Bé’houkotai – Pourquoi la «valeur» attribuée à la femme dans la Torah est-elle moindre que celle de l’homme ?

Bé’houkotai – Pourquoi la «valeur» attribuée à la femme dans la Torah est-elle moindre que celle de l’homme ?

Bien que mon intention dans ce propos, ne soit pas de m’étendre ni de porter de jugement sur le statut de la Femme dans le Judaïsme, il est cependant impossible d’occulter dans notre Paracha, la différence flagrante au niveau de la valeur attribuée à l’Homme par rapport à celle accordée à la Femme. Dans le monde féministe d’aujourd’hui certains (ou plutôt certaines) diraient qu’il s’agit d’une inégalité ou d’une injustice.

« Mon âme ne vous ‘vomira pas »

Cependant avant d’aborder ce sujet, je voudrais me pencher sur une question dans notre Paracha qui à première vue n’a aucun lien avec notre sujet:

Au cœur des bra’hot de la Parachat Be’houkotai, nous relevons une promesse qui parait quelque peu «hors contexe». Il s’agit du verset « Je placerai Mon Michkan au milieu de vous et Mon âme ne vous prendra pas en dégoût » (Vaykra 26 ;11). Après que Hachem nous promet qu’Il résidera parmi nous, comment comprendre qu’il soit subitement question de nous « vomir » littéralement ?

Il est intéressant de constater que les lettres principales de ce terme “Ga’al” (prendre en dégoût au point d’en vomir), qui d’ailleurs n’apparait que dans cette paracha, sont le ‘guimel ‘ et le ‘ lamed ‘, dont les valeurs numériques sont respectivement : 3 et 30. Les mêmes valeurs que celles attribuées à la femme dans cette même paracha, comme nous le verrons.

Qu’est-ce que cela signifie ?

[Précisons que ces chiffres ne semblent pas être le fait du hasard dans notre paracha, car nous retrouvons de nombreuses allusions réunissant ces deux valeurs. En premier lieu, Bé’houkotai est la 33ème paracha de la Thora. D’autre part, durant les périodes (comme cette année) où nous avons lu des doubles parachiot, selon cet ordre de lecture, Bé’houkotai porte le numéro 30. Elle est donc également la trentième du troisième livre de la Thora. Par ailleurs, le premier passouk de cette paracha comporte 33 lettres. A noter également que toute la section correspondant au sujet de la donation de la valeur d’une personne au Beith Hamikdach, jusqu’à la fin du chapitre (à l’exclusion du dernier verset récapitulatif) comporte 33 psoukim. Il y a encore beaucoup d’autre rapports similaires relevés par Rav Ytshak Guinsbourg, que nous épargnerons au lecteur. On ne peut s’empêcher non plus d’évoquer la date de « Lag Baomer – 33ème jour du Omer », qui tombe régulièrement aux alentours de cette Paracha].

L’évaluation de l’homme est supérieure à celle de la femme

Ainsi que nous l’avons mentionné, le chapitre de clôture du livre Vaykra traite de l’homme ou la femme qui formule un vœu en consacrant la valeur de sa personne. Et la Torah donne une échelle de valeur fixe pour chaque personne selon la classe d’âge et selon le genre, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme.

Pour être plus clair, si l’on désire résumer les mesures de ces évaluations, il en ressort la liste suivante :

50 chekalim pour un homme dont l’âge varie entre 20 et 60 ans – 30 chekalim pour une femme de cette même tranche d’âge. 20 chekalim pour un garçon âgé de 5 à 20 ans – 10 chekalim pour une fille. 5 chekalim pour un garçon âgé d’un mois jusqu’à 5 ans – 3 chekalim pour une fille. Au-delà de 60 ans, 15 chékalim pour un homme et 10 pour une femme.

Force est de constater que la donation de la valeur du genre féminin est toujours inférieure à celle du genre masculin au point que certains des commentateurs prennent la défense des femmes, comme le Iben Ezra qui écrit: «ces valeurs doivent être considérées comme des décrets divins et cela ne vient en rien témoigner d’une supériorité de l’un sur l’autre ».

