notre amour inconditionnel, sans attente, sans condition, même lorsque tout ne se déroule pas comme nous l’avions imaginé.
Ainsi, ce souvenir est notre Kérouv, celui du Mishkan qui réside dans nos cœurs.