Parachat Tazria-Metsora – La lumière en soi s’éveille dans l’admiration du bien chez l’autre

Parachat Tazria-Metsora – La lumière en soi s’éveille dans l’admiration du bien chez l’autre

Les oiseaux du lépreux face aux boucs de Yom Kippour

Au début de la paracha Metzora, la Torah décrit en détail le processus de purification du lépreux, processus dont la longueur et la complexité se distinguent nettement de celles de la purification des autres impurs – et même de celle du purificateur d’un mort. L’un des éléments centraux de cette paracha est le couple d’oiseaux purs : l’un est abattu et son sang sert à l’aspersion, tandis que l’autre est relâché « à travers la campagne ». Ce phénomène, où deux animaux purs sont traités de façon dichotomique – l’un pour la vie, l’autre pour la mort – rappelle fortement le service des deux boucs du jour de Kippour (Vayikra 16). Là aussi, deux boucs se tiennent – « deux boucs » – l’un choisi pour l’Éternel, est sacrifié en tant qu’offrande dans le sanctuaire et son sang aspergé dans le Saint des Saints, tandis que l’autre, le « bouc émissaire », est envoyé au désert.

Cette comparaison n’est pas fortuite : nos Sages anciens (Ramban, Rashbam, Rabbenou Behayé) l’ont déjà soulignée. Selon l’expression de Rabbenou Behayé : 

« L’oiseau vivant était envoyé dans les “champs en liberté”, qui symbolisaient les forces destructrices, inférieures aux puissances du désert qui recevaient un “pot-de-vin” le jour de Kippour. L’oiseau portait les fautes du lépreux, tout comme le bouc émissaire envoyé jadis au désert d’Azazel. »

Dans la Michna aussi, on retrouve une correspondance linguistique : à propos des deux boucs, il est dit : « Il faut qu’ils soient identiques en apparence, en taille, en valeur et qu’ils soient acquis ensemble » (Yoma, chapitre 6). La même formulation se retrouve dans la loi des oiseaux du lépreux (Negaïm, chapitre 4).

Cependant, malgré la similarité structurelle – un couple d’animaux, une division entre la vie et la mort, aspersion et envoi – on note pourtant une différence fondamentale dans le rôle de chaque élément du duo. Les boucs du Yom Kippour sont des sacrifices expiatoires, l’un sacrifié pour l’Éternel dans le Saint des Saints, pour expier la souillure du sanctuaire et de ses saintetés. Chez les oiseaux du lépreux, il n’est nullement question de sacrifice : même l’oiseau abattu ne sert pas d’offrande au sanctuaire, son sang est utilisé uniquement pour l’aspersion sur le Metsora, sans être offert sur l’autel.

De plus, lors du Yom Kippour, le bouc émissaire est envoyé dans le désert, précipité du haut d’une falaise et tué, symbolisant l’élimination des fautes et leur expiation. Chez le lépreux, l’oiseau relâché n’est pas tué ; au contraire, il est libéré « à travers la campagne » et s’envole vers sa liberté. Une autre différence essentielle concerne le sort : à Kippour, une loterie détermine quel bouc est pour l’Éternel et lequel est pour Azazel, tandis que chez le lépreux, aucun tirage n’est mentionné – la distinction entre les oiseaux dépend du choix du prêtre.

Ainsi, bien qu’il existe une ressemblance formelle entre ces deux passages, leur fondement et leur signification sont très différents. Nous allons tenter d’approfondir la portée de ces différences.

L’immersion de l’oiseau vivant dans le sang de l’oiseau abattu

De plus, il est intéressant de remarquer, dans le processus décrit chez le lépreux, que l’oiseau vivant est plongé dans le sang de l’oiseau abattu, avec un morceau de bois de cèdre, de l’hysope et un fil écarlate, avant d’être relâché.

Ce geste soulève une question : quel est le sens de cette immersion ? Il est possible d’y voir un symbole : le sang, signe de vie et de mort, passe de l’oiseau abattu à l’oiseau vivant, qui part ainsi porteur du sang de son compagnon. Que signifie ce transfert ?

Les boucs de Kippour : Symbole de la mise à distance du péché par rapport à l’homme et à son âme

Selon Ramban sur la paracha Aharei Mot, le lâcher du bouc vers Azazel exprime une idée profonde : le péché du peuple d’Israël n’est pas intrinsèque, mais extérieur et accidentel. Le bouc pour Azazel représente Essav et Édom – la racine étrangère des fautes d’Israël. Le bouc sacrifié dans le sanctuaire symbolise la sainteté de l’âme intérieure d’Israël.

La loterie des boucs enseigne que tout juif est toujours devant un choix : s’identifier à sa dimension intérieure, à son âme pure, ou bien se définir selon ses aspects extérieurs. Si l’homme s’attache à son intériorité, ses péchés apparaissent comme extérieurs et disparaissent naturellement. Mais s’il s’identifie à son aspect superficiel, ses fautes deviennent incrustées et dénaturent son être.