Rav Hirch : L’évaluation attribuée à la femme représente la famille, celle de l’homme l’attachement au groupe

Rav Ch.R. Hirch z”l présente une approche originale et intéressante, tel est le contenu de son propos :

La base de l’échelle est constituée des chiffres 3, 5 et 10. Le chiffre 3 est le sceau de l’objectif de vie féminin. Le chiffre 5 est celui du masculin, quant au nombre 10, il représente la finition et la perfection.

Le concept de famille se conçoit à travers le chiffre 3 : L’homme, la femme, l’enfant. Le social est symbolisé par le chiffre 2 qui est le minimum de la représentation du pluriel. Il ressort de là, que l’association de la famille et du groupe s’expriment à travers le chiffre (3 + 2) 5.

Force est de constater que le chiffre 3 correspond ostensiblement à la femme qui incarne la famille et la maison. Quant à l’homme qui apporte son côté social, il porte le chiffre 5 qui contient en même temps celui de la femme. Cela vient justifier l’évaluation de base fixée à 5 chekalim jusqu’à l’âge de 5 ans.

La période allant de 20 ans jusqu’à 60 ans correspond aux années de réalisation de l’objectif de vie du couple, c’est pourquoi tout est multiplié par 10, c’est-à-dire 30 pour la femme et 50 pour l’homme. Car le nombre 10 représente la réalisation.

L’âge de 60 ans jusqu’à la fin de la vie correspond à la vieillesse, période où l’homme passe en revue tous ses actes. Dans sa construction personnelle, l’individu est parvenu à un aboutissement parfait. Par contre, on ne peut parler d’aboutissement au niveau social, il y est plutôt question d’apport personnel. C’est la raison pour laquelle, par sa vocation plus privée, relativement à sa maison et sa famille, le chiffre attribué à la femme est 10 car il symbolise la perfection. Pour l’homme, dont l’action est également intégrée au groupe, il y a lieu d’ajouter à 10, le chiffre 5 qui correspond également à une demi réalisation, soit (10 +5) 15.

Telle est la version de Rav Ch.R. Hirsch

La Femme: Ministre de l’Intérieur, l’Homme: Ministre des Affaires Etrangères

En vertu de ce qui précède, il n’est nulle question de dire que la valeur accordée à l’Homme soit supérieure à celle attribuée à la Femme. Et en poussant les choses encore plus loin, nous pouvons ajouter que le chiffre 5 de l’homme n’a pas d’existence propre dans la mesure où il prend pour appui le chiffre 3 de la femme. En d’autres termes, ce n’est que par l’intermédiaire de sa femme que l’homme peut s’épanouir dans sa personnalité profonde et atteindre sa dimension et cela, même en ce qui concerne sa vie sociale.

Bien que l’homme fasse partie de la maison, raison pour laquelle il incarne aussi ce chiffre trois, c’est la femme qui est dénommée “akeret habait” – ‘maîtresse de maison’ ou littéralement ‘l’essentiel de la maison’. Le fonctionnement de la maison et les tâches qui lui sont affiliées appartiennent pleinement au domaine de la responsabilité de la Femme au point qu’elle soit surnommée ‘sa maison’. Elle est le déterminant du caractère de la cellule familiale et c’est elle qui façonne son image. Pour lui permettre de réaliser cet objectif, des qualités spécifiques lui ont été accordées et c’est également ce qui explique la sensibilité particulière dont elle est dotée. Quant à la mission de l’Homme, elle trouve davantage son lieu d’expression en dehors des murs de la maison, à travers son activité professionnelle et sa vie sociale. Cela revient à qualifier la Femme de « Ministre de l’Intérieur » et l’Homme de « Ministre des Affaires Etrangères ».

Il est vrai que de nos jours et dans notre contexte de vie, la femme est également mêlée à la vie extérieure et au monde du travail, mais contrairement à l’homme, elle reste capable de mener en parallèle une vie intérieure. Même occupée dans ce sens, elle est apte à se souvenir que par nature, son véritable rôle a trait à l’éducation des enfants et au bien-être de la maison. Il suffit de constater que dans la plupart des drames d’enfants oubliés dans des voitures, Dieu nous en préserve, il était question de papas.

L’Homme se différencie radicalement de la Femme lorsqu’il est occupé. S’il est entièrement absorbé par son activité professionnelle ou son commerce, la femme, elle, est capable de penser en même temps, aux tâches domestiques qui l’attendent, à récupérer les enfants à la sortie de l’école etc… Selon les données scientifiques, hommes et femmes utilisent chacun une approche cérébrale différente concernant le traitement de l’information. Les hommes vont plus facilement pencher en faveur d’informations qui les avantagent sans tenir compte d’autres paramètres. Ils ne s’encombrent pas de données à leurs yeux, superflues. Par contre, la tendance des femmes est de davantage traiter l’information dans sa globalité, en attachant plus d’importance aux détails. Elles sont à même d’intégrer dans leur pensée, bien plus de données et elles privilégieront leur amalgame selon leurs critères de réflexion.

Sans sa femme, l’homme peut en arriver à perdre son identité

Et sans l’aide de la femme qui vit naturellement sa vie intérieure, l’homme se serait oublié, noyé par ce vaste monde, au point même d’en arriver à perdre toute sa particularité propre en tant qu’individu. C’est en cela que la femme symbolise ce rempart, cette muraille de protection. Autant l’homme est plongé dans son activité professionnelle ou tout autre domaine, à la même mesure, se tient face à lui sa femme qui vient lui rappeler la réalité indéniable de la vie et ses contraintes. Lorsque l’homme se retrouve dans le flot tumultueux de la société elle le ramène à l’environnement cadré et bien défini du foyer. Elle détient la force de le couper du monde quelque peu imaginaire, pour un monde beaucoup plus concret et réel.

Ainsi se trouve-t-il que le chiffre 5 qui est attribué à l’Homme, se divise en deux parties: le chiffre 3 qui représente la famille et qui se concrétise principalement par le biais de la femme, et le chiffre 2 qui représente la fonction sociale ou professionnelle de l’homme. Sans l’apport de la Femme dans l’édifice familial ainsi que celui de la maison, l’Homme perd non seulement cette valeur correspondant au 3, mais il est de plus, susceptible de perdre tout le contenu représentatif du 5. Nous en retenons que sans intimité, l’Homme est susceptible de perdre son identité au point de pouvoir en arriver à être immergé dans les sables mouvants de la société avec tout ce que cela comporte comme risques et dommages. Dans ce même esprit, nos Sages expriment dans la guémara Yébamot (63)  « tout homme qui n’a pas de femme n’est pas homme ! »

Entre « געל – vomir » et « גאל délivrer »

Suite à cet éclairage, nous pouvons donner un sens à la Promesse d’Hachem citée dans notre Paracha : « Mon âme ne sera pas dégoûtée par vous » :

Comme nous l’avons dit, les lettres essentielles du mot ‘ga’al‘ sont le ‘guimel’ et le ‘lamed’ qui ont chacun respectivement pour valeur numérique 3 et 30. Ils sont précisément les chiffres qui correspondent à la valeur de la femme, hormis la lettre ‘’ayin’ qui fait obstacle entre elles. En retirant cette lettre ‘’ayin’ nous obtenons ‘Gal – dévoilement. Et lorsqu’on échange cette lettre ‘’ayin’ pour la remplacer par le ‘aleph’, du mot ‘ga’aldégoût’, nous obtenons le mot ‘gaaldélivrer’.

Ainsi pour que se concrétise la Promesse d’Hachem de ne pas éprouver de dégoût envers nous, il nous appartient de nous attacher aux lettres guimel et lamed sans y introduire la lettre ‘ayin’. Ce qui implique de nous connecter à nos femmes et ce qu’elles représentent, la maison.

Expliquons-nous :

Nous avons exprimé que les deux mots ga’al et gaal’ ne se différencient que par leur lettre centrale qui, pour le premier est le ‘ayin’ et le second le ‘aleph’. Ces deux termes expriment l’idée d’une expulsion, une délivrance pour l’un et un rejet pour l’autre. Si ‘gaal – délivrer’ vient expulser un élément qui était trop assimilé, comme prisonnier, ‘ga’al – vomir’ vient expectorer un élément mal digéré.