La faute du lépreux – née de la grandeur de l’âme

Les oiseaux du lépreux reflètent une réalité complètement différente de celle des boucs du Yom Kippour, car la faute du lépreux provient d’une autre source. Tandis que les fautes ordinaires trouvent leur origine dans le côté animal et extérieur de l’homme, qui tente de souiller l’âme, la lèpre provient d’une intériorité élevée – d’une incapacité à exprimer pleinement l’élan de l’âme.

Comme l’enseignent nos Sages (Arakhin 16), la racine de la lèpre est dans des traits négatifs comme l’orgueil et l’arrogance, qui sont eux-mêmes à l’origine des fautes de la médisance et de la calomnie.

Ainsi, l’offrande du bouc à l’Éternel exprime l’appartenance à l’âme divine et l’éloignement de toute influence étrangère. L’expiation et la purification s’opèrent alors, non par déni, mais par la révélation de l’identité authentique d’Israël.

Quand l’homme éprouve qu’il n’habite pas toute la profondeur de son âme

Pour approfondir, citons un remarquable commentaire de Rabbenou Yona sur la Torah (dans une œuvre peu connue) sur la paracha Vayikra :

« La mesure de l’orgueil ne vient que du sentiment de manque ressenti par l’âme en elle-même, même si l’homme ne le formule pas. Car l’âme, issue d’une source élevée, sent son insuffisance, et l’orgueilleux tente de combler ce manque en s’élevant au-dessus de ceux qu’il considère inférieurs à lui. »

En d’autres termes, l’homme porte en lui un profond sentiment de vocation inscrit dans son âme, mais s’il a du mal à réaliser ce potentiel, il va chercher à se rassurer en se concentrant sur les défauts des autres, pensant ainsi révéler ses propres qualités et son destin personnel.

Ainsi, à la différence des fautes issues d’influences extérieures et mauvaises, il s’agit ici d’une faute issue de l’intériorité, d’une non-réalisation de sa propre essence spirituelle. La quête de perfection personnelle peut, parfois, se déformer en orgueil, jalousie ou médisance.

La symbolique des oiseaux

L’abattage de l’un des oiseaux et l’aspersion de son sang dans la purification du lépreux ne sont pas destinés à une offrande sur l’autel, mais portent une signification symbolique profonde : le sang de l’oiseau, siège de la vie – comme il est dit « le sang, c’est la vie » – exprime ici la voie erronée par laquelle l’homme voulait donner un sens à son âme. Au lieu de bâtir sa force intérieure par une construction positive, le lépreux cherchait à s’agrandir en diminuant autrui, à se valoriser sur le dos des autres.

La leçon morale : cultiver sa propre valeur à travers l’accueil de l’autre

La réparation de la faute réside dans la profonde reconnaissance que cette voie est fondamentalement erronée. C’est précisément la capacité à reconnaître le bien chez autrui, à voir ses qualités sans se sentir menacé, qui permet à une personne de découvrir le bien unique en elle-même. Celui qui sait apprécier l’unicité de chacun, qui regarde le monde avec bienveillance et intégrité, parviendra finalement à trouver sa véritable valeur et à réaliser pleinement son âme.

L’immersion de l’oiseau vivant dans le sang de l’oiseau abattu symbolise ce renversement : l’homme doit diriger son énergie et son « sang » – sa vitalité et son âme – non pas vers la dévalorisation d’autrui, mais au contraire, vers l’ouverture et l’acceptation de l’autre. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra corriger sa vision déformée, et transformer les forces autrefois mobilisées pour la destruction en forces de construction et de vie.

L’oiseau vivant – il peut à tout moment revenir

Une idée profonde supplémentaire ressort des propos du Targoum Yonatan ben Ouziel, qui écrit que l’oiseau vivant relâché dans la campagne peut revenir vers la personne si celle-ci recommence à médire – comme un avertissement du retour possible de la lèpre. 

Selon ses paroles, on peut expliquer que le sang de l’oiseau abattu, collé au cou de l’oiseau vivant, est destiné à rappeler à l’homme la lourde responsabilité de ses paroles : ces mêmes paroles qui ont empoisonné l’atmosphère, blessé des personnes et causé des destructions sociales – portent encore en elles un potentiel de rappel et de réparation.

L’expiation et le retour à la vie ne sont possibles que si la personne modifie profondément son attitude : comprendre que le « mal » qu’il voyait chez l’autre n’était en réalité que le reflet d’un défaut dans sa propre parole, et que sa réparation dépend de sa capacité à donner à sa perception de l’autre une nouvelle dimension de joie, de confiance et de générosité.

S’il n’assimile pas ce message, l’oiseau reviendra avec le sang et le mettra en garde contre le retour de la lèpre – comme pour dire : tant que tu n’as pas corrigé la racine de ta vision, le risque de retomber dans la même faute plane toujours sur toi. Seul un renversement profond du point de vue – passer de la recherche du défaut chez autrui à la découverte du bien qui est en lui – peut véritablement guérir l’homme et le ramener à une vie pleine et sainte.

About The Author

Ancien élève de la yéchiva de Poniewicz. Auteur de plusieurs brochures, en particulier sur le traité Horayot, l'astronomie et le calendrier juif. Se spécialise sur les sujets de Hochen Michpat. Co-directeur du centre de Dayanout Michné-Tora à Jerusalem.