Selon un rapport de similitude, ce passouk exprime que si nous sommes intègres dans nos mitsvot uniquement dans leur forme extérieure, sans les avoir « digérées » comme il convient, sans qu’elles aient fait leur chemin en nous au point de faire partie de nous-mêmes, elles repartiront, de même que toute chose non digérée est évacuée. Et par conséquent Dieu nous expulsera.

Il est possible d’accomplir toutes les mitsvot de la Thora, sans pour autant qu’elles nous pénètrent et qu’elles se soient imprégnées en nous. Un tel état peut conduire la Che’hina à nous rejeter, à nous « vomir » hass véchal’om. C’est pourquoi même après la promesse que Hachem résidera parmi nous, Il tenait à ajouter « Mon âme ne vous prendra pas en dégoût», car même si nous accomplissons tous Ses préceptes avec ardeur, tant que nous ne les avons pas véritablement intériorisées, nous risquons toujours de finir par être expulsés.

Nous ne devons pas nous contenter d’exécuter les mitsvot d’Hachem de manière superficielle, elles doivent être gravées en nous et dans ce cas nous ne risquons pas d’être « expectorés, vomis ». Car rien de ce qui est bien ingéré ne pourra être rejeté.

Sans Maison, impossible d’intégrer les mitsvot en nous-mêmes

Pour que nos mitsvot se fixent en nous, nous devons nous attacher uniquement au ‘guimel et au ‘lamed’. Cela revient à nous attacher étroitement à notre Femme et à l’intériorité de nos maisons. Sans cela, il est impossible d’accomplir les mitsvot de façon intime et intériorisée comme nous l’enseignent nos Sages dans la guémara Yébamot « Etre sans femme c’est être sans Thora ». Par le biais de la mission de la Femme dans l’édification de sa maison, nous enracinons notre intériorité et c’est là, la seule manière d’imprimer profondément les mitsvot en nos cœurs.

La lettreayin’ vient toujours révéler un aspect superficiel, alors que la lettre aleph’ est le témoin de l’intériorité. Comme l’expression « כתונת עור – tunique de peau » et « כתונת אור- tunique de lumière ». C’est pourquoi la lettre ‘ayin’ placée entre celles de ‘guimel et lamed’ transforme le mot en ‘ga’al’.

Si la femme est prise par l’Homme pour son extériorité, en tant qu’aide technique uniquement, elle ne sera d’aucune aide pour lui. Par contre si nous choisissons la lettre ‘aleph’ symbole de l’intériorité, pour la substituer au ‘ayin’, nous parviendrons à la « guéoula » à la véritable délivrance, celle où le sens des mitsvot se fondent avec notre être.

Traduit par notre chère maman

About The Author

Ancien élève de la yechivat Hevron Guivat Mordehai. Auteur de plusieurs livres sur le Talmud et la Halacha. Roch Kollel Michné-Torah à Jerusalem.

Comments (3)

  • Emmanuel

    Tres beau mahalakh !

  • md

    Bonjour,
    Déjà toutes mes félicitations pour avoir déjà osé braver un tel sujet avec tout ce qu’il comporte de sensibilité humaine, et surtout pour nous avoir éclairés sur ses interprétations. L’aspect technique a particulièrement été soigné pour nous permettre de suivre le cheminement du développement et ce que certaines pouvaient craindre à priori se sont non seulement détendues mais bel et bien relevées. La Thora est inépuisable et préserve en toutes circonstances les spécificités de chacun, une preuve magistrale ! Merci et faites nous encore beaucoup profiter de ces lumières qui repoussent l’obscurité de ce monde.
    Brakha vehatslaha à Rav A.Melka et toute son équipe de Rabanim BSD
    kd

  • Y.Ka

    Hazak pour le partage de ce dvar torah, dont la problematique ma interpellé
    Profond et tres bien rédigé
    Hazak encore

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